discrimination à la prison de Toulon ?


article de la rubrique discriminations > les musulmans
date de publication : samedi 25 octobre 2008
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Article 1er de la Constitution : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. »


O. C. est français, né en France en 1975.

Il a commencé en 1998 à exercer la fonction d’éducateur sportif dans différentes structures municipales de la région parisienne. Depuis quatre ans il était éducateur sportif à la prison de Toulon-La Farlède – ces trois dernières années à titre de salarié par une association indépendante de l’administration pénitentiaire (en CDI depuis un an).

Ses prestations se déroulaient sans problème et il donnait entière satisfaction. Jusqu’au jour où son employeur l’a informé qu’il ne lui était plus possible de l’employer :

[Lettre du 18 juillet 2008, adressée à O. C. par son employeur]

« A la suite de notre entretien du mercredi 9 juillet 2008, au cours duquel nous avons été amenés à évoquer votre autorisation d’entrée dans les établissements pénitentiaires, nous vous informons que nous avons décidé de vous licencier pour motif personnel.

« En effet, l’administration pénitentiaire a été amenée à nous notifier le retrait de votre habilitation vous permettant d’exercer vos fonctions en milieu pénitentiaire, d’abord sur le site de Toulon-La Farlède où vous êtes affecté, puis sur l’ensemble des établissements pénitentiaires.

« Ce retrait de l’autorité administrative de tutelle vous empêche donc d’exercer vos fonctions et remet en cause nos relations contractuelles en portant atteinte à la bonne marche de nos actions de formation en établissements pénitentiaires, et plus globalement à la bonne marche de [notre association].

« Compte tenu de votre incapacité à exercer vos fonctions pour une durée couvrant celle du préavis, ce dernier ne sera ni exécuté ni rémunéré. Votre contrat prend donc fin à la date d’envoi du présent courrier. »

Ayant été ainsi licencié, O. C. a eu recours à un avocat pour assurer sa défense. Afin de connaître les raisons invoquées pour justifier son licenciement, il a sollicité la communication de son dossier auprès de la préfecture du Var. Voici ce que cette dernière lui a répondu :

[Lettre du 7 août 2008 adressée à O. C. par la préfecture du Var]

« Par courrier du 29 juillet 2008, vous avez sollicité la communication de pièces écrites émanant de mes services, concernant l’avis réservé émis dans le cadre de l’instruction d’une habilitation [vous] permettant […] d’obtenir un accès permanent au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède.

« Compte tenu de la nature de ces documents qui comportent des informations à caractère privé et confidentiel, relevant d’une procédure inscrite au titre de la sécurité publique dans le cadre de l’organisation de l’administration pénitentiaire, il ne m’appartient pas de réserver une suite favorable à votre demande.

« Je vous invite à consulter la commission d’accès aux documents administratifs, dans l’hypothèse où vous souhaiteriez maintenir votre démarche. »

Voici la réponse que la Cada a faite à O. C. :

[Lettre du 29 septembre 2008 de la Cada à O. C.]

« En l’absence de réponse du préfet du Var à la demande qui lui a été adressée, la commission, qui regrette de n’avoir pu prendre connaissance des documents en cause, considère que ceux-ci, s’ils existent, sont communicables à l’intéressé sur le fondement du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, sous réserve de l’occultation des seules mentions dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique, en vertu du I du même article. Au bénéfice de ces observations, la commission émet donc un avis favorable. Elle rappelle qu’en vertu de l’article 3 de la même loi, l’intéressé dispose par ailleurs d’un droit à consigner ses observations en annexe du rapport dont les conclusions lui sont opposées. »

A nouveau sollicitée, la préfecture du Var n’a pas daigné répondre à une nouvelle demande d’O. C.

Mais son employeur avait eu communication du courrier suivant adressé le 2 juin 2008 par le directeur du Centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède à l’Idex, gestionnaire privé de la mission de réinsertion de la prison [1] :

___________________________

On ne peut imaginer que l’administration française puisse ne pas respecter la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 dont l’article 9 affirme que « toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion ».

Rappelons le second alinea de cet article :

« La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l’objet d’autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l’ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d’autrui. »

Aucun fait précis n’étant reproché à O. C. et son comportement ayant, semble-t-il, donné toute satisfaction, on en vient à s’interroger sur le sens de l’expression « avis réservé » [2].

En fait O. C., français né en France, est d’ « origine maghrébine » et il ne cache pas être de confession musulmane. En l’absence d’autre raison, on est donc amené à se demander si les « réserves » qui motivent le non-renouvellement de son habilitation ne concerneraient pas l’ « origine » et la pratique religieuse d’O. C. ? Il semble d’autant plus légitime de s’interroger sur ce point que O. C. a été remplacé dans ses fonctions de formateur sportif à la prison par une personne dont l’« origine européenne » ne parait pas pouvoir être contestée.
 [3]

O. C. n’est-il pas victime de discrimination selon « l’origine » et/ou la « pratique religieuse », discrimination explicitement interdite par la Convention européenne de 1950 ?

Article 14 de la Convention européenne

« La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation. »

P.-S.

[Note ajoutée le 23 mars 2009] – Aussi surprenant que cela puisse paraître, nous avons rencontré, en mars 2009, un second Toulonnais qui a vécu une histoire tout à fait semblable...

Ce genre d’événement ne se produit-t-il qu’à Toulon ?

Notes

[1Dans le cadre de la gestion mixte de la prison de Toulon-La Farlède, deux grandes catégories de fonctions sont gérées par un partenaire privé : d’une part, l’intendance et la logistique (le transport, la maintenance et le nettoyage pris en charge par la société Idex et Cie, mandataire ; la restauration, l’hôtellerie, la cantine prises en charge par la société Sodexho, co-traitant) ; d’autre part, la mission de réinsertion (travail pénitentiaire et formation professionnelle des détenus).

[2Faut-il voir dans le licenciement d’O. C. une illustration du sort qui attend certains de ceux que les fichiers diaboliques Edvige-Edvirsp et Cristina auront repérés ?

Le décret n° 2008-632 du 27 juin 2008 portant création du traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé Edvige déclare que l’une de ses finalités est :

« De permettre aux services de police d’exécuter les enquêtes administratives qui leur sont confiées en vertu des lois et règlements, pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. »

Cet objectif sera attribuée à Edvirsp, successeur présumé d’Edvige, qui sera même officiellement autorisé à collecter des données relatives aux « origines raciales ou ethniques » des personnes :

Art. 3. - Les données mentionnées à l’article 2 ne pourront être collectées, conservées et traitées que dans les cas suivants, à l’exclusion de toute autre finalité :

  1. Lorsqu’elles concernent des personnes dont l’activité individuelle ou collective indique qu’elles peuvent porter atteinte à la sécurité publique ;
  2. Lorsqu’elles concernent des personnes faisant l’objet d’enquêtes administratives en application des dispositions de l’article 17-1 de la loi du 21 janvier 1995 susvisée pour déterminer si le comportement des personnes physiques ou morales intéressées est compatible avec l’exercice des fonctions ou des missions envisagées. [...]

[3Ajoutons que ce n’est malheureusement pas la première fois à Toulon que des personnes d’« origine non-européenne » se voient privées du droit de pénétrer dans certains établissements – il y a quelques années, il s’agissait de locaux militaires.

On lira avec intérêt la page suivante à propos du “phénomène de radicalisation [de l’Islam] en milieu carcéral” de ce site.


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