les évaluations en fin de maternelle : le retour du “carnet de comportement”


article de la rubrique Big Brother > le fichage des jeunes
date de publication : dimanche 23 octobre 2011
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Le ministère de l’Éducation nationale prévoit d’instaurer des évaluations pour les enfants de 5 ans en école maternelle, qui comporteraient un volet comportemental intitulé « devenir élève » conduisant à trier les enfants en trois catégories : « RAS », « à risque » ou « à haut risque ». C’est le retour sous une autre forme du carnet de comportement préconisé en 2005 par Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et auquel il avait dû renoncer face à l’opposition qu’il avait rencontrée.

Le collectif Pasde0deconduite, qui demande le retrait de ce projet d’évaluation des enfants en grande section de maternelle, a été reçu au ministère où il s’est heurté à « un refus de débattre sur le fond ». Il a toutefois été précisé à cette occasion que « ce repérage n’aura pas de caractère obligatoire ». Ci-dessous deux communiqués des 13 et 19 octobre du collectif, suivis d’un communiqué de la CGT qui « refuse le fichage des petits ».


Communiqué de presse du 13 octobre 2011

Le retour du carnet de comportement :
une mesure à haut risque pour les enfants !

Le ministère de l’Éducation nationale prévoit d’instaurer des évaluations pour les enfants de 5 ans en école maternelle, qui comporteraient un volet comportemental intitulé « devenir élève » conduisant à trier les enfants en trois catégories : « RAS », « à risque » ou « à haut risque ».

C’est le retour sous une autre forme du carnet de comportement préconisé en 2005 par N. Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, et auquel il avait dû renoncer face à l’opposition vigoureuse des professionnels de la petite enfance et de la santé, des enseignants et des parents.

Sélectionner des enfants « à risque » comportemental reprend le projet de dépistage précoce des enfants agités, avec une démarche de prédiction inhérente à cette notion de risque.

Un tel projet d’évaluation chez les enfants de grande section, s’il se mettait en place, ferait planer un climat de suspicion sur l’école maternelle vécue comme une école qui trie et désigne les enfants
avant même qu’ils ne soient devenus des élèves assujettis à l’obligation scolaire.

Ce projet créerait un système de transmission de l’angoisse en cascade :
- les parents, inquiets du jugement prédictif porté sur leur enfant, voudront le préparer à l’évaluation, exerçant sur lui une forme de pression de crainte qu’il ne soit repéré comme « à risque » ;
- les enseignants feront passer ces évaluations, à la recherche d’un idéal d’élève plus que modèle, avec le sentiment d’être à terme eux-mêmes évalués de façon indirecte ; et que ces évaluations seront diffusées et conduiront à des comparaisons entre écoles.
Ces angoisses conjuguées des parents et des enseignants viendront parasiter la relation de l’enfant à l’école : à cet âge se sentir mesuré insécurise les enfants, au risque qu’ils réagissent par de l’agitation ou de l’inhibition ou par une peur de l’école.

Tout cela au moment où le gouvernement augmente jusqu’à trente-cinq le nombre d’enfants par classe en maternelle, où les RASED destinés à aider les enfants les plus en difficulté sont démembrés, les postes de psychologues et d’enseignants spécialisés supprimés, et où partout manquent les auxiliaires de vie scolaire laissant de très nombreux enfants handicapés sans accompagnement spécifique.

Ainsi, d’un côté la politique gouvernementale retire l’aide aux enfants les plus souffrants, d’un autre elle entend les trier, les désigner et les stigmatiser.

Cette obsession du risque et d’une prévention rabattue sur le dépistage et la prédiction met en danger la confiance dont les enfants ont besoin pour investir l’école et désirer devenir élèves.

Comment peut-on à ce point mépriser les fondements de l’éducation, de la psychologie et de la socialisation du jeune enfant ? Il faut des compétences, de la confiance et du temps pour que l’enfant s’autonomise et expérimente le sens des relations aux autres.
A contrario la réponse proposée par le ministère, sous la forme de quelques semaines d’entraînement aux bonnes manières, revient à installer un radar comportemental sur le chemin de l’école.

Sous prétexte de prévention et d’éducation, le projet gouvernemental d’évaluation des enfants à 5 ans mettrait en place un dispositif qui les enferme dans des prédictions auto-réalisatrices nocives et qui impose le retour aux
vieilles méthodes du conditionnement et du formatage comportemental.

Pour le collectif Pasde0deconduite, ce ne sont pas les enfants qui sont « à risque » mais les évaluations comportementales en école maternelle qui les placeraient dans une situation à très haut risque.

