persistance de la contestation des fiches de l’ONED relatives aux « enfants en danger »


article de la rubrique Big Brother > le fichage des jeunes
date de publication : jeudi 1er octobre 2009
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Dans un communiqué publié le 22 avril 2009, le Syndicat National des Médecins de PMI [1] avait demandé le retrait des fiches de l’Observatoire national de l’enfance en danger (ONED) [2] relatives aux « enfants en danger ou en risque de danger » au sens de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance [3].

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU s’est également déclaré préoccupé par « les conditions dans lesquelles les entités qui fournissent ou traitent les données peuvent accéder aux informations » « relatives aux enfants à risque » [4].

La contestation par le SNMPMI, l’ANAS (Association Nationale des Assistants de Service Social) et l’ONES (Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés) du contenu de ses fiches relatives au recueil de données concernant les enfants en danger avait amené l’ONED à suspendre la diffusion des fiches. Depuis lors, l’office en a proposé une nouvelle mouture.

Malgré quelques modifications de forme et une tentative de reformulation de cette dernière version, les trois organisations réitèrent leurs critiques dans un communiqué publié le 24 septembre 2009. Elles rappellent leurs principales objections : « notamment quant à la quantité de données recueillies, leur subjectivité et donc les biais d’interprétation qui en découleront lors de l’encodage, l’hypothèque qui en résultera quant à la validité des résultats obtenus, les effets d’induction sur les pratiques professionnelles, sans parler de la constitution de larges bases de données départementales pour lesquelles la garantie du respect des droits des personnes au regard de la loi informatique et libertés est loin d’être assurée. »

[Première mise en ligne le 9 septembre 2009, mise à jour le 1er octobre]



Communiqué commun ANAS, SNPMI et ONES du 24 septembre 2009
 [5]

Nouvelle version des fiches de l’Observatoire National de l’Enfance en Danger :
L’ANAS, le SNMPMI et l’ONES font des propositions

En avril 2009 l’ANAS, le SNMPMI et l’ONES ont contesté le contenu et ont demandé le retrait des fiches de l’ONED relatives au recueil de données concernant les enfants en danger. L’ONED a alors suspendu la diffusion des fiches en l’état et en a proposé une nouvelle mouture.

Cette version a fait l’objet d’une présentation lors d’une réunion organisée à la DGAS (Direction Générale de l’Action Sociale) le 9 juillet 2009 (cf. notre communiqué du 1/07/2009).

Malgré quelques modifications de forme et une tentative de reformulation, apportées à ces nouvelles fiches, nos organisations n’ont pu que réitérer les critiques précédemment émises. Force est de constater que nos principales objections demeurent : notamment quant à la quantité de données recueillies, leur subjectivité et donc les biais d’interprétation qui en découleront lors de l’encodage, l’hypothèque qui en résultera quant à la validité des résultats obtenus, les effets d’induction sur les pratiques professionnelles, sans parler de la constitution de larges bases de données départementales pour lesquelles la garantie du respect des droits des personnes au regard e la loi informatique et libertés est loin d’être assurée.

Les associations ont posé comme préalable essentiel à l’élaboration de nouvelles fiches, la redéfinition précise de l’information préoccupante. L’Etat doit procéder à une concertation la plus large de l’ensemble des acteurs à cet effet.

Le dossier complet de nos analyses et propositions émises lors de cette réunion, a été transmis comme convenu à la DGAS, à l’ONED et à la CNIL le 13 septembre 2009. Vous le trouverez en annexe.

En conclusion, y figurent nos principales propositions :

  • Redéfinir précisément l’« information préoccupante » figurant dans le texte de la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance.
  • Retravailler, dans un cadre qui pourrait emprunter aux méthodes des conférences de consensus et de citoyens, à la formulation des typologies principales sur la nature de l’information préoccupante, à partir des deux catégories de situations visées par l’article 375 du code civil, à savoir les situations de danger et celles où les conditions d’éducation sont gravement compromises
  • Limiter le recueil exhaustif pour les fiches ONED à la description factuelle de la situation et du parcours des enfants concernés dans le dispositif de protection de l’enfance. Et, s’appuyant sur ces résultats et sur les corrélations qui en émergent, réaliser des recherches ad hoc pour produire des connaissances fiables et utiles à l’ensemble des acteurs concernés et soucieux d’une meilleure compréhension des phénomènes en jeu dans le champ de la protection de l’enfance.
  • Soumettre l’ensemble du dossier à l’avis de la CNIL

Jeudi 24 Septembre 2009


Françoise LEGLISE, Présidente de l’Association Nationale des Assistants de Service Social
Pierre SUESSER, Président du Syndicat National des Médecins de PMI
Jean-Marie VAUCHEZ, Président de l’Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés

Communiqué commun ANAS, SNPMI et ONES du 01 juillet 2009
 [6]

Fiches ONED : La confirmation du bien-fondé de notre critique. Une ouverture pour sortir de l’impasse

Suite à la parution de notre dossier critique diffusé le 17 avril 09, et sans réponses satisfaisantes de l’ONED aux questions que l’ANAS, le SNPMI et l’ONES posaient, nous avons demandé à rencontrer son Président ainsi que la CNIL.

