toute la lumière doit être faite sur la mort de Louis Mendy


article point de vue de la section LDH de Toulon  de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : mercredi 21 novembre 2007
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A Toulon, Louis Mendy, jeune entraineur sportif, est mort d’une balle tirée par un policier. Le drame s’est déroulé jeudi 3 mai en fin d’après-midi. Les obsèques de Louis Mendy ont eu lieu samedi 12 mai, au cours d’une cérémonie religieuse émouvante et digne en l’église Saint-Jean de la cité Berthe de La Seyne.

Dès le 4 mai, au terme d’une enquête rapide, le procureur déclarait qu’ « il n’y avait pas eu d’erreur d’appréciation de la police » et qu’il s’agissait d’un cas de « légitime défense d’autrui ». Le samedi 5 mai après-midi, une marche silencieuse a été organisée pour demander la vérité. Au cours des jours suivants, la famille de Louis Mendy a déposé une plainte contre X avec constitution de partie civile pour « homicide volontaire ».

La section de Toulon de la LDH partage la peine de la famille de Louis Mendy et demande que toute la lumière soit faite sur ce drame.

[Première publication le 6 mai, mise à jour le 21 nov. 2007]

Appel à témoins

Soucieuse de réunir le maximum d’informations possible, la famille de la victime a diffusé, le 21 novembre, un appel pour que se fassent connaître les éventuels témoins de la tragédie qui s’est soldée par la mort de Louis Mendy.
Dans ce contexte, précise le communiqué rédigé à cet effet, « les personnes présentes sur les lieux (rue Félix-Mayol au Pont-du-Las) le jeudi 3 mai 2007, vers 18 heures, sont invitées à faire part de leur témoignage par courrier, auprès des avocats de la famille, Mes Jean-Claude Guidicelli et Frédéric Casanova, 4 rue Picot à Toulon ».

Communiqué de la section de Toulon de la LDH

Nous sommes tous concernés

Qu’un homme, Louis Mendy, père de famille, entraîneur sportif, en soit arrivé à une telle extrémité, alors que rien ne semblait le prédestiner à commettre une agression à l’arme blanche, oblige l’autorité judiciaire à faire en sorte que la lumière, toute la lumière soit faite sur la cause de son geste et sur la cause du geste du policier qui a fait feu sur lui pour sauver l’un de ses collègues.

Nous avons appris par la presse que cet homme est français de son état. C’eût été suffisant... Mais nous apprenions aussi qu’il était né au Sénégal, qu’il était noir pour les uns, de "race noire" selon les autres. Pourquoi ces détails ? En quoi pouvaient-ils permettre une appréciation particulière, voire singulière, de ce drame qui interpelle par sa violence conjuguée, non seulement les services de police de Toulon et la famille de Monsieur Mendy, mais la société toute entière ?...

Nous ne mettons pas en doute la bonne foi des services de police qui sont intervenus à chaud dans une scène de violence opposant une personne armée d’un couteau à un policier blessé à la main. Mais nous posons la question : plutôt que de remettre la maîtrise de l’enquête à la police, via l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), qui est un acteur concerné et intéressé, en laissant sa direction au parquet, dont on connaît l’interdépendance avec ces services, ne serait-il pas indispensable de désigner un juge d’instruction, gage d’un débat judiciaire contradictoire "à charge et à décharge", en principe incontestable ?

Dans une situation où le fonctionnement de la police risque d’être mis en cause, il ne faut laisser planer aucun doute sur l’impartialité des intervenants. Le traitement de ce type d’affaire ne doit souffrir d’aucune faille, tant pour la société garante du respect de l’Etat de droit par sa police, que pour toutes les personnes directement concernées et leurs familles. Tous doivent être assurés de l’impartialité des moyens mis en oeuvre en vue de parvenir à la manifestation de la vérité.

Tant que la justice, dans son propre fonctionnement, produira ce type d’interrogations, parce qu’elle détient "dans chacune de ses mains" la responsabilité de l’enquête et la préservation des libertés individuelles et publiques, il y aura doute sur sa capacité et sa légitimité.

