non à une remise en cause des droits des femmes


article communiqué de la LDH  de la rubrique discriminations > femmes
date de publication : samedi 8 mars 2008
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Samedi 8 mars 2008, Journée internationale de la femme, une vingtaine de militants de l’association anti-avortement SOS-Tout Petits avaient organisé une “prière publique de réparation” devant l’hôpital de la Timone au centre de Marseille. A l’appel de syndicats et mouvements féministes, une centaine de contre-manifestants sont venus s’y opposer au nom de la défense du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Les forces de l’ordre ont dû intervenir pour séparer les militants pro et anti-avortements.

Un arrêt de la Cour de cassation du 6 février qui autorise la déclaration à l’état civil d’un foetus né sans vie relance le débat sur l’IVG qui a été légalisée en 1975.


Communiqué LDH

Statut du fœtus : non à une remise en cause des droits des femmes

Par trois arrêts du 6 février 2008, la première chambre civile de la Cour de cassation rouvre la question du statut du fœtus en autorisant des familles à déclarer à l’état-civil tout fœtus mort-né, même s’il n’a pas atteint le seuil de viabilité défini par l’OMS, 22 semaines de grossesse ou un poids de 500 grammes. En l’absence de loi, une circulaire de 2001 règlementait le traitement des fœtus viables, appelés « enfants sans vie », inscrits sur les registres de décès et les livrets de famille, et pouvant ouvrir droit à des congés parentaux. Les parents peuvent donc désormais demander un acte d’« enfants sans vie » à la suite de toute fausse couche ou avortement, thérapeutique ou non.

On voit bien ce que la démarche des familles qui ont obtenu ce jugement doit à l’air du temps : l’exigence de reconnaissance sociale et compassionnelle de leur statut de victimes. On peut mettre en doute les bienfaits thérapeutiques de l’inscription d’un fœtus sur le livret de famille et penser que le « travail de deuil », insupportable poncif médiatique, s’opère dans l’intime et non dans l’espace social.

Mais surtout on peut s’inquiéter de l’encouragement donné, de fait, aux opposants à l’avortement, qui n’ont jamais baissé la garde et n’attendent que la réouverture de la question du statut juridique de l’embryon pour faire campagne. Déclarer qu’un fœtus, voire un embryon, est « un enfant », c’est déjà nier le fait qu’il n’a pas de personnalité juridique et qu’il fait partie du corps de la femme qui le porte. C’est faire un pas vers la remise en cause des droits des femmes à disposer librement de leur corps. En ce sens, la détresse des femmes qui avortent est exploitée et devient un instrument pour faire rétrograder les droits de toutes les femmes.

La LDH refuse tout abandon de ces droits, acquis au terme de luttes très dures. Si, conformément aux demandes de la Cour de cassation, une loi est nécessaire, par exemple dans le cadre du débat parlementaire à venir sur la bioéthique, la LDH souhaite que la question des droits des femmes, de la maîtrise de la fécondité au droit à l’IVG entièrement dépénalisée, fasse l’objet d’une loi complète et globale, maintenant et renforçant les libertés et les droits acquis.

Paris, le 6 mars 2008

La Cour de cassation élargit la notion d’"enfant sans vie"

par Anne Chemin, Le Monde daté du 8 février 2008

Un fœtus né sans vie pourra désormais être déclaré à l’état civil, quel que soit son niveau de développement : c’est le sens d’un arrêt de principe rendu, mercredi 6 février, par la première chambre civile de la Cour de cassation. Cette décision ne crée pas un "statut de l’embryon" qui remettrait en cause le droit à l’avortement : elle se contente de répondre aux parents de foetus mort-nés qui, depuis des années, tentent de faire reconnaître l’existence juridique de ces "enfants morts in utero".

La Cour de cassation examinait les dossiers de trois familles qui avaient eu des enfants mort-nés entre 1996 et 2001. Les parents s’étaient vus refuser le droit d’enregistrer ces naissances à l’état civil et ils avaient décidé de porter l’affaire en justice. Déboutés en mai 2005 par la cour d’appel de Nîmes, ils s’étaient pourvus en cassation.

Depuis 1993, lorsqu’un bébé décède avant que sa naissance soit déclarée à l’état civil, le code distingue deux cas. Les enfants qui sont nés "vivants et viable" peuvent être déclarés : l’officier d’état civil établit un acte de naissance et un acte de décès, l’inhumation ou la crémation de l’enfant deviennent dès lors obligatoires et ses parents bénéficient des droits sociaux qui sont liés à la naissance, notamment le congé maternité.

En revanche, si l’enfant n’est pas viable ou s’il est mort-né, l’officier d’état civil se contente, depuis 1993, d’un acte d’"enfant sans vie" : inscrit sur les registres de décès, ce document énonce simplement les jour, heure et lieu de l’accouchement ainsi que les prénoms, noms, professions et domicile des parents. Ces règles ont été précisées par une circulaire de 2001 : s’appuyant sur des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé datant de 1977, ce texte a estimé que cette notion d’"enfant sans vie" s’appliquait uniquement aux foetus considérés comme "viables", c’est-à-dire nés après 22 semaines d’aménorrhée ou pesant au moins 500 grammes.