Nous avons donc été reçus le 10 juin par sa direction et plusieurs membres ayant travaillé à la réalisation des fiches, en présence de représentants de la Direction Générale de l’Action Sociale.

Nous avons aussi été entendus par la Commission Nationale Informatique et Libertés le 12 juin 09. Parallèlement, la CNIL a donné un premier élément de réponse au Département du Loiret qui avait demandé un avis sur les fiches. A partir de ces différents éléments, voici les principaux points qui nous semblent importants :

- Dans sa réponse au Loiret en date du 24 avril 09, le courrier de la CNIL confirme un des points que nous avions souligné : le fait que « de nombreuses informations demandées par l’ONED excèdent les données prévues » par l’article (D.226-3-2 du Code de l’Action Sociale et des familles). On peut notamment citer « les revenus des parents, leurs diplômes, les suspicions d’addiction ou de problèmes psycho-pathologiques de l’adulte, les conflits de couple, les conditions de logement. » En conséquence, la CNIL a donc saisi l’ONED « afin qu’il justifie du fondement juridique des données collectées dans les fiches permettant le suivi de l’enfant. »

- Suite à la controverse concernant les fiches et aussi, sans doute, au regard de la demande de la CNIL, l’ONED a stoppé la diffusion de ses fiches en l’état. Elles sont donc caduques. L’ONED a travaillé sur une nouvelle mouture. Le terme « suspicion » n’y figure plus. Nous avons appris à cette occasion que ce terme avait été retenu en concertation avec le Ministère de la Justice : les mots ne sont jamais neutres, ils sont ici révélateurs de l’idéologie qui les sous-tend, sous une apparence qui se dit technique

- Nos trois organisations ont demandé à être informées et consultées quant au contenu des nouvelles fiches. Cette proposition a été acceptée et nous nous retrouvons à la Direction Générale de l’Action Sociale le jeudi 9 juillet 09 à cette fin.

- Nous portions aussi une demande d’une véritable réflexion sur la re-définition des informations préoccupantes, car c’est là une question essentielle pour les professionnels et les familles : en dépendent notamment la nature et l’ampleur des bases de données départementales qui se trouveront à la source des futures fiches et du système national d’informations statistiques de l’ONED.

La DGAS a accepté de nous intégrer au groupe de réflexion qu’elle mène sur ce point. Au final, nous ne pouvons être que satisfaits de l’évolution de ce dossier. L’impact de nos analyses, la force de l’intervention conjointe des associations professionnelles, la solidité de nos arguments, ont permis d’empêcher le développement d’un outil non-adapté, ni sur le plan des obligations professionnelles ni sur celui de la protection des personnelles informatisées. Une nouvelle étape est franchie, et nous avons reçu l’assurance d’être associés à la prochaine. Nous restons vigilants et nous dirons nos points d’accords comme de désaccords.

Nous espérons que notre action contribuera à l’évolution de l’ONED vers un organisme plus proche des réalités de terrain en associant les représentants des professionnels, l’ensemble des acteurs de la protection de l’enfance, ainsi que les représentants des usagers.

Mercredi 01 Juillet 2009


Françoise LEGLISE, Présidente de l’Association Nationale des Assistants de Service Social
Pierre SUESSER, Président du Syndicat National des Médecins de PMI
Jean-Marie VAUCHEZ, Président de l’Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés

Communiqué commun ANAS, SNPMI et ONES du 9 juin 2009
 [7]

Rencontre avec le Président de l’ONED le 10 juin et avec la CNIL le 12 juin

Rencontre avec le Président de l’ONED le 10 juin et avec la CNIL le 12 juin

La publication du contenu des fiches ONED et la dénonciation de nombreux points qu’elles contiennent par nos trois organisations (ANAS, SNMPMI et ONES) a suscité de nombreuses réactions de la part de tous les acteurs de la protection de l’enfance. Malgré la publication de plusieurs communiqués et la multiplication des éléments cités en défense par l’ONED, les principales questions et critiques que nous posions n’ont pas trouvé de réponses. C’est un constat partagé par de très nombreux interlocuteurs professionnels ou institutionnels avec qui nous avons été en contact ces dernières semaines.

