Il fut un temps où l’Espagne montrait la voie en matière de droits des femmes. En 2004, le socialiste José Luis Rodriguez Zapatero avait innové en mettant en pratique une véritable parité au gouvernement. C’est aussi à Madrid qu’a été conçue et appliquée l’une des politiques les plus progressistes d’Europe pour lutter contre le fléau de la violence conjugale.
Une loi entrée en vigueur en 2010 autorisait l’avortement sans condition jusqu’à la quatorzième semaine de grossesse. Aujourd’hui, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy est en train de revenir en arrière : un avant-projet de loi présenté en conseil des ministres peu avant Noël, supprime purement et simplement le droit des femmes à décider librement d’interrompre leur grossesse. Et le gouvernement espagnol envisage de lancer une croisade contre l’avortement en Europe.
Communiqué LDH
Paris, le 10 janvier 2014
Avortement : une catastrophe en Espagne
Depuis des années, nous souhaitons une vraie loi-cadre contre les violences faites aux femmes, en nous inspirant du modèle espagnol. En 2010, le gouvernement Zapatero avait vaincu les conservatismes en donnant aux femmes espagnoles le droit à l’avortement. Il avançait ainsi dans le sens de la Déclaration et du Programme d’action internationale de Pékin, qui réclamait en 1995 « la reconnaissance et la réaffirmation expresses du droit de toutes les femmes à la maîtrise de tous les aspects de leur santé, en particulier leur fécondité ».
Aujourd’hui, cette Espagne mitoyenne, si proche de nous, qui vient pratiquement de supprimer le droit des femmes à l’interruption volontaire de grossesse, est brutalement renvoyée en arrière. Sur fond de crise économique et sociale, les idées traditionalistes et familialistes l’ont emporté.
Cette véritable catastrophe, qui renvoie les femmes à un statut d’inférieures, menace de se répandre en Europe. Les extrêmes droites entendent constituer un lobby européen anti-avortement et mener une propagande active, de l’Espagne à la Pologne, à l’Irlande et aux autres pays de l’Union.
La Ligue des droits de l’Homme exprime sa solidarité aux femmes et aux hommes qui, en Espagne, combattent aujourd’hui la perte d’une liberté fondamentale. En France, elle attend des partis et des candidats aux prochaines élections européennes la dénonciation claire de ce recul et un engagement en faveur du progrès de l’égalité des femmes et des hommes, qui passe nécessairement par la reconnaissance des droits spécifiques des femmes.
Le gouvernement conservateur espagnol de Mariano Rajoy veut relancer en Europe le débat sur le droit à l’avortement. Après avoir rédigé un projet de loi qui interdit les interruptions volontaires de grossesse (IVG) sauf dans quelques cas très limités (viol ou danger pour la santé de la mère), le ministre espagnol de la justice, Alberto Ruiz-Gallardon, a annoncé qu’il se rendrait à Bruxelles en février pour expliquer le texte.
« Nous avons fait la première loi qui reflète l’opinion majoritaire des citoyens européens, a expliqué M. Gallardon dans un entretien au quotidien monarchiste ABC du 27 décembre, (…) et je suis convaincu que cette initiative aura des prolongements dans les Parlements d’autres pays européens. »
Cet ancien maire de Madrid longtemps considéré comme l’incarnation de l’aile la plus modérée du Parti populaire (PP, conservateur, au pouvoir) donne une analyse très idéologique du projet qu’il a présenté en conseil des ministres le 20 décembre et qu’il défendra « rapidement » au Parlement espagnol. « Nous avons fait une chose sans précédent dans les dernières décennies en Europe, qui consiste à en finir avec le mythe de la supposée supériorité morale de la gauche », déclare-t-il dans cet entretien.
« Loi la plus avancée et progressiste de ce gouvernement »
M. Gallardon fait explicitement référence au rapport de l’eurodéputée socialiste portugaise Edite Estrela, qui prônait notamment la liberté de choix des femmes en Europe, et qui a été rejeté au Parlement européen par 334 voix contre 327 (Le Monde du 12 décembre). Le ministre espagnol soutient aussi que son projet est « la loi la plus avancée et progressiste de ce gouvernement ».
La « loi de protection de la vie du conçu et des droits de la femme enceinte » met fin à l’avortement vu comme un droit sans condition pour les femmes. Seules pourront demander une interruption volontaire de grossesse les victimes d’un viol ou les femmes dont la santé mentale ou physique est mise en danger par cette grossesse.
Encore devront-elles, si elles invoquent un risque psychique, se prévaloir de deux avis concordants de psychiatres n’ayant aucun lien avec la clinique où elles demandent à avorter. Les malformations des foetus ne sont plus un motif d’IVG.
