morts dans les mains de la police (suite)


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : mardi 10 janvier 2012
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Karim Aouad, éducateur sportif de 30 ans atteint de troubles psychiatriques, n’avait pas survécu à son interpellation à Marignane en 2004 : il était décédé après six jours de coma. La chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence, saisie par ses proches, s’est à nouveau penché sur cette affaire le 9 janvier 2012.

Dans le même temps, on apprenait que le procureur de Pontoise avait requis un non-lieu dans l’affaire d’Ali Ziri, un retraité algérien décédé le 11 juin 2009 à Argenteuil, dans des conditions analogues : interpellé par la police le 9 juin 2009 à Argenteuil, lors d’un contrôle de la route musclé, Ali Ziri (69 ans) tombait le soir même dans le coma à l’hôpital d’Argenteuil, où il décédait deux jours plus tard.

Marignane, Argenteuil, deux décès à ajouter à d’autres déjà dénoncés par Amnesty International ... sans oublier Clermont-Ferrand.


Un gardé à vue étouffé sous quatre policiers

par David Coquille, La Marseillaise, le 9 janvier 2012, mis à jour le 10


Le parquet général accorde l’excuse pénale à des policiers pour leur faute d’imprudence… un peu mortelle.

Etouffé dans une geôle du commissariat de police de Marignane en 2004. Karim Aouad, éducateur sportif de 30 ans atteint de troubles psychiatriques, n’a pas survécu à son interpellation. Il en est mort après six jours de coma.
Le devenir de l’affaire se joue à huis clos aujourd’hui devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel d’Aix-en-Provence saisie par ses proches. Que s’est-il passé lors du trajet en voiture ? L’un des quatre policiers s’est-il assis sur sa poitrine pendant 20 minutes jusqu’à l’asphyxier tandis que ses collègues lui tenaient la tête et les pieds comme sa famille le prétend ?

Trois juges d’instruction se sont succédé dans ce dossier longtemps enlisé où l’avocat peinait à obtenir jusqu’au rapport complet d’autopsie. Le dernier magistrat, Isabelle Miquel, n’a pu imputer « avec certitude » à aucun fonctionnaire de police en particulier un geste pourtant fatal à l’individu agité mais pas violent. La juge a fini par conclure au non lieu le 8 septembre 2011 : « Aucune violence volontaire n’a été exercée par les quatre fonctionnaires », « aucun reproche ne peut leur être fait ».
« Il existe à tout le moins des charges largement suffisantes pour ouvrir un débat judiciaire », conteste Me Clément Dalançon, partie civile, qui demande le renvoi en correctionnelle pour « homicide involontaire » de quatre policiers par ailleurs même pas mis en examen.
« A l’évidence, il y a eu un maintien au sol prolongé, inadapté et injustifié car il ne bougeait plus et était calme », dénonce l’avocat. « Les médecins experts parlent de "compression thoraco-abdominale". Que des adjoints de sécurité se disent incapables de maîtriser une personne doublement menottée dans un commissariat parce qu’ils n’ont pas été formés, ça pose problème. Nous sommes dans une démocratie. Il y a un moment donné où c’est accablant. Je suis scandalisé. »

« C’était la force strictement nécessaire »

Il est 20h20, ce 20 février 2004 quand un particulier de la rue Lacanau à Marignane prévient la police qu’un individu qui « n’a pas toute sa raison » s’est introduit dans son jardin. Il a les mains et le visage en sang. Le karatéka de haut niveau est en crise de schizophrénie paranoïde, ayant arrêté son traitement. Un gardien de la paix et trois adjoints de sécurité l’attrapent, le hissent en voiture, le déposent en poids, chevilles et poings menottés, au milieu d’une cellule.
Pourquoi n’avoir pas tout simplement refermé la porte ? « Pour éviter qu’il ne se tape », répond un adjoint de sécurité entendu cinq ans après les faits comme témoin assisté. Un autre adjoint niera l’avoir maintenu avec son genou sur le buste comme le prétend pourtant son collègue ainsi que les sapeurs-pompiers arrivés à 20h57, 5mn après avoir reçu l’appel du commissariat pour un « homme blessé ».
Le médecin du Smur, qui trouve l’homme en arrêt cardio-respiratoire à 21h07 dans la geôle n°1, parle d’une ambiance tendue et dit combien il a eu du mal à obtenir des explications sur ce qui s’était passé. Il lui est répondu que trois policiers l’ont maintenu au sol « un au niveau de la tête, un sur le torse et au niveau des pieds ».
Il faudra attendre le 15 décembre 2008 pour que deux experts concluent au décès par « arrêt ventilatoire puis circulatoire » au cours d’une « contention comprenant une compression thoraco-abdominale » effectuée « par trois policiers (un sur la tête, un sur le thorax et un sur les membres inférieurs) ». « Il a été maintenu avec force mais c’était la force strictement nécessaire », se défend un policier.

« Faute d’imprudence » mais irresponsabilité pénale

Le parquet général entend désormais vouloir faire bénéficier aux policiers de la clause d’irresponsabilité pénale de l’article 122-4 du code pénal. Certes ils ont commis une « faute d’imprudence » en prolongeant inutilement leur contention mais « la force strictement nécessaire autorisée par la loi et les règlements pour mener leur mission » a été « proportionnée à son état » et qu’ « aucune violence illégitime n’a été exercée contre lui ». Ce qui reviendrait à accorder l’impunité totale aux policiers en fonction.

David Coquille


Non-lieu dans l’enquête sur la mort d’un Algérien à Argenteuil

[El Watan, 7 janvier 2012]


Le procureur de la ville française de Pontoise a requis un non-lieu dans l’affaire d’Ali Ziri, un retraité algérien décédé le 11 juin 2009 à Argenteuil, suite à son interpellation par la police, a révélé hier le journal en ligne Mediapart.

Interpellé par la police le 9 juin 2009 à Argenteuil, lors d’un contrôle de la route musclé, Ali Ziri (69 ans) tombe le soir même dans le coma à l’hôpital d’Argenteuil, où il décède deux jours plus tard. Plusieurs éléments de l’information judiciaire ouverte en 2009 pour « homicide involontaire et violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner par personne dépositaire de l’autorité publique » mettent en cause les policiers.

La commission nationale de déontologie de la sécurité avait évoqué « un traitement inhumain et dégradant » et deux expertises médicales lient sa mort à l’utilisation de techniques de maintien sur un homme âgé et fortement alcoolisé (2,4 g par litre de sang).

La dernière expertise, en date du 15 avril 2011, concluait ainsi à « un épisode hypoxique (diminution de la quantité d’oxygène apportée aux tissus, ndlr) en rapport avec les manœuvres d’immobilisation et les vomissements réitératifs ». Pour maître Stéphane Maugendre, avocat de la famille Ziri, c’est la technique policière du pliage, consistant à plaquer le torse du prévenu sur ses genoux en exerçant une pression, « qui serait à l’origine de l’asphyxie ayant conduit au décès d’Ali Ziri ».

La mort de l’Algérien, arrivé en France dans les années 1950, est à l’origine de la création du collectif Vérité et Justice pour Ali Ziri qui a appelé à un rassemblement de contestation le 14 janvier à Argenteuil en présence de l’humaniste et ancien résistant Stéphane Hessel et de l’évêque Jacques Gaillot. Les membres du collectif poseront ensuite une plaque commémorative sur le lieu de l’interpellation du retraité algérien.


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