C’est pourquoi nous avons demandé une audience à Monsieur Christophe BECHU, Président de l’ONED, lequel a répondu favorablement et nous recevra le mercredi 10 juin 2009. Nous attendons de cette rencontre qu’elle permette d’initier un travail auquel les représentants des professionnels, mais aussi des familles et des citoyens, soient enfin associés, sur des bases clarifiées quant aux objectifs et aux modalités de recueil des données personnelles visant à établir les statistiques relatives à l’activité de protection de l’enfance des départements. Ceci dans le respect de la protection des personnes à l’égard du traitement de leurs données personnelles et des obligations professionnelles. De plus, poursuivant la démarche de saisine de la Commission Nationale Informatique et Libertés, nous serons reçus par cette instance le vendredi 12 juin 2009. En effet, dans la version actuelle, ces fiches sont parfaitement inacceptables : les données recueillies sont excessives et non pertinentes à l’égard des finalités poursuivies, énoncées par la loi relative à la protection de l’enfance et par son décret d’application de décembre 2008. Nous tiendrons les professionnels et institutions informés des résultats de ces rencontres.

Mardi 09 Juin 2009


Françoise LEGLISE, Présidente de l’Association Nationale des Assistants de Service Social
Pierre SUESSER, Président du Syndicat National des Médecins de PMI
Jean-Marie VAUCHEZ, Président de l’Organisation Nationale des Educateurs Spécialisés

Communiqué du SNMPMI du 22 avril 2009 [8]

Le SNMPMI demande le retrait des fiches de l’ONED relatives aux « enfants en danger ou en risque de danger » au sens de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance

La loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance prévoit la création d’observatoires
départementaux de la protection de l’enfance chargés notamment « de recueillir, d’examiner et
d’analyser les données relatives à l’enfance en danger dans le département, au regard notamment des informations anonymes transmises dans les conditions prévues à l’article L. 226-3. Ces données sont ensuite adressées par chaque département à l’Observatoire national de l’enfance en danger ».

Un décret du 19 décembre 2008 organise « la transmission d’informations sous forme anonyme aux observatoires départementaux de la protection de l’enfance et à l’Observatoire national de
l’enfance en danger ».

L’ONED a publié à destination des départements des fiches de recueil d’informations relatives aux enfants concernés par la transmission d’informations préoccupantes au titre de la protection de l’enfance, et à leur famille.
Ces fiches nominatives comportent des très nombreuses informations sensibles relatives aux enfants et à leur famille, par exemple : données personnelles relatives à la santé psychique des parents (maladies psychiatriques, addictions…) ou révélant un handicap (titulaire d’une AAH, d’une pension d’invalidité…), données personnelles permettant de déduire l’orientation sexuelle des adultes en charge de l’enfant, données personnelles relatives aux difficultés sociales des familles (bénéficiaire de minima sociaux, occupant d’un squat, SDF).
La pertinence et la validité du recueil des données relatives aux adultes, ainsi qu’elles apparaissent dans ces fiches, telles qu’une situation d’addiction, de maladie psychiatrique, de conflit de couple, sont hautement sujet à caution, et la déontologie professionnelle serait profondément remise en cause par l’utilisation de ces fiches. Ainsi figurent par exemple des items tels que « suspicion de problèmes psychopathologiques, psychiatriques ou de déficience mentale grave de l’adulte » qui peuvent être cochés par un travailleur social qui est invité à préciser « Oui et confirmé par un professionnel de santé mentale » ou « Oui sans confirmation par un professionnel de santé mentale », c’est-à-dire à révéler voire à porter un diagnostic médical. Cela soumettrait le professionnel au risque d’une double faute, celle de porter atteinte au secret professionnel et celle d’outrepasser ses compétences.

