après les bébés « délinquants », les parents « nomades »


article de la rubrique Big Brother > le fichage des jeunes
date de publication : jeudi 3 décembre 2009
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A l’occasion du 20ème anniversaire de la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), le Président de la République a reçu le 20 novembre 2009 des dirigeants d’associations de protection de l’enfance. Au cours de la réunion, Nicolas Sarkozy a décidé de confier à Nadine Morano, secrétaire d’Etat chargée de la famille, le soin d’organiser au semestre prochain des états-généraux de l’enfance.

Le premier objectif assigné par le chef de l’Etat à ces états-généraux est «  d’améliorer la transmission de l’information préoccupante, prévue par la loi du 5 mars 2007, pour éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux » [1].

Des associations – ATD Quart Monde, le collectif PasdeOdeconduite, le SNMPMI... – manifestent leur refus d’y participer.


Communiqué de Presse

Paris, le 20 novembre 2009

Le mouvement ATD Quart Monde est indigné

Le mouvement ATD Quart Monde découvre avec stupeur et indignation les termes du communiqué de la Présidence de la République, publié à l’issue de la réunion sur la protection de l’enfance à laquelle Pierre Saglio, son président, a participé.

Le communiqué indique la volonté du chef de l’Etat d’organiser, dans les 6 prochains mois, des états généraux de l’enfance, dont le premier objet est ainsi défini dans le communiqué :

« améliorer la transmission de l’information préoccupante, prévue par la loi du 5 mars 2007, pour éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux. »

Pour sa part, le mouvement ATD Quart Monde a rappelé au cours de cette réunion que le premier respect dû aux enfants était de faire en sorte que les adultes référents engagés à leurs côtés (leurs parents, leurs enseignants, leurs éducateurs, les professionnels des services sociaux, etc.) se connaissent pour se comprendre et se respecter.

Le mouvement ATD Quart Monde ne peut accepter que soit ainsi caricaturé et déformé le mandat des services sociaux ramené prioritairement à un rôle de « contrôle et de surveillance  » alors que les familles les plus défavorisées demandent à être soutenues dans leur projet familial et qu’elles savent d’expérience que les professionnels sont les premiers sur qui elles peuvent miser pour assurer ce soutien. Comment ces professionnels peuvent-ils s’engager et être soutenus dans cette voie si la première injonction qui leur est faite au plus haut niveau de l’Etat vise prioritairement au « contrôle et à la surveillance » ?

Le Mouvement ATD Quart Monde refusera de cautionner des états généraux prenant une telle orientation.

Communiqué de presse du collectif PasdeOdeconduite

Après les bébés « délinquants », sus aux parents « nomades » ?

Le 3 décembre 2009

Il y a 4 ans, le ministre de l’Intérieur proposait, avec le succès que l’on sait
 [2], le dépistage des futurs délinquants par les professionnels de la petite enfance dès la crèche.

Devenu président de la République, il récidive dans sa dyslexie du développement de l’enfant et de sa famille et présente un sévère bégaiement coercitif dans l’énonciation de sa politique de l’enfance.

En effet, à l’occasion du 20ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant – inauguré en grand « coup de pompe » avec la suppression de la défenseure des enfants –, le président de la République a annoncé la tenue d’Etats généraux de l’enfance en 2010, dont le premier objectif vise à « améliorer la transmission de l’information préoccupante, prévue par la loi du 5 mars 2007 [relative à la protection de l’enfance], pour éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux ».

Ainsi, de la même façon que la turbulence, parfois très bruyante, inhérente au cheminement du
développement des enfants était assimilée à la prédiction d’une future délinquance, l’instabilité
matérielle et l’insécurité affective dans lesquelles se débattent des parents en difficulté
 [3] sont
identifiées à cette figure supposément inquiétante de populations « nomades ».

Dans les deux cas, l’inversion qui consiste à désigner le danger pour la société du côté d’enfants ou de parents, alors même qu’ils sont en situation de fragilité, assigne aux professionnels de la petite enfance et de la famille, de la santé, de l’action sociale et de l’éducation, une mission de pistage, de traque et de contrôle qui dévoie la pratique et l’éthique de leurs métiers. De l’atteinte portée au secret professionnel dans le secteur de la santé et de l’action sociale par l’article 8 de la loi sur la prévention de la délinquance de 2007
 [4] au délit d’errance morale ou matérielle qu’il s’agirait de réprimer, la mise au pas des pratiques des professionnels est un objectif au service d’une politique familiale de contention et de répression.
Le collectif Pasde0deconduite réaffirme que l’éthique de la prévention et du soin, qu’il s’agisse de suivi médical ou psychologique, d’accompagnement social ou éducatif, comme de mesures de protection de l’enfance, nécessite, entre professionnels et familles, confiance, bienveillance et alliance, et non défiance, contrôle et surveillance.