Toulon, le 5 mai 2007

Tir mortel d’un policier à Toulon : pas d’erreur de la police (procureur)

[TOULON, 4 mai 2007 (AFP) - 19h05]
« Il n’y a pas eu d’erreur d’appréciation de la police et la réaction des policiers a été proportionnée à l’attaque à laquelle ils ont assisté », a déclaré à la presse M. Cazenave. « C’est de la légitime défense d’autrui », a-t-il ajouté.
Louis Mendy, 33 ans, né le 16 novembre 1973 à Dakar et de nationalité française, entraîneur des poussins dans un club de football amateur de Toulon, est en état de mort cérébrale après avoir été touché d’une balle tirée par l’un des deux policiers de la brigade anti-criminalité intervenus alors qu’il menaçait d’un couteau un dirigeant du club.

Selon le procureur, « à 18H03, un témoin a vu un homme de race noire menacer un autre avec un couteau et a appelé la police ». Une patrouille arrive au Sporting Club du Pont du Las, voit dans une salle un homme avec un couteau à la main qui en menace un autre plus âgé. Ce dernier s’enfuit, poursuivi par son agresseur qui a un deuxième couteau dans un étui à sa ceinture, selon le procureur. Les policiers lancent en vain des sommations, l’un d’eux tire un coup de feu en l’air sans résultat. L’homme se retourne contre un policier qui pare de sa main gauche un coup de couteau et subit une entaille de trois centimètres. « A ce moment là, le deuxième policier ouvre le feu à deux reprises sans toucher l’agresseur » qui continue sa poursuite le couteau à la main, selon le procureur. « Alors qu’il se trouve à 1 mètre et demi ou 2 mètres de sa victime [ndlr : le dirigeant du club], le policier qui a déjà tiré, ne voit pas d’autre solution pour stopper cette agression, puisque l’agresseur a jusqu’à présent démontré sa détermination, son imperméabilité totale à toute sommation, que de l’arrêter en tirant cette fois au niveau du corps », a-t-il expliqué. L’homme s’écroule, atteint d’une balle à la tête.

Louis Mendy était déjà connu des services de police « en raison de problèmes familiaux qui semblent avoir eu des conséquences sur son comportement », a expliqué le procureur. Après des problèmes conjugaux, il ne pouvait plus assurer la garde alternée de son enfant. « On peut parler de bouffée délirante », a dit le procureur. Selon les premiers éléments de l’enquête, Louis Mendy était venu entraîner l’équipe des poussins lorsqu’on lui a expliqué qu’il s’était trompé de date. Pensant être l’objet d’une éviction de fait, il s’en est pris à un dirigeant du club. Outre une enquête de l’Inspection générale de la police nationale, une enquête de flagrance a été ouverte par le parquet. Les policiers impliqués ont participé vendredi à une reconstitution.

Une marche silencieuse était organisée hier.
Doutes et incompréhension persistent

Jean-Michel Chombart, Var-Matin, 6 mai 2007.
Photos Gérard Raynaud

Dans un climat où la dignité le partageait à la peine et à l’émotion, environ un millier de femmes et d’hommes a participé, hier après-midi à Toulon, à une marche silencieuse, d’abord destinée à soutenir la famille de Louis Mendy, grièvement blessé jeudi soir par un fonctionnaire de police et dont on a appris la mort hier en fin de journée.

Mais alors que la veille, le procureur de la République indiquait que tout concourrait à considérer que le policier avait agi légitimement, pour défendre l’homme agressé par Mendy, les organisateurs faisaient également de cette manifestation le témoignage d’un besoin d’éclaircissements.