Mais aussi, ce processus de recueil est pernicieux dans la mesure où l’ensemble des renseignements transmis sont totalement décontextualisés, où la logique du recueil s’inscrit dans un processus de suspicion vis-à-vis des parents, voire d’affirmation de leur culpabilité, détournant les travailleurs sociaux ou les professionnels de santé de leur mission pour les placer sur le terrain de l’investigation policière ou judiciaire. Les fiches de l’ONED résument une approche de la protection de l’enfance « à charge » à l’égard des familles perçues de façon univoque comme carencées et pathologiques au point qu’un item évoque même la « suspicion de conditions d’éducation défaillante sans maltraitance évidente », sans qu’aucun champ de renseignement ne permette de saisir les ressources et les potentialités sur lesquelles prendre appui pour aider l’enfant et sa famille.
L’usage de telles fiches conduirait à la constitution de fichiers nominatifs détenus par les
départements et portant sur des centaines de milliers de familles en difficulté sociale suspectées de mise en danger de leur enfant. Fichiers d’autant plus attentatoires à la vie privée et aux libertés individuelles qu’ils reposent sur la notion d’« informations préoccupantes relative aux enfants en danger ou en risque de l’être ». Or, cette notion d’enfant « en risque de danger » correspond à des situations où les conditions de vie sont susceptibles de mettre en danger la santé ou l’éducation de l’enfant, ce qui, dans certains quartiers, peut viser plus de 50% des familles. D’autre part, l’expérience montre qu’une proportion importante d’informations préoccupantes transmises aux cellules départementales de recueil est considérée par celles-ci comme infondée (30% dans un département de la région parisienne). On risquerait ainsi de voir se constituer un véritable fichage de masse aboutissant à une traçabilité sociale des populations en difficulté.

A cet égard la question est posée de savoir si la CNIL a été saisie, et dans ce cas quelle a été sa position. En effet la loi « Informatique et libertés » prévoit que le traitement des données
personnelles comportant une appréciation sur les difficultés sociales des personnes doit faire l’objet d’une autorisation préalable de la commission (art 25.I.7°), d’autre part celle-ci est compétente pour encadrer les procédures d’anonymisation de tels traitements comportant des données sensibles.

L’usage de ces fiches aurait aussi pour conséquence une déviation du travail social et médico-social sous un angle intrusif et stigmatisant pour les familles et leurs enfants et sur la base de procédures d’appréciation standardisées incluant des jugements de valeur et des connotations morales préjudiciables à l’intervention professionnelle. Ainsi, cela ne serait nullement garant d’une évaluation pertinente et argumentée des situations de protection de l’enfance. Cela conduirait en outre à une déresponsabilisation et une déprofessionalisation des travailleurs sociaux et médicosociaux.

Le risque d’une rupture de confiance entre professionnels et familles serait alors majeur, là
où cette confiance est un atout essentiel pour aborder les situations si délicates et douloureuses qui sont en jeu dans le cadre de la protection de l’enfance.

Le SNMPMI ne conteste pas le principe d’études permettant d’améliorer les connaissances sur
l’évolution de la situation des enfants en danger ou en risque de danger et estime que cet objectif pourrait être atteint à l’aide d’études fiabilisées sur échantillon. Le dispositif proposé par l’ONED ne paraît pas satisfaire au principe de proportionnalité à l’égard des finalités poursuivies, certaines données recueillies sont excessives au regard de ces finalités et les conditions de recueil sont susceptibles d’altérer la fiabilité des résultats. En l’état le SNMPMI demande donc le retrait des fiches de l’ONED.

Le SNMPMI appelle à la réouverture d’une large concertation sur la notion d’informations
préoccupantes afin que les pratiques professionnelles en protection de l’enfance et le recueil de
données qui en découle soient à la fois soucieux de la protection des enfants en danger ou en risque avéré de danger, des droits de leur famille, de la déontologie des professionnels du champ social et de la santé et d’une production de connaissances pertinente.

Le SNMPMI demande que la procédure de recueil de données prévue par l’article 16 de la loi du 5 mars 2007 relative à la protection de l’enfance soit soumise à une autorisation préalable de la CNIL.

Le 22 avril 2009

Notes

[1Dès janvier 2008, le Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile (S.N.M.P.M.I. – 65-67 rue d’Amsterdam - 75008 Paris)
a soutenu

« les initiatives en cours visant à obtenir le retrait de Base élèves et la remise à plat des logiciels de traitement informatique de données personnelles concernant des enfants, notamment en milieu scolaire. Ces outils, outre qu’ils ne présentent pas les garanties appropriées en terme de confidentialité et de sécurité des données, conduisent à la stigmatisation des enfants présentant des difficultés scolaires ou dans leur développement. Ils comportent en particulier des données relatives aux problématiques psychologiques des enfants, qui pourraient être conservées et consultées durant toute la scolarité des enfants. De plus, des autorités extérieures à l’équipe enseignante, tels les inspecteurs de l’éducation nationale mais aussi le maire de la commune, pourraient en obtenir communication. »
(Référence : http://www.snmpmi.org/spip.php?arti...)

[2Le site de l’ONED : http://oned.gouv.fr/.

[3Ces fiches sont téléchargeables au format pdf.

[4Voir ses conclusions publiées le 11 juin 2009 : les observations finales du comité des droits de l’enfant de l’ONU.


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