Aux côtés de tous les acteurs professionnels et citoyens qui expriment leur indignation sur cette
nouvelle tentative de dénaturer le soin et la prévention, Pasde0deconduite appelle à ne pas
participer à des Etats-généraux de l’enfance qui seraient fondés sur de tels objectifs.
Pasde0deconduite soutiendra et encouragera les initiatives les plus larges rejetant toute
stigmatisation discriminante et affirmant l’accompagnement et le soutien aux enfants et aux familles comme pivot des politiques de l’enfance.

Communiqué du SNMPMI [5]

La protection de l’enfance est incompatible avec une quelconque « police des familles »

Paris, le 24 novembre 2009

Le président de la République a choisi le jour anniversaire de la Convention internationale des
droits de l’enfant pour annoncer l’organisation d’États généraux de l’enfance en 2010.
A cette occasion, les plus hautes autorités de l’État démontrent une nouvelle fois, après la décision de suppression de l’institution de Défenseur des enfants [6], leur approche coercitive de la protection de l’enfance. En effet, l’objectif n°1 fixé aux d’États généraux de l’enfance est « d’améliorer la transmission de l’information préoccupante, prévue par la loi du 5 mars 2007, pour éviter que le nomadisme de certaines familles ne leur permette d’échapper au contrôle et à la surveillance des services sociaux ».

Après avoir institué les dispositions de la loi relative à la prévention de la délinquance qui portent atteinte au secret médical et au secret professionnel des travailleurs sociaux, l’Exécutif persiste à vouloir leur imposer un rôle de « police des familles » qui, loin de « valoriser le travail des travailleurs sociaux » (objectif n°2 assigné à la tenue des États généraux de l’enfance), ne pourrait que contribuer à accroître la méfiance et la distance des familles à leur égard.

Les professionnels de PMI et les travailleurs sociaux sont tout au contraire engagés auprès des
familles dans un travail d’accompagnement et de soutien qui nécessite de tisser par le fil de la
confiance une alliance d’autant plus nécessaire que certaines familles vivent des situations de
précarité dans leur quotidien ou d’insécurité dans leurs ancrages affectifs et relationnels.
Et même lorsque certaines situations conduisent à envisager des mesures de protection pour
préserver le développement et la santé de l’enfant, les professionnels s’efforcent de partager leurs inquiétudes avec les parents, de ne pas les déposséder de l’histoire qui se construit avec leur enfant.

Au-delà de l’incompréhension et du mépris pour la souffrance des enfants et des parents que recèle la formule « éviter le nomadisme de certaines familles », il y a total contre-sens sur l’objectif fixé à la politique de protection de l’enfance : familles et professionnels ne peuvent au contraire qu’« échapper » à cette injonction de « contrôle et de surveillance » pour préserver les ponts du soutien et de l’accompagnement indispensables aux enfants les plus en difficulté et à leurs parents.

Partageant la stupeur et l’indignation d’ATD Quart Monde, le SNMPMI rejoint ce mouvement dans son refus de cautionner des états généraux qui prendraient une telle orientation.

Notes

[1Le communiqué de l’Elysée du 20 novembre 2009 : http://www.elysee.fr/documents/inde....

[2L’appel "Pas de 0 de conduite pour les enfants de trois ans" recueillait 200 000 signatures et le gouvernement renonçait à la mesure de la loi sur la prévention de la délinquance qui prévoyait le dépistage des enfants "agités" à 3 ans.

[3A noter que les objectifs de "soutien plus actif à la parentalité" et d’"aide dans les situations de grande pauvreté" qui figurent dans le communiqué présidentiel sont contredits par les politiques gouvernementales : par ex. les crédits fléchés en faveur des REAPP vont être supprimés, 300 000 enfants vivent d’hôtels en hébergements d’urgence.

[4Cf. le communiqué de Pasde0deconduite du 12/10/2006 "Pasde0deconduite écrit au président de la République pour la
sauvegarde du secret professionnel".

[5Syndicat National des Médecins de Protection Maternelle et Infantile (SNMPMI)[[SNMPMI, 65-67 rue d’Amsterdam, 75008 Paris
Tél : 01 40 23 04 10. Fax : 01 40 23 03 12
contact@snmpmi.org www.snmpmi.org

[6Cf. le communiqué du 18 septembre 2009 du SNMPMI.


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