machisme à l’assemblée nationale


article de la rubrique discriminations > femmes
date de publication : samedi 21 juillet 2012
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L’incident s’est produit mercredi 18 juillet 2012, pendant la séance de questions au gouvernement : lorsque Cécile Duflot s’est levée pour prendre la parole, l’hémicycle a bruissé au sujet de la robe qu’elle portait...

« Au-delà de la misogynie, du sexisme latent, ... la marque d’une grande grossièreté. » (Olivier Dussopt, député)



Les députés, chronique du sexisme ordinaire

par Lénaïg Bredoux, Mediapart, 18 juillet 2012


On a juste envie qu’ils se taisent. Mais non : ils ne s’arrêtent jamais. Peur de rien, toute honte bue. Mardi à l’Assemblée : Cécile Duflot, ministre de la République, est appelée à répondre à la question d’un député et son arrivée, en robe à fleurs, provoque sifflets, huées et autres remarques graveleuses sur les bancs de l’opposition, ou plus exactement des mâles de l’UMP.

Le même jour, le député Bernard Debré, coutumier du fait, dézingue son ennemie préférée, Rachida Dati, candidate présumée à la tête de leur parti. L’argument est hautement politique : « Je ne suis pas sûr que Vuitton ou Dior ait sa (sic) place à ce niveau-là. » Depuis, les vidéos ont fait le tour du web, la presse s’y intéresse, les parlementaires surjouent la gêne. Enfin, pas tous. Il y a l’inénarrable Jacques Myard, autre coutumier du fait, qui ironise lourdement en parlant de « simples sifflets » en hommage « à la beauté de cette femme  » (Cécile Duflot). Il y a, bien sûr, David Douillet : « Oh vous savez, nous en sport, on a l’habitude de voir des jolis corps. »

Il y a surtout Patrick Balkany qui concentre à lui seul tous les clichés du sexisme le plus crasse (il s’était déjà distingué avec Aurélie Filipetti). « Nous n’avons pas hué ni sifflé Cécile Duflot, nous avons admiré, a-t-il raconté au Figaro. Tout le monde était étonné de la voir en robe. Elle a manifestement changé de look, et si elle ne veut pas qu’on s’y intéresse, elle peut ne pas changer de look. D’ailleurs, peut-être avait-elle mis cette robe pour ne pas qu’on écoute ce qu’elle avait à dire. » Et puis : « Enfin, on peut regarder une femme avec intérêt sans que ce soit du machisme. » Ben voyons.

L’argument est éculé – « mais arrêtez donc, Mesdames (les hystériques) de prendre la séduction pour du machisme, ou alors où va-t-on ? » – mais il contamine parfois la presse de sa légèreté supposée. C’était mercredi, et on pouvait lire ici que « la robe de Cécile Duflot met les députés en émoi », là que la « robe a remué le Palais Bourbon », et encore là que c’était « la robe de la discorde ».

Un crêpage de chignons pour une affaire de chiffons, peut-être ? Ah non, ça, c’est la Une de L’Express : « Le poison de la jalousie », avec photos plein pot de Ségolène Royal et Valérie Trierweiler et, pour sous-titre, « Politiques : Valérie, Cécilia, Bernadette et les autres…  » Des femmes, toujours.

« Une longue tradition parlementaire »

Combien de temps, combien de fois faudra-t-il écrire que siffler une ministre parce qu’elle porte une robe est sexiste ? Que cela fait des décennies que cela dure… Et que rien ne change. Roselyne Bachelot et la couleur de ses tailleurs, Edith Cresson et sa « veste pied de poule » lors de son discours de politique générale en 1991, Michèle Alliot-Marie empêchée d’entrer en pantalon dans l’hémicycle en… 1972. En même temps, cette année, Jean Glavany, candidat PS à la présidence de l’Assemblée nationale, se sabotait tout seul en refusant de mesurer la compétence de ses concurrentes à « la longueur de la jupe » et la presse se délectait des chaussures rouges de Rachida Dati.

L’affaire DSK, l’an dernier, avait au moins eu le mérite de délier les langues. Dans le Parisien, on découvrait que la ministre des Sports Chantal Jouanno ne pouvait pas, de son propre aveu, porter une jupe dans l’hémicycle sans entendre dans son dos des remarques salaces, qu’un député UMP des Yvelines lançait à une collègue du PS : « Habillée comme ça, faut pas s’étonner de se faire violer ! »

Dans les couloirs de l’Assemblée, les attaché(e)s parlementaires s’ouvraient de propos machistes, de mains aux fesses, de drague lourde (voir notamment l’enquête de Elle), venus de la droite comme de la gauche. On se souvenait alors du livre Sexus Politicus coéécrit par Christophe Deloire et Christophe Dubois (Albin Michel, 2006) et de cette phrase : « Il y a une longue tradition parlementaire qui mêle vantardise, gaudriole et frénésie sexuelle. » On parlait de « harcèlement sexuel » de la part de certains élus de la République.

Mardi, Cécile Duflot était en robe et la commission des Lois de l’Assemblée nationale auditionnait les ministres de la justice et des droits des femmes. L’objet ? Le projet de loi contre le harcèlement sexuel.


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