« Nous ressentons une réelle incompréhension sur ce qui s’est vraiment passé jeudi, expliquait un proche. Nous avons tous besoin : et d’abord la famille, de trouver des réponses. »

Un questionnement qui s’adresse sans doute autant au déroulement des faits — « La police n’a pas su gérer » — qu’à l’attitude même de Louis Mendy ce jour-là, un homme décrit par tous comme « quelqu’un de très calme et de très aimé. Nous avons été surpris. »

Dans la logique des choses, à l’issue de la manifestation, Joachim Mendy, cousin de la victime, a indiqué que la famille envisageait de déposer une plainte dans la semaine, afin de savoir exactement comment on avait pu en arriver là. « On trouve que, cette fois, la justice est allée trop vite. Louis ne méritait pas la mort. Nous sommes en démocratie, nous la respectons, mais la loi est là pour tout le monde... »

« Plus jamais ça ! »

Formé à hauteur du carrefour Bon Rencontre, et discrètement encadré par la police, le cortège, rassemblant une très grande partie de la communauté africaine (mais pas seulement) de Toulon, encore sous le choc, a donc emprunté l’avenue du XVe Corps, précédé de banderoles sur lesquelles on pouvait lire, entre autres, « Vérité pour Louis », « Un monde meilleur, est-ce possible », tandis qu’étaient brandis de grands portraits du éducateur sportif. Quelques slogans ont également été lancés, sur le thème de « Plus jamais ça ! »

Mais une fois la manifestation parvenue rue Félix-Mayol, l’émotion a repris le dessus au moment de déposer une gerbe à l’endroit même où, deux jours plus tôt, Louis Mendy était tombé.

C’est alors que s’est vraiment exprimée la grande douleur des amis et des proches, à commencer par celle d’Hélène, mère d’un petit garçon de 5 ans qui ne reverra jamais son papa, des trois soeurs de Louis, de ses cousins et cousines [1].

La famille veut des explications

Jean-Michel Chombart, Var-Matin, 8 mai 2007

Considérant qu’il y a encore trop de questions sans réponse, dans le déroulement du drame qui a abouti à la mort de Louis Mendy, sa famille a décidé de mettre en oeuvre une procédure judiciaire afin d’obtenir tous les éclaircissements qui s’imposent.

Dans ce contexte, les soeurs et cousins du jeune éducateur sportif ont désigné hier Mes Jean-Claude Guidicelli et Frédéric Casanova, les chargeant d’établir une plainte avec constitution de partie civile.

Pourquoi la tête ?

Porte-parole de la famille, Joachim Mendy explique ainsi : «  Nous ne défendons pas ce que Louis a fait, ce qui aurait justifié qu’il soit jugé et condamné. Mais il est mort et nous voulons savoir pourquoi, s’agissant de policiers expérimentés, il n’a pas été possible de faire autrement Pourquoi a-t-il été visé à la tête ? Pourquoi la famille a-t-elle été écartée de la reconstitution ? Pourquoi est-ce que l’on n’a pas entendu plus de témoins ? »

Craignant que le dossier soit refermé trop vite, les parents de Louis Mendy veulent que leurs demandes soient entendues. […]

« On ne peut qu’être désolé pour le policier qui s’est trouvé confronté à une telle situation, déclare Me Guidicelli, mais les proches de la victime ont le droit de savoir. Une plainte leur permettra d’accéder au dossier, et de solliciter des actes de procédure. Mais ce qu’attendent avant tout les proches, c’est la réponse à trois questions : pourquoi cinq coups de feu ? Pouvait-on éviter une telle tragédie ? Un simple citoyen agissant de la sorte aurait-il bénéficié de la même exonération de responsabilité ? »

Pour sa part, Joachim Mendy avance une raison supplémentaire à cette volonté de la famille : « On aimerait pouvoir un jour expliquer exactement au fils de Louis, qui aura bientôt 6 ans, ce qu’il s’est passé pour son père...  »

La famille de Louis Mendy. (Photo Richard Barsotti)

La famille porte plainte

[MARSEILLE, 11 mai 2007 (AFP) - 17h31] - La famille de Louis Mendy, un jeune entraîneur de football tué à Toulon la semaine dernière d’un coup de feu tiré par un policier qui intervenait au cours d’une altercation, a porté plainte contre X avec constitution de partie civile pour "avoir accès au dossier", a-t-on appris de sources concordantes.

