Recalé à un concours interne d’officier de la police nationale, un policier affirme avoir été interrogé sur sa pratique de l’islam et ses origines maghrébines. Le Conseil d’État reconnaît que ce policier a été victime de discrimination : après lui avoir posé des questions sur ses origines – « Faites-vous le ramadan ? », « Votre femme est-elle maghrébine ? », « Porte-t-elle le voile ? » ... –, le jury lui a attribué la note éliminatoire de 4 sur 20.
Le Conseil d’État annule donc la délibération du 5 octobre 2007 du jury du concours qui excluait Abdeljalel El-Haddioui de la vingtaine de lauréats. Mais cela ne changera pas grand chose à sa situation présente : le ministère de l’Intérieur a annoncé hier que le policier pourrait simplement se représenter au concours d’officier...
Ainsi que l’avait fait remarquer la ministre de l’Intérieur, Michèle Alliot-Marie, le matin-même sur France-Inter : « Je vous rappelle qu’il y a un grand nombre de policiers qui sont de confessions diverses et qu’il n’y a pas de discrimination en l’espèce parce que nous sommes dans un pays où la liberté religieuse est un principe fondamental. »
Répétons-le : « il n’y a pas de discrimination parce que nous sommes dans un pays où la liberté religieuse est un principe fondamental »... On peut le constater tous les jours, et tout particulièrement à Toulon.
Voici comment se termine le communiqué du Conseil d’État daté du 16 avril 2009 [1] :
« Cependant, les nominations individuelles des candidats retenus, prises postérieurement à cette délibération, qui n’avaient pas été contestées par le requérant, sont devenues définitives. L’illégalité commise par l’administration pourra toutefois trouver réparation sur le plan financier. »
Discriminé au concours d’officier de police, le candidat a le droit de se représenter
par Jean-Baptiste Chastand, LEMONDE.FR, le 16.04.09 18h10
Abdeljalel El-Haddioui, le candidat victime de discriminations lors du concours d’officiers de police, aura simplement le droit de se représenter. Si le Conseil d’Etat a bien annulé, vendredi 10 avril, les délibérations du jury, il ne revient toutefois pas sur les nominations au poste d’officier des lauréats du concours, qui sont désormais définitives.
Toutefois, le candidat malheureux pourra entamer une procédure contre l’Etat pour obtenir une indemnisation du préjudice subi, en plus des 3 000 euros que le Conseil d’Etat lui a attribués en remboursement des frais de justice. La décision laisse toutefois libre appréciation au ministère de l’intérieur pour les conditions de la réorganisation du concours pour M. El-Haddioui. En s’appuyant sur le réglement du concours, le cabinet de Michèle Alliot-Marie affirme que le policier sera obligé de repasser l’ensemble des épreuves sans pouvoir garder ses notes de l’écrit.
Abdeljalel El-Haddioui est policier depuis 1997. Il se présente en 2007 au concours d’officiers de police et passe avec succès les épreuves écrites. En septembre, il passe l’entretien oral de trente minutes auquel il obtient la note éliminatoire de 4/20 après avoir dû répondre à des questions discriminatoires. Il saisit alors immédiatement la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) et le Conseil d’Etat pour contester les résultats.
"Retournez-vous souvent au Maroc ?", "Quel est votre avis sur la corruption des fonctionnaires de police marocains ?", "Est-ce que vous faites le ramadan ?", "Votre femme est-elle maghrébine ?", "Est-ce que votre femme porte le voile ?", "Ne trouvez-vous pas bizarre ce gouvernement de la France avec des ministres arabes et un président à moitié hongrois ?", sont quelques-unes des questions évoquées par le policier, selon les conclusions du rapporteur public que Le Monde.fr a consulté.
Le jury n’a fourni aucun élément de notation
Le ministère de l’intérieur a contesté le fait que ces questions aient été posées, mais n’a pas fourni "la grille d’appréciation du jury, voire ses notes ou même une simple allusion à ces documents [qui] permettraient au juge de commencer à voir des preuves", critique le rapporteur. Il s’interroge sur les justifications avancées par le jury qui affirme que M. El-Haddioui a "manifestement refusé de s’exprimer avec spontanéité et naturel" pour expliquer la mauvaise note. Il rappelle par ailleurs que le candidat avait obtenu de bonnes notes à l’écrit et qu’un 9/20 à l’oral lui aurait suffit à obtenir le concours. Autant d’éléments qui lui permettent d’affirmer que "le choix de la note éliminatoire n’est justifiée par aucun élément objectif étranger à toute discrimination".
En accord avec le rapporteur, le Conseil d’Etat juge dans sa décision que "le jury lui a posé plusieurs questions portant sur son origine et sur ses pratiques confessionnelles ainsi que sur celles de son épouse", chose qui n’a pas été "sérieusement contestée par l’administration". Aux yeux des conseillers, ce manque de contestation sérieuse permet de confirmer la véracité des faits, toujours difficile à prouver dans les affaires de discrimination. Interrogé par Le Point.fr, l’avocat du policier s’est réjoui de cette décision, en affirmant qu’elle "fera jurisprudence".
Jean-Baptiste Chastand
[1] Le communiqué de presse du 16 avril 2009 du Conseil d’État http://www.conseil-etat.fr/ce/actua....
La décision, n° 311888 du 10 avril 2009, du Conseil d’État : http://www.conseil-etat.fr/ce/juris....