détournement de fichier à Béziers


article de la rubrique Big Brother > le fichage des jeunes
date de publication : jeudi 7 mai 2015
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Le maire de Béziers, Robert Ménard, a affirmé récemment que le pourcentage d’élèves de confession musulmane dans les écoles publiques de la ville est de 64,6 %, précisant qu’il avait obtenu ce résultat en utilisant les prénoms.

La façon dont il a obtenu ce chiffre a fait l’objet de plusieurs versions de sa part et des services de la mairie, plus ou moins contradictoires entre-elles. La police est censée rechercher le fichier objet du délit.
Pourquoi ces recherches alors que depuis 2007, toute mairie a, de plein droit, accès au fichier de tous les élèves de ses écoles primaires ? Ce fichier a été mis en place par le Ministère de l’Education nationale en 2007 et les maires, responsables du respect de l’obligation scolaire, sont acteurs et utilisateurs de ce fichier. Ils ont accès, pour chaque élève, à ses éléments d’identité, ceux de ses parents ainsi que leurs coordonnées [1].

Bien entendu, les utilisations autorisées sont précisées dans les textes et les détournements à finalité raciste, commerciale, électorale, … sont prohibés. Le maire de Béziers sera donc poursuivi [2]. Mais cela ne retire rien au danger du fichage et, ici, du fichage des enfants.

Tout d’abord, cela montre que ces exploitations illégales sont non seulement possibles mais faciles. D’autant qu’elles sont invisibles : quelles traces sont laissées par la lecture d’un fichier via Internet ? Pour un Ménard qui avoue, combien d’autres l’ont fait, le font, le feront … sans rien dire ?
Ensuite, cela montre l’inconscience historique de technocrates qui mettent en place des systèmes d’information « performants » en oubliant qu’ils mettent en place des instruments qui ne seront inoffensifs qu’entre des mains respectueuses des lois et de l’intérêt général.

Lorsque les Pays-Bas ont mis en place le fichier de leur population pour faciliter la gestion des services municipaux, ils ont pensé utile et pratique, pour reverser à chaque confession religieuse une subvention proportionnelle à ses adhérents, de noter la religion de chacun. Ils n’avaient pas imaginé que quelques années plus tard, l’occupant nazi allait trouver sur un plateau, les noms et adresses des personnes de confession juive.


Communiqué LDH

Paris, le 5 mai 2015

Le maire de Béziers : un délinquant qui s’assume

Le maire de Béziers fiche les élèves de sa commune par leurs prénoms pour identifier les musulmans. Outre l’imbécillité intrinsèque d’une telle démarche, celle-ci est bien évidemment totalement illégale, comme le maire l’a reconnu lui-même. Si Béziers est sous la coupe d’un individu sans autre perspective que d’attiser la haine et la discrimination, elle reste néanmoins assujettie aux lois de la République. C’est pourquoi la LDH engagera les procédures nécessaires contre Robert Ménard et espère que le parquet de Montpellier, la Cnil et le préfet de l’Hérault feront de même.

Béziers : Ménard classe les écoliers par religion selon leur prénom

Le Midi libre du 5 mai 2015 (extraits)


Le maire de Béziers, a confirmé lundi soir sur France 2 à la toute fin de l’émission Mots Croisés les propos tenus dans Midi Libre le 3 janvier 2015 où il affirmait que "60 % des enfants des écoles publiques biterroises étaient musulmans". Pour le savoir, il les aurait classés par religion en fonction du prénom de l’enfant.

Les propos tenus par Robert Ménard début janvier dans nos colonnes étaient clairs : "À Béziers, 60 % des écoliers sont musulmans." Pour l’obtenir, il aurait analysé les listes des écoles biterroises. "Les prénoms suffisent à vous indiquer l’origine. Si vous vous appelez Marie, vous n’êtes pas musulman". Le maire de Béziers n’a fait que confirmer ses dires à la télé lundi soir.

Animée par Anne-Sophie Lapix, le débat de l’émission Mots Croisés était consacré ce lundi soir aux remous qui agitent le Front national et à la guerre entre les Le Pen, père et fille. Parmi les invités se trouvait Robert Ménard, maire de Béziers, élu en mars 2014 avec les voix du Front national, même s’il revendique haut et fort qu’il n’en fait pas partie.

"Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence"

Lors de l’émission le premier magistrat de la ville de Béziers avait avancé plusieurs pourcentages dont l’un de 64,6 % d’enfants de confession musulmane dans les écoles de sa ville. Dans les dernières minutes de Mots Croisés, l’animatrice, ainsi que des téléspectateurs à travers des tweets, lui ont demandé d’où il tenait ces chiffres. C’est alors que Robert Ménard, sans aucune retenue, a révélé qu’il analysait la liste des classes des écoliers de Béziers pour les classer par religion selon leurs noms. "Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit mais on le fait." Il rajoute quelques instants après : "Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence".

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Pourquoi Robert Ménard n’a pas le droit de ficher les écoliers musulmans de Béziers

par Delphine Roucaute et Samuel Laurent sur le site Les Décodeurs du 5 mai 2015


Lorsqu’il est invité de France 2 et qu’on lui demande comment il peut évaluer la proportion de musulmans parmi les écoliers de sa ville, l’édile de Béziers ne cache pas sa méthode : « Ce sont les chiffres de ma mairie. Pardon de vous dire que le maire a les noms, classe par classe, des enfants. Je sais que je n’ai pas le droit mais on le fait. » Il précise même : « Les prénoms disent les confessions. Dire l’inverse, c’est nier une évidence. »

Si l’on en croit le maire, les services municipaux de Béziers recensent donc les prénoms en fonction de leur consonance et de leur origine supposée. Ils établissent ainsi un ratio par « confession » présumée (en clair, le petit Ahmed est présumé musulman et la petite Léa, non). Une enquête préliminaire a été ouverte.

Pourquoi n’est-il pas légal de faire des statistiques ethniques ?

Robert Ménard l’a lui-même reconnu : il n’a pas droit de faire ce genre de statistiques. En effet, selon la loi du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, dite « loi informatique et libertés », le traitement de données « relatives aux origines des personnes » est interdit. L’article 8 spécifie bien que :

« Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l’appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci. »

La Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) précise que « [ces] critères ne peuvent pas être utilisés pour opérer des tris et s’adresser à des populations ciblées ». Le non-respect de cette interdiction peut entraîner, en application du code pénal, une peine de cinq ans de prison et jusqu’à 300 000 euros d’amende. La CNIL peut également sanctionner les responsables de ce genre de fichiers délictueux par des amendes.

La loi prévoit toutefois une dizaine de cas dans lesquels cette collecte serait autorisée, notamment en cas de consentement de la ou les personnes visées, de traitements nécessaires à la sauvegarde de la vie humaine, de données déjà publiées par la personne concernée ou de recherches nécessaires dans des cadres juridique ou médical.

La démarche de M. Ménard ne semble, à l’évidence, correspondre à aucune de ces dérogations. Pire, elle repose sur le détournement de données récoltées par la mairie dans le cadre de la scolarisation des enfants. Des données qui ont tout sauf une visée de statistiques ethniques.

Pourquoi la méthode employée est-elle discutable ?

Les services municipaux de Béziers n’ont donc pas le droit de procéder à un tel fichage, pour des raisons de protection des enfants et de respect de la vie privée de leurs familles. Mais outre le fait qu’il est illégal, il présente de grands risques d’erreur.

Un enfant prénommé Ahmed sera ainsi présumé « musulman », même si ses parents ne sont pas croyants ou pratiquants. De même, si une petite Fatima d’origine portugaise dont les parents sont catholiques fréquente les cantines biterroise, elle sera logiquement classée parmi les « musulmans » sur le fichier.

On peut évidemment aussi s’interroger sur l’emploi que comptent faire M. Ménard et ses services de telles statistiques.

P.-S.

Saluons pour terminer les courageux opposants qui continuent à se mobiliser contre le fichage des enfants organisé par l’Éducation nationale : le Collectif National de Résistance à Base Elèves (CNRBE).

Notes

[1Voir la fiche de présentation de Base élèves premier degré sur le site du ministère de l’Éducation nationale.

[2Vraisemblablement pour non respect des articles 6 et 8 de la loi Informatique et libertés.


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