des discriminations couvertes par le “confidentiel défense”


article de la rubrique discriminations > les musulmans
date de publication : dimanche 10 octobre 2010
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La communication de documents administratifs aux administrés est organisée par la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, « portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public » [1], qui a créé la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA). Le rôle de cette commission, qui n’intervient qu’en cas de refus préalable de l’administration sollicitée, est uniquement consultatif dans la mesure où ses avis ne s’imposent pas à l’administration [2].

Il est aisé de rendre difficile l’accès à un document administratif : il suffit qu’il soit déclaré « confidentiel défense » pour ne plus être accessible qu’à des personnes habilitées et après avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale (CCSDN) – un avis également purement consultatif et qui ne peut être sollicité que par une juridiction [3]. Comme exemple, vous trouverez en bas de cette page l’avis émis par la CCSDN à propos d’une “affaire” analogue, celle des frères Skikar, qui s’est également déroulée à Toulon...

Nous avions évoqué au cours de l’été 2008 le cas de O. C., Français d’« origine maghrébine » né en France, qui a été brutalement privé de son habilitation à pénétrer dans des locaux pénitentiaires, à la suite d’un avis réservé émis par les services de la préfecture.
Une mesure discriminatoire prise à une époque où le gouvernement français s’inquiétait « d’une montée du communautarisme musulman » dans les prisons [4]. Mercredi 6 octobre dernier, le Tribunal administratif de Toulon s’est à nouveau penché sur le cas de O.C. qui n’a toujours pas eu communication des éléments pris en compte pour le priver de son habilitation.


Voir en ligne : discrimination au centre pénitentiaire de Toulon-La Farlède

Le rapporteur public a abordé cette affaire en déclarant : « Il est parfois des dossiers qui paraissent sans difficulté et de peu d’intérêt (c’est souvent le cas pour les affaires de communication de documents administratifs ) mais qui se révèlent en réalité difficiles et juridiquement passionnants...  »

Résumé des chapitres précédents

O. C. bénéficiait depuis juillet 2007 d’un contrat à durée indéterminée (CDI) avec l’Union sportive Léo Lagrange pour intervenir comme éducateur sportif à la prison de Toulon-La Farlède.

En juillet 2008, suite à l’avis réservé émis par le préfet du Var dans le cadre de l’instruction d’une procédure de renouvellement de son habilitation à accéder au centre pénitentiaire, l’administration a refusé de renouveler cette autorisation. Cela a immédiatement entraîné son licenciement « pour motif personnel » par l’Union sportive Léo Lagrange.

Par un courrier du 29 juillet 2008, O. C. a sollicité du préfet communication des pièces écrites émanant de ses services concernant cet avis réservé. Le préfet lui a répondu négativement « compte tenu de la nature de ces documents qui comportent des informations à caractère privé et confidentiel, relevant d’une procédure inscrite au titre de la sécurité publique dans le cadre de l’organisation de l’administration pénitentiaire ».

Saisie à son tour, la CADA, dans un avis du 29 septembre 2008, a déclaré ces documents « communicables à l’intéressé sur le fondement du II de l’article 6 de la loi du 17 juillet 1978, sous réserve de l’occultation des seules mentions dont la divulgation serait de nature à porter atteinte à la sécurité publique ».

Mais cet avis n’a pas été suivi par la préfecture du Var qui n’a pas daigné répondre à une nouvelle demande d’O. C..

Devant le TA de Toulon

Lors de l’audience que le tribunal administratif de Toulon a consacrée à cette affaire, mercredi 6 octobre 2010, le rapporteur public a longuement évoqué certains aspects juridiques.

Il a rappelé que le préfet du Var avait fait valoir, « d’une manière peu argumentée » – la notification de sa décision n’étant assortie d’aucune explication – que ces documents étaient classifiés « confidentiel défense » et que leur divulgation contreviendrait aux exigences de protection de la sûreté de l’État et de la sécurité publique.

Au terme d’un long exposé particulièrement documenté, le rapporteur a invité le tribunal à enjoindre le préfet de saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale pour qu’elle donne son avis sur la déclassification et la communication des documents en question, et de communiquer la partie de ces documents qui n’est pas couverte par la protection de la sûreté de l’État.

Maître Bruno Bochnakian qui assurait la défense de O. C. a commencé sa plaidoirie en déplorant l’absence de la préfecture à cette audience. Il a ensuite longuement insisté sur les dangers pour les libertés individuelles qui résultent de l’extension inconsidérée du fichage de la population et des dérives auxquelles la multiplication des interconnexions donnent lieu. L’avocat a attiré l’attention du tribunal sur le fait que le citoyen est désarmé devant cette situation, et salué le travail de sensibilisation de la Ligue des droits de l’Homme, dont il est membre.

Le tribunal a mis sa décision en délibéré.

P.-S.

Avis n° 2006-16 de la CCSDN, dans le cadre de l’affaire des frères Skikar [5].

Vu le code de la défense, articles L. 2312-1 à 8 ;
Vu la lettre de saisine de Mme le ministre de la défense en date du 11 juillet 2006 suite à la requête formulée dans son jugement avant dire droit du 6 juin 2006 par le tribunal administratif de Nice, aux fins de déclassification et communication « pour versement au dossier de l’instruction écrite contradictoire, après avoir pris l’avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale dans les conditions prévues par le code de la défense susvisé et après avoir déclassifié lesdites informations, de toutes autres informations sur lesquelles il s’est fondé pour évincer M. Khalid Skikar et M. Rachid Skikar » ;

La Commission consultative du secret de la défense nationale, régulièrement convoquée et constituée, en ayant délibéré,

Emet un avis « défavorable à la déclassification » des documents de renseignements des 3 juillet 2002, 15 juin, 27 juillet et 19 août 2005 ;

Emet un avis « favorable à la déclassification » des deux notes en date des 29 août et 1er septembre 2005 de la direction de la protection et de la sécurité de la défense.

Ces propositions de déclassification faites au ministre s’entendent sans préjudice de l’occultation de toutes mentions à caractère interne propres au service, à son organisation, à ses procédures de traitement, de sécurité, de transmission, d’enregistrement ou de classement. Elles ne s’opposent pas à la suppression des mentions à caractère nominatif dont la divulgation serait de nature à porter atteinte aux capacités de défense de la France, au respect de ses engagements internationaux ou à la sécurité des personnes.

Fait à Paris, le 21 juillet 2006.



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