Amnesty International dénonce les discriminations à l’égard des musulmans


article de la rubrique discriminations > les musulmans
date de publication : mercredi 25 avril 2012
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Dans un rapport publié le 24 avril 2012, Amnesty International dénonce les discriminations envers les musulmans qui se développent dans certains pays d’Europe occidentale – la Belgique, les Pays-Bas, la Suisse, mais également la France.

Pour les auteurs du rapport, dans une démocratie, la liberté d’expression est un droit essentiel qui permet la critique de pratiques religieuses ou culturelles, mais il est tout aussi important de respecter les droits des personnes qui se réclament d’une religion en particulier.

L’organisation dénonce le fait que l’on refuse des emplois à des femmes musulmanes et que l’on exclut des élèves de confession musulmane au seul motif que leurs tenues vestimentaires sont associées à l’islam. Amnesty International appelle les dirigeants européens à élaborer et à mettre rapidement en œuvre des lois et des politiques contre la discrimination des musulmans, en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi.

Cette situation et les discours stigmatisant les musulmans tenus par certains [ir]responsables politiques provoquent l’exaspération de personnes ainsi discriminées, comme le montre Françoise Lorcerie dans un article du site de Laurent Mucchielli repris ci-dessous.


(Bondy blog, avril 2012)

Communiqué d’Amnesty International [23/04/2012] [1]

Europe : les musulmans victimes de discrimination parce qu’ils expriment leur foi

Les gouvernements européens doivent se mobiliser davantage pour combattre les stéréotypes et préjugés négatifs contre les musulmans, qui nourrissent les discriminations en particulier dans les domaines de l’éducation et de l’emploi, indique un rapport rendu public par Amnesty International le 24 avril 2012.

Le rapport : "Choice and prejudice : discrimination against Muslims in Europe" [2] examine en quoi la discrimination fondée sur la religion ou les convictions affecte divers aspects de la vie des musulmans, notamment l’emploi et l’éducation.
Il s’attache en particulier à la situation en Belgique, en Espagne, en France, aux Pays-Bas et en Suisse, pays dans lesquels Amnesty International a déjà fait part de ses préoccupations sur un certain nombre de sujets, comme la création de lieux de culte et l’interdiction du voile intégral.

Le port de signes et de vêtements religieux ou culturels fait partie du droit à la liberté d’expression

Le port de signes et de vêtements religieux ou culturels fait partie du droit à la liberté d’expression, et du droit à la liberté de religion ou de conviction.
Au cours des 10 dernières années, dans de nombreux pays dont l’Espagne, la France, la Belgique, la Suisse et les Pays-Bas, des interdictions du port du voile ou d’autres vêtements religieux et traditionnels à l’école ont été prononcées.

Toute restriction au port de symboles et vêtements culturels ou religieux à l’école doit être fondée sur une évaluation au cas par cas, a précisé Marco Perolini. Les mesures d’interdiction totale risquent de compromettre l’accès à l’éducation des jeunes filles musulmanes et de porter atteinte à leur droit à la liberté d’expression et leur droit d’exprimer leurs convictions.

La législation de l’UE interdisant la discrimination fondée sur la religion ou les convictions dans le domaine de l’emploi semble inefficace dans toute l’Europe

Le rapport met également en évidence le fait que la législation interdisant la discrimination dans l’emploi n’est pas correctement appliquée en Belgique, en France et aux Pays-Bas. Certains employeurs ont pu s’affranchir de l’obligation de l’égalité de traitement en invoquant le motif que tel ou tel symbole culturel ou religieux allait déplaire aux clients ou aux autres membres du personnel, ou qu’il était incompatible avec l’image de l’entreprise ou allait à l’encontre de sa "neutralité".

Ceci est absolument contraire à la législation de l’Union européenne (UE) en matière de lutte contre la discrimination, qui n’autorise des différences de traitement dans le domaine de l’emploi que lorsque la nature spécifique de l’emploi l’exige.

Le droit de créer des lieux de culte fait l’objet de restrictions dans certains pays européens

Composante essentielle du droit à la liberté d’expression ou de conviction, le droit de créer des lieux de culte fait l’objet de restrictions dans certains pays européens, bien que les États aient l’obligation de protéger, respecter et mettre en œuvre ce droit.
En Suisse, les musulmans sont visés spécifiquement depuis l’inscription dans la Constitution en 2010 de l’interdiction de la construction de minarets, une initiative qui a introduit dans la loi fondamentale les stéréotypes anti-musulmans et viole les obligations internationales de l’État helvétique.