Appel au législateur

Lorsque le foetus ne correspond pas à ces critères, il tombait jusqu’alors dans un no man’s land juridique : l’acte d’"enfant sans vie" ne pouvait être établi et si les parents ne réclamaient pas le corps de l’enfant, le foetus était incinéré parmi les déchets opératoires. Indignées par ces pratiques, plusieurs associations avaient demandé la reconnaissance de ces "enfants morts in utero" : en 2002, le docteur Jacques Montagut, conseiller municipal (UMP) à Toulouse, avait ainsi demandé la création de "jardins du souvenir des enfants nés sans vie" dans tous les cimetières de France.

Les trois dossiers soumis à la Cour de cassation concernaient des foetus de 18 à 21 semaines qui pesaient entre 155 et 400 grammes. S’appuyant sur la circulaire de 2001, la cour d’appel de Nîmes avait donc refusé leur inscription à l’état civil. Dans son arrêt de principe, la Cour de cassation a cependant rappelé que le code civil ne "subordonnait pas l’établissement d’un acte d’enfant sans vie au poids du foetus, ni à la durée de la grossesse". Pour l’avocat général, Alain Legoux, cette décision est un appel au législateur. "Ce n’est pas à la jurisprudence de fixer la norme, mais à la loi", notait-il dans ses conclusions.

Anne Chemin

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Une décision de la Cour de cassation relance le débat sur le statut des "enfants nés sans vie"

par Raphaëlle Besse Desmoulières, avec AFP, LEMONDE.FR le 07.02.08 | 18:47

La décision de la Cour de cassation concernant le statut des "enfants nés sans vie" n’a pas fini de faire couler de l’encre. Dans trois arrêts rendus mercredi 6 février, la plus haute juridiction a estimé que "l’article 79-1 du code civil ne
subordonnant l’établissement d’un acte d’enfant sans vie ni au poids du
fœtus, ni à la durée de la grossesse, tout fœtus né sans vie à la
suite d’un accouchement pouvait être inscrit sur les registres de décès
de l’état civil".

Jusqu’à présent, une circulaire de 2001, s’appuyant sur des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), précisait que la notion d’"enfant sans vie" s’appliquait uniquement aux fœtus considérés comme"viables", c’est-à-dire nés après vingt-deux semaines d’aménorrhée ou pesant au moins 500 grammes. Seuls ces derniers étaient déclarés à l’état civil, les parents pouvant alors, notamment, organiser des obsèques.

« La seule portée de cette décision c’est l’application d’une loi »

Dès mercredi soir, Danielle Gaudry, gynécologue et militante du Planning familial, a dénoncé une "décision très grave". "Franchement, les réanimateurs de néonatalité se posent déjà des questions sur les critères de l’OMS et sur les conséquences, sur l’évolution de l’enfant, de la réanimation à vingt-deux semaines d’aménorrhée", avait-elle estimé, ajoutant que cette décision allait "ouvrir une porte à une intervention massive des anti-avortements". L’Alliance pour les droits de la vie a en effet "salué" jeudi, dans un communiqué, une décision qui "suit l’évolution de la science, qui reconnaît de plus en plus l’humanité du fœtus, la réalité de sa vie intra-utérine aux plans physique et psychique".

"Ce que dit la Cour de cassation, c’est qu’il n’y a aucune durée ou poids minimum inscrit dans la loi française ni dans une convention internationale pour faire inscrire à l’état civil un fœtus né sans vie", explique Me Chevallier, du cabinet d’avocats qui a défendu les parents qui avaient porté l’affaire devant la Cour de cassation. "La seule portée de cette décision, c’est l’application d’une loi. Elle sera sûrement exploitée par les anti-avortement mais elle le sera sans fondement juridique", a-t-il ajouté, en précisant que "cette décision ne remet aucunement en cause le droit à l’IVG".

Il faut que « la loi fixe la règle de 22 semaines »

Afin d’éviter toute confusion, le médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye, a demandé, jeudi, "au gouvernement (...) que la loi fixe très clairement la règle de vingt-deux semaines"."Aujourd’hui,
la notion de viabilité dépend de l’appréciation du médecin. Il faut que
le politique définisse très clairement, à partir des critères de
l’Organisation mondiale de la santé, ce qu’est la notion de
viabilité",
a-t-il expliqué, demandant à ce "qu’on donne une force juridique" à la circulaire de 2001.

Une demande qui risque cependant de rester lettre morte. "Il n’apparaît pas a priori nécessaire de modifier la loi, la Cour de cassation a rappelé quelle était la loi",
a affirmé, jeudi, Guillaume Didier, porte-parole de la chancellerie. Selon lui,
la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire n’a fait que "rappeler
que le code civil permet à l’officier d’état civil de mentionner les enfants morts-nés sur le livret de famille, de leur donner un prénom et d’organiser des
obsèques"
.

Raphaëlle Besse Desmoulières

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