la mort de Wissam a pu être provoquée par la technique du “pliage”


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : mardi 31 janvier 2012
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Le coma, puis la mort de Wissam El-Yamni, interpellé la nuit de la Saint-Sylvestre à Clermont-Ferrand, pourraient avoir été provoqués par une méthode de contention non autorisée par les règles d’intervention de la police. Le rapport de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) rejoint les conclusions de l’autopsie. D’après l’édition du 31 janvier du quotidien La Montagne, l’IGPN rappelle à ce sujet que la technique dite du “pliage” « ne fait pas partie des “gestes techniques professionnels en intervention” enseignés dans les écoles de police ».

Une autre affaire de “pliage” est toujours à l’instruction au tribunal de Bobigny après le décès, en juin 2009, d’un Algérien de 69 ans, Ali Ziri. Un dossier pour lequel le parquet requiert un non-lieu.


Une méthode de contention interdite a pu provoquer
la mort de Wissam El-Yamni

par Manuel Armand, Le Monde, 31 janvier 2012


Le coma, puis la mort d’un homme, interpellé la nuit de la Saint-Sylvestre à Clermont-Ferrand, pourraient avoir été provoqués par une méthode de contention non autorisée par les règles d’intervention de la police. C’est l’hypothèse que viennent étayer les conclusions de l’autopsie et le rapport de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) dont Le Monde a pu prendre connaissance.

Dans la voiture qui regagnait le commissariat, le policier qui avait du mal à maîtriser Wissam El-Yamni "lui appuyait de haut en bas sur la tête, la maintenant contre les genoux durant le transport", explique l’IGPN. Dans le jargon policier, la méthode est connue sous le nom de "pliage". "Je n’ai jamais eu l’impression qu’il avait du mal à respirer", a ensuite expliqué le fonctionnaire aux enquêteurs.

A l’arrivée au commissariat, M. El-Yamni doit être porté par les deux policiers qui pensent qu’il simule une perte de connaissance. Il est déposé dans un couloir, le visage contre le sol et les mains toujours attachées dans le dos. "Constatant qu’il était étonnamment calme et silencieux, (le policier) décidait de prendre le pouls de M. El-Yamni et constatait qu’il y en avait, poursuit l’IGPN. Quelques minutes plus tard, trouvant que les mains de la personne interpellée prenaient une teinte grisâtre, il reprenait le pouls mais ne le trouvait plus." Plongé dans le coma, M. El-Yamni est mort neuf jours plus tard.

Une information judiciaire "pour violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", confiée à deux juges d’instruction clermontois, vise les deux policiers de la brigade canine qui ont arrêté le jeune homme, âgé de 30 ans, pour des jets de pierres sur une voiture de police. Le Défenseur des droits, Dominique Baudis, vient de se saisir du dossier dans le cadre de sa mission de surveillance des pratiques policières. La nouvelle du coma avait provoqué dans les quartiers nord de Clermont-Ferrand plusieurs nuits de fortes tensions au cours desquelles quelques dizaines de voitures avaient brûlé.

Fortes tensions

L’autopsie a permis d’écarter deux hypothèses. Elle n’apporte "aucun argument en faveur d’un décès d’origine directement traumatique", peut-on lire dans les conclusions. Autrement dit, les coups reçus au moment de l’interpellation ne sont pas en cause. L’autopsie note que l’alcool, le cannabis et la cocaïne sont la cause probable d’une "altération comportementale franche", mais cela n’est pas évoqué comme étant l’origine du malaise.

Reste la découverte d’excroissances osseuses sous les tempes. Selon le rapport d’autopsie, cela "soulève l’hypothèse d’une compression des artères carotides internes (...) lors du maintien de M. El-Yamni en hyperflexion (tête entre les genoux)". "Une telle compression pourrait avoir entraîné un hypodébit sanguin artériel cérébral à l’origine de la perte de connaissance."

L’inspection générale de la police nationale n’a rien trouvé à redire sur les conditions de l’interpellation proprement dite. Elle pointe en revanche du doigt le "pliage" pendant le transport en voiture. Lors de son audition, un conseiller pour les techniques d’intervention a précisé que "concernant la pression pour maintenir la tête de l’individu entre les jambes, ce cas d’espèce n’est pas prévu". Cette appréciation est fondée sur le référentiel des "gestes techniques professionnels d’interventions" (GTPI) enseignés dans les écoles de police.

"Le recours à la force ne peut être légitime que si elle est rendue impérative par la situation ", rappelle le commandant Pascal Garibian, porte-parole de la direction générale de la police nationale. Dans de tels cas, "les interpellations doivent se faire avec les techniques apprises lors de la formation initiale et continue". Et, selon le commandant Garibian, "le pliage n’en fait pas partie".

En 2003, la Commission nationale de déontologie de la sécurité avait tiré le signal d’alarme sur la dangerosité et l’irrégularité du "pliage" (lire le rapport de la CNDS). Cela avait été mis en évidence après le décès de deux sans-papiers maintenus dans cette position sur leurs sièges d’avion à l’occasion de leur reconduite dans leurs pays d’origine.

La direction générale de la police nationale avait alors envoyé, le 17 juin 2003, une instruction à la police de l’air et des frontières (PAF) prohibant cette méthode. Une autre affaire de "pliage" est toujours à l’instruction au tribunal de Bobigny après le décès, en juin 2009, d’un Algérien de 69 ans. Un dossier dans lequel le parquet demande un non-lieu.


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