droits des femmes : des hauts et des bas


article de la rubrique discriminations > femmes
date de publication : dimanche 6 mars 2005
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Faut-il se féliciter du chemin parcouru - impressionnant - ou jauger les barrières qui s’érigent devant les femmes - et elles ne manquent pas. Examen de la « question femme » sous trois dimensions.

Un article de Noël Bouttier [Témoignage chrétien du 3 mars 2005].


1. La « maîtrise du corps »

Le féminisme s’est construit sur une volonté d’échapper à l’emprise masculine, en contrôlant notamment la fécondité. « Un enfant quand je veux » : ce slogan, hier décrié par une partie de la société, est devenu réalité. Depuis les lois Neuwirth sur la contraception (1967 et 1974) et la loi Veil (1975) sur l’interruption volontaire de grossesse, la vie des femmes a été profondément chamboulée. En 2000, trois quarts des femmes entre 18 et 44 ans déclaraient utiliser un moyen contraceptif médicalisé (pilule ou stérilet). Les différences qui existaient voici une vingtaine d’années en fonction de l’appartenance religieuse ou sociale se sont estompées. Ce bilan positif ne saurait esquiver une question : pourquoi la France connaît-elle un fort taux d’IVG [1]
alors que la pratique contraceptive est très répandue ? Environ une grossesse sur trois est non prévue et deux tiers surviennent chez des femmes ayant recours à la contraception. Là dessus, les explications foisonnent : manque d’éducation sexuelle, précarité croissante de nombreuses femmes, multiplication des partenaires, etc. Tout cela est juste, mais ne suffit à comprendre la difficulté de nombreuses femmes - et hommes - à « gérer » l’arrivée d’un enfant. Certains s’interrogent sur la « logique médicale » de la contraception. « Le corps médical, écrivent Nathalie Bajos et Michèle Ferrand [2], oublie souvent que la contraception s’utilise dans un cadre relationnel particulier, où il est nécessaire de prendre en compte le partenaire. » C’est d’ailleurs un paradoxe de la révolution contraceptive : les femmes étant devenues pleinement responsables de leur fécondité, les hommes ont pu se sentir exonérés de toute responsabilité.

2. L’égalité salariale

Ce thème est revenu au centre du débat français, suite à l’engagement de Jacques Chirac, en début d’année, de mettre en œuvre l’égalité salariale. La France doit, en 2005, transposer une directive européenne [3] qui renforce l’égalité de traitement homme-femme. Dans ce domaine, notre pays peine. Depuis les années 1960, si l’écart entre salaires des hommes et des femmes a été réduit de moitié, depuis les années 1980, il se maintient dans le secteur privé autour de 25 %. Cette inégalité - moins forte mais réelle dans le secteur public - s’explique par deux faits : la sous-représentation des femmes chez les hauts salaires (un tiers parmi les 20 % de salariés les mieux payés) et leur présence écrasante en bas de l’échelle, avec notamment les temps partiels subis (71 % de femmes parmi les 20 % les moins payés). Si on exclut les considérations psychologiques fort contestées - les femmes seraient moins tentées par les responsabilités -, cette différence de traitement renvoie à l’inégale implication au sein du couple, quand il existe, de la prise en charge des enfants. « Avec la montée de l’emploi féminin, la question “ travailler ou pas ” s’est déplacée, expliquent Dominique Meurs et Sophie Ponthieux [4], pour devenir “ travailler plus ou moins ”, c’est-à-dire accepter un engagement intensif, en responsabilité et en temps. »

3. La parité en politique

Sur ce volet, la situation a évolué, bien que timidement. La France - cela n’excuse rien - revient de loin. Ayant accordé le droit de vote aux femmes seulement en 1944, notre pays a une sale réputation machiste. Il a fallu attendre les années 1970 pour avoir des ministres femmes de premier plan (Simone Veil en 1974) et les années 1990 pour accueillir à Matignon une éphémère Première ministre (Édith Cresson). Aujourd’hui, la situation reste très inégalitaire. L’Assemblée ne compte que 12 % de femmes et la Chambre haute, 16 %. Lors des législatives de 2002, les deux grands partis (UMP et PS) ont préféré voir leur financement public amputé - respectivement de quatre et un million d’euros - plutôt que de présenter autant de femmes que d’hommes, comme le recommandait la loi [5] . La situation est pire pour les scrutins oubliés par la loi. Suite au renouvellement partiel en 2004, les femmes ne représentent que 10 % des conseillers généraux. Et à la tête de l’exécutif départemental, elles ne sont que trois sur 99... De nombreuses voix, notamment du côté de l’Observatoire de la parité, plaident pour un renforcement de la loi. Il s’agirait de contraindre les partis à présenter plus de femmes lors des scrutins uninominaux. La politique, entend-on, a besoin de femmes. Chiche !

Notes

[1Environ 200 000 par an, soit 25 pour 100 naissances. Le taux est inférieur dans la plupart des autres pays développés.

[2« Contraception et avortement » in "Femmes, genre et sociétés" (sous la dir. de Margaret Maruani), la Découverte, 466 p., 25 €.

[3Directive Hautala, du nom d’une députée finlandaise verte.

[4« Marché du travail » in "Femmes, genre et sociétés".

[5Une loi-gruyère - Votée en 1999, après une modification constitutionnelle, la loi sur la parité en politique s’applique aux élections européennes, régionales, municipales (pour les communes de plus de 3 500 habitants) et sénatoriales (dans les « gros » départements où s’applique la proportionnelle). Une liste qui ne serait pas paritaire ne peut concourir. En revanche, ne sont pas concernées l’élection des conseils généraux et celle des conseillers municipaux des petites communes. Cas particulier avec les législatives où la loi n’est qu’incitative : les partis qui présentent plus d’hommes que de femmes reçoivent moins d’aides publiques.


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