Draguignan : condamnation de 5 policiers municipaux pour des violences commises en 2004


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : jeudi 22 octobre 2009
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Le tribunal correctionnel de Draguignan a prononcé le 8 octobre 2009 des peines de trois à douze mois de prison avec sursis contre cinq des six anciens policiers municipaux qui comparaissaient pour avoir enlevé, séquestré et molesté trois " sans domicile fixe ", dans le courant de l’été 2004 à Draguignan. Le sixième agent mis en cause a été relaxé.


Communiqué de la section de Draguignan de la LDH

Condamnation en correctionnelle le 8 octobre 2009, au TGI de Draguignan (Var) de cinq policiers municipaux et agents de médiation pour des exactions commises juillet 2004, sur des personnes sans domicile fixe. La LDH s’était portée partie civile.

Le 8 Octobre 2009, au TGI de Draguignan, se tenait le procès en correctionnelle de quatre policiers municipaux poursuivis et deux agents de médiation pour violence sur personnes sans domicile fixe pour le chef de : arrestations, enlèvements, séquestrations ou détentions arbitraires, violences en réunion, avec armes, par dépositaires de l’autorité publique.

La section de la Ligue des Droits des l’Homme de Draguignan (Var), avertie à l’époque par une association humanitaire et soutenue par un de ses membres, conformément à l’article 25 de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, avait entrepris d’agir en déposant une plainte pour sévices graves sur personnes sans domicile fixe, auprès du parquet du TGI de Draguignan.

A l’issue du procès, le TGI de Draguignan a prononcé des peines de 3 ans à 12 mois de prison avec sursis contre cinq des six accusés ; le sixième agent a été relaxé ; deux des victimes assistées par une avocate de la LDH ont obtenu 500 euros de dommages et intérêts et la ligue, l’euro symbolique. La responsabilité de la ville de Draguignan, même si les avocats de la défense l’ont de nombreuses fois mise en cause, n’a pas été retenue, car « si faute il y a eu, c’était une faute détachable du service. »

La LDH rappelle que la Cité est par excellence le lieu où doit fonctionner la démocratie, dans le respect des différences, sans racisme, ni exclusion.

Trois mendiants avaient été molestés par la police municipale

par G. D., Var Matin, vendredi 9 octobre 2009


Les faits avaient été dénoncés à l’époque par une bénévole de la Ligue des droits de l’Homme, scandalisée du sort réservé aux trois hommes, ramassés sans ménagement sur les trottoirs du centre-ville où ils faisaient la mendicité. Ils avaient été embarqués dans des voitures et conduits dans des bois en périphérie de la ville, où ils avaient subi des coups. Ils avaient également été menacés, au cas où ils reviendraient en ville.

L’information menée par un juge d’instruction avait conclu que les prévenus n’avaient pas agi sur ordre de leur hiérarchie ni de la municipalité, mais qu’ils avaient outrepassé la consigne qui leur avait été donnée d’inciter ces mendiants à s’éloigner du centre-ville.

Enlevés, frappés, gazé

Les trois SDF ont confirmé hier devant le tribunal ce qu’ils avaient subi.
« J’étais en train de lire un bouquin. Ils l’ont jeté par la fenêtre de la voiture et ils m’ont mis dans le coffre, a témoigné Maciej Rakiewicz, un Polonais. Ils m’ont séquestré, menacé de mort et battu deux fois. »

« Yes, correct », a renchéri le SDF britannique Roy Benting, emmené lui aussi à deux reprises dans des bois isolés de la commune, frappé et menacé. Il avait de plus été poussé au fond d’un ravin.

Quant à Philippe Montvoisin, le seul Français du groupe, il a été incapable de désigner ceux des policiers qui lui avaient fait du mal. Comment l’aurait-il pu ? Il avait reçu un jet de gaz lacrymogène dans la figure, alors qu’il était assis amorphe sur un trottoir du centre-ville.
« Je ne me rappelle plus, a-t-il répondu, prenant le tribunal à témoin. Vous imaginez, cinq ans après, avec tout ce que je bois ! »

Considérés comme des déchets

La plupart des faits avaient été reconnus par les policiers municipaux, qui niaient individuellement avoir exercé la moindre violence, se rejetant les uns les autres la responsabilité des coups.

Trois d’entre eux ont affirmé qu’ils avaient reçu des ordres de leur chef de service, qui relayait une consigne reçue par un adjoint au maire, lui-même pressé par les sollicitations de nombreux commerçants du centre-ville.

« Ils auraient dû être capables de dire qu’ils n’étaient pas là pour “nettoyer le centre-ville de ces déchets”, parce que les déchets en question sont des êtres humains  », a plaidé Me Florence Leroux aux intérêts des parties civiles. Elle a demandé 8 000 € d’indemnité pour le préjudice moral des " sans domicile fixe ".

« Ces trois hommes ne faisaient aucun tapage dans la rue, ils faisaient simplement tache sur le trottoir », a indiqué le procureur Philippe Guémas. Il s’est dit « indigné par cette atteinte à la dignité humaine et aux valeurs de la République », pour requérir contre les six policiers un an de prison avec sursis et cinq ans d’interdiction professionnelle.

Défense : la hiérarchie montrée du doigt

La plupart des avocats de la défense ont plaidé la relaxe, estimant que les prévenus n’étaient même pas des policiers municipaux à proprement parler, mais des " emploi-jeunes ", affectés à la police municipale comme simples agents de médiation. Des lampistes utilisés dans l’illégalité à des missions qui n’étaient pas de leur compétence, et qui n’avaient aucune formation juridique pour apprécier l’illégalité des ordres qu’ils avaient reçus.

Le bâtonnier Michel Izard a su mettre en relief l’innocence du policier qu’il défendait, mis en cause par quatre autres, qui voulaient se venger du rapport qu’il avait fait à sa hiérarchie sur leurs agissements.

Deux des victimes ont obtenu 500 € de dommages et intérêts, ainsi que l’euro symbolique pour la ligue des droits de l’Homme. La responsabilité civile de la ville de Draguignan n’a pas été retenue, Me Laurent Garcia ayant relevé que « si faute il y a eu, c’était une faute détachable du service ».

G. D.



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