La cause n’est pas gagnée d’avance
A gauche, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) n’a pas l’intention de laisser défaire sans se battre la loi votée sous le gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero. Depuis 2010, elle permet aux Espagnoles d’avorter sans restriction durant les quatorze premières semaines de grossesse. La numéro deux du PSOE, Elena Valenciano, a appelé les « femmes du PP a rompre avec la loi du silence » et à se prononcer contre la réforme.
La cause n’est pas gagnée d’avance, car les députés espagnols, à droite comme à gauche, sont contraints par leur parti à une discipline de vote quasi absolue sous peine de représailles financières et de non-réinvestiture.
Du reste, dans l’entretien à ABC, M. Gallardon prévient que, puisque la réforme de l’avortement figurait dans le programme du PP qui les a fait élire, les parlementaires conservateurs « ne peuvent dire maintenant qu’ils avaient des réserves sur des points de ce programme ». « Nous sommes donc tous tenus par le contrat que nous avons signé avec les électeurs », ajoute-t-il.
Dans l’opposition, Elena Valenciano a annoncé que son parti contre-attaquerait en « européanisant le problème des femmes espagnoles ». Le PSOE contactera toutes les eurodéputées et mobilisera les socialistes européens. Il organisera en Espagne « un sommet européen pour la liberté des femmes » pour « expliquer ce qui est en train d’arriver à la liberté des femmes en Espagne ». « Cette loi, a accusé le secrétaire général du PSOE, Alfredo Perez Rubalcaba, vendredi 27 décembre, ni Sarkozy, ni Cameron, ni Merkel ne l’auraient faite. Seul Le Pen l’aurait pu. »
Communiqué de presse du Planning familial [1]Régression catastrophique pour les droits des femmes en Espagne : une fin d’année 2013 marquée par l’obscurantisme en Europe !
Lundi 23 décembre 2013
Le gouvernement espagnol Rajoy vient d’annuler ce vendredi 20 décembre la loi autorisant l’avortement, sous couvert d’une loi organique de « protection de la vie et des droits de la femme enceinte ». Pour rassurer sa base électorale et consolider sa position de fervent défenseur des valeurs traditionalistes et fondamentalistes religieuses, il fait ainsi passer au second plan les problèmes économiques qui touchent de plein fouet les EspagnolEs
Au mépris des recommandations des textes internationaux de l’OMS et ONU, le conseil des ministres espagnol est revenu sur une avancée majeure pour les femmes : la loi de 2010 qui légalisait l’avortement jusqu’à 14 semaines de grossesse - 22 pour raison médicale.
Il subordonne le choix des femmes au contrôle médical et social puisque cette proposition de loi prévoit l’autorisation d’avorter dans 3 cas très précisément encadrés :
- Grave danger encouru par la femme pour sa vie ou sa santé physique ou psychologique : le texte impose que le diagnostic soit émis par deux médecins différents et étrangers à l’établissement pratiquant l’avortement.
- Viol, à la condition qu’elle ait déposé plainte.
- Malformation fœtale, sous réserve de deux rapports médicaux - l’un sur la mère et l’autre sur le fœtus, qui confirmeront le motif d’interruption de grossesse.
Autre recul : les personnes mineures devront avoir obligatoirement l’autorisation de leurs parents pour interrompre une grossesse non voulue.
En renouant avec des pratiques déniant la liberté de choix, c’est le mépris des droits humains fondamentaux des femmes et des couples à maîtriser leur fécondité et à décider de leur vie que le gouvernement espagnol vient de signer. Il annonce clairement son projet de société : maintenir les femmes dans un statut social étroit et de soumission !
Après l’offensive des opposants aux droits des femmes contre le rapport Estrela, rejeté le 10 décembre dernier au Parlement européen, cette démarche du gouvernement espagnol vient s’inscrire dans le mouvement européen réactionnaire et conservateur qui n’a toujours pas accepté le droit des femmes à de disposer de leur corps, et les considère comme des sous citoyennes incapables de décider par elles-mêmes.
Le combat des forces démocratiques et associatives espagnoles pour ce droit fondamental est le nôtre, et nous le soutiendrons ici et ailleurs, car il est le combat est celui de celles et ceux qui veulent l’égalité entre les femmes et les hommes.
Pour s’informer, en France :
Complément (24 janvier 2014) :
Un communiqué de presse conjoint de la FIDH (Fédération internationale des ligues des droits de l’Homme) et de l’APDHE - Asociación Pro Derechos Humanos de España : L’Espagne doit abandonner son projet de loi contre l’avortement
[1] Référence : http://www.planning-familial.org/co....