Le collectif Pasde0deconduite rencontrera le ministère de l’Éducation nationale la semaine prochaine et lui demandera le retrait du projet d’évaluation des enfants en grande section de maternelle.

Pasde0deconduite


Communiqué de presse du 19 octobre 2011

Pasde0deconduite reçu au ministère de l’Education Nationale le 18 octobre 2011

Le collectif Pasde0deconduite a été reçu au ministère de l’Education Nationale le 18 octobre 2011, rencontre que nous avions sollicitée dans les suites de la publication du manifeste « Petite enfance : pour une prévention prévenante ». Nos interlocuteurs ont abordé le sujet d’actualité de ce qu’ils ont appelé le repérage des enfants ayant des difficultés d’apprentissage à l’âge de cinq ans (que Luc Chatel vient d’entériner aujourd’hui) en précisant que ce repérage n’aura pas de caractère obligatoire.

Nous souhaitions engager un échange avec le ministre pour faire part de nos préoccupations face aux pratiques qui s’installent en milieu scolaire, visant soit à procéder à des évaluations du comportement de jeunes enfants, soit à mettre en œuvre des séances d’entraînement à des apprentissages précoces de conduites adaptatives. Nous entendions partager notre réflexion sur les effets potentiellement insécurisants de ces initiatives pour les enfants. Enfin nous espérions faire saisir à nos interlocuteurs les distinctions entre un repérage standardisé et généralisé stigmatisant et une attention personnalisée aux difficultés de tel ou tel enfant, de même que ce qui sépare des méthodes de répétitions conditionnantes et une perspective d’éducation prévenante.

Nous nous sommes heurtés de la part des représentants du ministre à un refus de fait de débattre sur le fond, avec l’affirmation que l’institution scolaire devait fournir aux enseignants « qui le demandent », nous dit-on, des outils « scientifiques » d’aide au repérage des enfants en difficulté. Nos interlocuteurs n’ont pas souhaité entendre la dimension complexe et contextualisée des difficultés qui affectent certains enfants et discuter des multiples enjeux à affronter pour y apporter des réponses appropriées.

Face à notre demande de retrait du projet, récemment révélé, de réaliser au plan national des évaluations des enfants de 5 ans, les représentants du ministère ont affirmé que ces évaluations ne seraient pas rendues obligatoires mais seraient maintenues, diffusées et proposées à l’usage des enseignants de maternelle dans les prochaines semaines. Mais on pourrait éventuellement en changer les termes concernant les mentions d’enfants « à risque » et « à haut risque ».

Le ministère persiste et signe donc, dans son projet d’installer progressivement ces évaluations malgré leur rejet massif par les représentants des enseignants, des parents et de nombreuses personnalités du monde de la petite enfance, de la santé, de l’éducation.

Le collectif Pasde0deconduite reste mobilisé avec l’ensemble des acteurs concernés pour que le gouvernement renonce à ces projets d’évaluations, réductrices et non contextualisantes, de plus en plus précoces des enfants, qui les enferment dans des prédictions nocives pour leur avenir scolaire et pour leur épanouissement personnel.

Pasde0deconduite


Communiqué de la CGT [1]

Evaluation comportementale en maternelle :
La CGT Éduc’action rejette le fichage des petits

"Madame, Monsieur, j’ai l’honneur de vous informer que votre enfant a été évalué à "haut risque" et devra, à ce titre, être intégré dans un groupe de remédiation". Voilà, en substance, le message que les écoles maternelles devront faire passer à certains parents dont l’enfant n’est pas conforme au modèle social dominant au terme d’une évaluation que le ministre de l’Éducation, Luc Chatel veut mettre en place dans les prochaines semaines.

Dans un communiqué, la CGT Éduc’action "dénonce totalement cette tentative de normalisation de la petite enfance." Elle estime que si l’évaluation des compétences scolaires est bien du ressort des enseignants, "en revanche le dépistage social ne relève pas plus du dépistage médical que le dépistage médical ne relève pas de la compétence des enseignants. En outre, le fichage des élèves est absolument contraire à la déontologie de notre métier. Un certain nombre d’élèves présentent, dès l’école maternelle, des difficultés scolaires. C’est par le renforcement de la médecine scolaire et des réseaux d’aides aux élèves en difficultés (RASED) ainsi que par la concertation avec les familles, que l’on peut trouver pour chacun d’entre eux, au cas par cas, des solutions adaptées, soit au sein de l’école, soit en dehors.

La CGT Éduc’action soutiendra tou-te-s les enseignant-e-s qui refuseront d’obéir à cette injonction manifestement illégale de stigmatisation des élèves de maternelle. Elle exige le retrait de ce projet."

Le 14 octobre 2011

Notes


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