Louis Mendy, 33 ans, né le 16 novembre 1973 à Dakar et de nationalité française, est décédé après avoir reçu une balle dans la tête tirée par un des deux policiers intervenant dans une altercation entre l’entraîneur et un dirigeant de son club. Selon le procureur de la République de Toulon, Pierre Cazenave, les policiers ont lancé en vain des sommations, alors que l’entraîneur poursuivait le dirigeant avec un couteau à la main. Dans la confusion qui a suivi, l’homme a blessé à la main un des deux policiers tandis que l’autre a fait usage de son arme. Le procureur de Toulon a conclu à "la légitime défense d’autrui", précisant qu’"il n’y a pas eu d’erreur d’appréciation de la police".

Plusieurs interrogations taraudent la défense, ont expliqué les avocats, qui "s’étonnent de la rapidité — cinq jours et avec reconstitution — avec laquelle l’enquête a été bouclée", a déclaré Me Frédéric Casanova. Selon Me Jean-Claude Guidicelli, les résultats de l’autopsie de l’entraîneur ont démontré que la victime avait été atteinte de deux balles et non d’une seule comme on le croyait au départ. "Pourquoi cinq coups de feu ont-ils été tirés alors que le policier se trouvait à cinq mètres et n’était pas en danger ?", s’interroge l’avocat. "Son premier réflexe aurait dû être de tirer au niveau des jambes et on aurait évité une tragédie", poursuit-il. Les avocats soulignent en outre que "des témoins n’ont pas été entendus" et demandent une nouvelle reconstitution des faits. "Comme je l’avais expliqué lors de ma conférence de presse, l’homme a effectivement été atteint de deux balles, l’une à la tête et la seconde dans le gras de la main gauche", a confirmé vendredi à l’AFP le procureur de la République de Toulon.

Drame du Pont-du-Las à Toulon : investigations toujours en cours

Jean-Michel Chombart, Var-Matin, 21 nov. 2007

Six mois après la mort de Louis Mendy, tué par un policier dans le quartier du Pont-du-Las à Toulon, le dossier n’est toujours pas clos.
Bien au contraire puisque l’on a appris que, en début de semaine dernière, une soeur de la victime avait été reçue au palais de justice, en tant que partie civile. Accompagnée de son avocat, Me Jean-Claude Guidicelli, Hélène Mendy a été entendue par M. Jean-Pierre Buffoni, en charge de l’information judiciaire ouverte après la plainte avec constitution de partie civile déposée par la famille.

« Sentiment d’injustice »

Rien n’a évidemment filtré de cette audition, au cours de laquelle Mme Mendy était un peu porte-parole des autres membres parties civiles. Néanmoins, l’avocat toulonnais a indiqué que la famille Mendy ne se satisfaisait toujours pas des conclusions adoptées dès le jour du drame, retenant une légitime défense.
« Les parties civiles, a précisé Me Guidicelli, ne sont pas animées par un sentiment de vengeance mais contestent cependant certains témoignages qui présenteraient Louis Mendy comme très agité et incontrôlable au moment de la tragédie.
Dans ces conditions, les proches, qui regrettent d’avoir été tenus à l’écart des premières constatations, sont habités par une volonté de justice qui, pour l’instant, tient plutôt du sentiment d’injustice.
 »
Relevant « la disproportion entre un incident banal et la mort d’un homme », l’avocat s’est interrogé sur un éventuel dépaysement du dossier, tout en soulignant la nécessité d’une reconstitution.

Tragédie dans la rue

Âgé de 34 ans, éducateur bénévole au club de football du Pont-du-Las, Louis Mendy avait été tué d’une balle le 3 mai en fin d’après-midi. Selon les investigations conduites par la PJ sous l’autorité du procureur de la République, la victime, honorablement connue par ailleurs, était armée d’un couteau et avait tenté de porter des coups à un responsable du club.
Cette altercation avait amené l’intervention d’une patrouille et l’un des policiers avait été blessé à un bras par un coup de couteau.
Les parties civiles soutiennent que le responsable du club de foot n’était plus en danger lorsque le policier a tiré sur Louis Mendy.

Jean-Michel Chombart

Notes

[1A l’issue de la manifestation, la famille devait être reçue en préfecture.


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