En Catalogne (Espagne), les musulmans sont contraints de prier dans des espaces extérieurs parce que les salles de prière sont trop petites pour accueillir tous les fidèles et que les demandes de construction de mosquées se heurtent à la polémique – certains jugeant ces demandes incompatibles avec les traditions et la culture catalanes. Ceci porte atteinte à la liberté de religion, qui comprend le droit d’exercer le culte collectivement dans un endroit approprié.

Dans de nombreux pays européens prévaut l’idée que l’on veut bien accepter l’islam et les musulmans tant qu’ils ne sont pas trop visibles. Cette attitude est à l’origine de violations des droits humains. Il faut la combattre.

Complément à télécharger : La discrimination à l’égard des musulmans en Europe.

Ci-dessous, un "billet" écrit quelques jours avant le premier tour de l’élection présidentielle (avril 2012).

Un vote « musulman » d’exaspération

par Françoise Lorcerie, www.laurent-mucchielli.org, le 20 avril 2012


L’Union des Familles Musulmanes des Bouches-du-Rhône, membre de l’Union française des associations familiales, se dédie au soutien des familles. Comme les autres associations de cette catégorie, elle est apolitique. Si le mot « musulmanes » figure dans sa raison sociale, c’est avant tout pour encourager les familles qui s’identifient comme cela à la rejoindre, elle n’est nullement religieuse. Elle s’attache exclusivement à ce qu’on appelle « l’intégration », orientation qui comprend accessoirement, pour cette association, l’idée de ne pas diaboliser la référence musulmane. Elle vient de diffuser, sous la signature de sa présidente, un communiqué qui n’est pas difficile à déchiffrer. Appelant chacun à faire son devoir civique, de quelque côté que sa voix se porte, elle incite in fine à « sanctionner les pyromanes », avec l’argument suivant :

« Ceux qui, par calcul électoraliste et politicien, ont désigné à la vindicte populaire les musulmans, les jeunes des quartiers défavorisés, les chômeurs ou encore les étrangers, portent une lourde responsabilité devant le pays.
A coup de débats nauséeux sur l’identité nationale, de polémiques grotesques sur la viande Halal ou de stigmatisation des immigrés prétendument responsables de l’insécurité, ils ont mis à mal la cohésion nationale, pourtant indispensable au vivre ensemble.
Ils ont trahi le pacte républicain, en essayant de dresser une partie de la population contre l’autre. Ils ont foulé aux pieds le beau mot de fraternité qui figure pourtant en toutes lettres dans la devise de la République.
Pour tout cela, ils doivent rendre des comptes. Il est indispensable de stopper ces dérives dangereuses, et de démontrer par le vote que ceux qui espèrent conquérir ou conserver le pouvoir en attisant la peur, la xénophobie, le rejet de l’autre, en seront pour leurs frais.
Dimanche prochain, mobilisez-vous ! Exprimez-vous !
Voter est un droit fondamental, dans les circonstances actuelles, c’est, avant tout, un devoir !
 ».

Cette position n’est pas isolée, c’est au contraire le signe d’un mouvement collectif qui s’est développé au fil des semaines dans cette population, via les réseaux sociaux. Il s’exprime au grand jour en cette fin de campagne. Les sondages avaient déjà constaté que la « normalisation » attendue de l’électorat musulman ne se manifestait pas. On attendait que cet électorat, précédemment plus tourné vers la gauche que la moyenne française, se recentre à cette élection, puisque sa stratification sociale se rapproche de la structure d’ensemble de la population française. Comme il tend à se déprolétariser, son vote devait tendre à s’équilibrer gauche-droite. Or ce n’est pas ce qui apparaît à cette élection.

Exception par rapport à une loi bien connue de la science politique ? Le communiqué de l’UFM montre que non. C’est simplement une autre loi qui s’applique, la loi de base de la démocratie représentative : Votez pour qui représente le mieux vos intérêts, ou votez contre celui qui s’oppose le plus clairement à vos intérêts.

L’orientation à gauche de cette catégorie du corps électoral ne se « maintient » pas, elle se reconstruit sous nos yeux, en s’appuyant sur une assurance civique bien en place. Rien ne dit qu’elle soit pérenne.

Notes

[2Ce rapport n’est actuellement disponible que dans sa version anglaise : http://www.amnesty.org/en/library/a....


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