la cnds a été virée ... restent les bavures


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : mercredi 4 mai 2011
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La Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) a cessé d’exister le 1er mai 2011. Autorité administrative indépendante créée en 2000, elle a été absorbée par le Défenseur des droits, auquel ses attributions ont été transférées. La nouvelle entité regroupe également le Médiateur de la République, le Défenseur des enfants et la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde).

Le rapport 2010 de la CNDS, rendu public le 26 avril 2011, est donc le dernier et il convient d’apporter la plus grande attention à ses recommandations. La commission revient notamment à plusieurs reprises sur la garde à vue, les conditions d’interpellation (elle fait état à ce propos de “violences illégitimes”) et elle met à nouveau en cause l’utilisation du flash-ball.

La commission déplore les difficultés à enquêter sur les bavures présumées des forces de sécurité et espère que le Défenseur des droits aura les moyens et la volonté de les surmonter. Son président, Roger Beauvois, a déclaré devant la presse que, depuis sa création, l’action de la commission avait “été retardée, voire entravée, par les réticences, voire les refus, de certaines autorités administratives ou judiciaires”. Quant aux policiers, des membres de la commission ont clairement fait le lien entre la disparition de la CNDS et les “pressions” exercées par “certains syndicats” auprès du ministère de l’Intérieur [1].

Coïncidence ? le lendemain de la publication de ce rapport de la CNDS, la cour d’appel de Paris prononçait un non-lieu en faveur des deux policiers poursuivis pour la mort accidentelle de deux adolescents à Clichy-sous-Bois. L’occasion de rappeler que la CNDS était intervenue dans cette affaire en émettant un avis très critique sur la façon dont la police avait interrogé le seul mineur survivant de ce drame et en concluant à « un manquement à la déontologie » – voir la revue de presse de l’époque.


Clichy-sous-Bois : une décision regrettable

[éditorial du Monde daté du 29 avril 2011]


La cour d’appel de Paris vient donc de refermer le dossier de Clichy-sous-Bois. Mercredi 27 avril, elle a prononcé un non-lieu en faveur des deux policiers poursuivis pour la mort accidentelle de deux adolescents dans cette ville de la région parisienne. A l’automne 2005, ce drame avait déclenché trois semaines de graves émeutes dans les banlieues françaises. Plus de 10 000 véhicules et des centaines de bâtiments avaient été incendiés.

Les faits sont établis. Le 27 octobre 2005, trois jeunes poursuivis par des policiers se réfugient dans un transformateur EDF à Clichy-sous-Bois. Deux d’entre eux, Zyed Benna (17 ans) et Bouna Traoré (15 ans), y meurent, électrocutés ; le troisième, Muhittin Altun, est gravement blessé.

Contrairement à la version initiale des faits fournie par les policiers et entérinée publiquement par le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicolas Sarkozy, les trois jeunes n’avaient commis aucune infraction et avaient néanmoins été poursuivis par quatorze fonctionnaires de police, avant de se réfugier dans le transformateur mortel.

C’est sur la base de ces faits et au terme d’une longue enquête que deux policiers, finalement mis en examen dans cette affaire, ont été renvoyés par deux juges d’instruction devant le tribunal correctionnel pour non-assistance à personne en danger, le 22 octobre 2010. Le parquet a fait appel de cette décision, estimant les charges insuffisantes. La cour d’appel de Paris vient de lui donner raison.

A moins d’un ultime recours et d’une décision de la Cour de cassation, il n’y aura donc pas de procès public pour établir les responsabilités éventuelles des policiers dans ce drame. L’autorité de la chose jugée devrait nous inviter au silence. Il nous paraît légitime de ne pas nous y tenir, tant cette décision de justice est regrettable.

Un procès public et contradictoire ne signifie en rien, par définition, condamnation préalable des prévenus. Il est la procédure formelle et solennelle qui permet d’établir, aux yeux de tous, responsabilités et culpabilités ou, au contraire, absence de responsabilité et de culpabilité. Faute d’un tel débat, le doute reste présent, inévitablement. Surtout dans une affaire aussi symbolique que celle-ci, tant elle témoigne de la méfiance et de la tension qui prévalent, au quotidien, entre jeunes, police et justice dans les quartiers les plus difficiles.

Un procès public aurait également eu le mérite de lever un double soupçon. D’un côté – celui des défenseurs des policiers mis en cause –, le soupçon de médiatisation abusive de cette affaire. De l’autre côté – celui des défenseurs des familles des victimes –, le soupçon de politisation excessive du dossier. A l’époque, en effet, le pouvoir politique avait ostensiblement couvert la version initiale – et fausse – des policiers. En outre, le parquet, toujours aux ordres de la chancellerie en dépit des condamnations multiples de cette sujétion, a tout fait pour que la justice referme ce dossier. Avec succès.

Ce n’est pas un gage de justice sereine. Ni d’apaisement dans les banlieues.

Notes

[1« La CNDS déplore des entraves aux enquêtes sur les bavures » – AFP, le 26/04/2011 à 15:00


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