trois policiers renvoyés en correctionnelle pour un tir de flash-ball


article de la rubrique justice - police > violences policières
date de publication : mercredi 16 juillet 2014
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Trois policiers ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir grièvement blessé un homme d’un tir de flash-ball, en 2009, lors d’une manifestation à Montreuil. Joachim Gatti, âgé à l’époque de 34 ans, avait perdu un oeil le 8 juillet 2009 dans des heurts avec des policiers, alors qu’il participait à une manifestation de soutien aux occupants d’une clinique désaffectée expulsés par les forces de l’ordre.


Trois policiers renvoyés en correctionnelle pour un tir de Flash-Ball

Le Monde.fr avec AFP, le 15 juillet 2014


Trois policiers ont été renvoyés devant le tribunal correctionnel de Bobigny pour avoir grièvement blessé un homme d’un tir de Flash-Ball, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis en 2009.

Les trois fonctionnaires ont été renvoyés pour « violences volontaires ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente », selon une source judiciaire. Ils encourent une peine de dix ans de prison et 150 000 d’amende.

La victime, Joachim Gatti, âgée à l’époque de 34 ans, avait perdu un œil le 8 juillet 2009 dans des heurts avec des policiers alors qu’il participait à une manifestation de soutien aux occupants d’une clinique désaffectée expulsés par les forces de l’ordre.

La préfecture de Seine-Saint-Denis avait indiqué à l’époque que les policiers avaient riposté aux projectiles des manifestants en utilisant ce pistolet à balles en caoutchouc non perforantes. Plusieurs autres personnes avaient été blessées lors de l’opération de police.

Le parquet de Bobigny avait requis au début d’avril le renvoi d’un seul des trois policiers devant la cour d’assises, chargée de juger les affaires criminelles. La juge d’instruction chargé du dossier a finalement décidé de renvoyer les trois fonctionnaires, mais devant un tribunal correctionnel, ayant estimé que les faits constituaient un simple délit.

« FAIT RARISSIME »

« Le renvoi de trois policiers devant les tribunaux et la mise en cause de leur hiérarchie est un fait rarissime », a réagi le Collectif du 8 juillet, créé après ces événements par les victimes et par leurs proches. Par cette décision de renvoi, la juge d’instruction « adme[t] qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé, ni d’une bavure, mais d’un cas avéré de violence en réunion », insiste le collectif.

L’Inspection générale des services (la police des polices) ainsi que la commission nationale de déontologie et de la sécurité avaient jugé inapproprié l’usage du Flash-Ball par les policiers dans cette affaire. Dans un rapport datant de mai 2013, le défenseur des droits dénonçait également les « recours irréguliers ou disproportionnés ».
 [1]

Communiqué du Collectif Huit juillet suite à l’ordonnance de renvoi de la juge d’instruction [2]

Bref rappel des faits : Le soir du 8 juillet 2009 à Montreuil, nous sommes l’objet d’une opération punitive. Nous organisons un repas dans la rue pour protester contre l’expulsion, le matin même, d’une ancienne clinique occupée et transformée en un lieu aux multiples activités sociales et politiques. Alors que nous marchons jusqu’au lieu expulsé, les policiers viennent sans sirène ni gyrophare, se garer près de la clinique. Ils sortent de leurs voitures et s’équipent de leurs flashballs. Alors que nous partons, ils nous tirent dessus, sans sommation et à hauteur de visage. Au total, ils touchent six personnes dont cinq au dessus de l’épaule (front, nuque, œil, clavicule, épaule). Joachim, touché à l’œil, s’effondre devant eux. Ils ne lui portent pas secours et préfèrent nous poursuivre et continuer à tirer.

Cinq ans plus tard, le 4 avril 2014, la procureure avait pointé la gravité des faits en demandant le renvoi du policier qui a tiré sur Joachim devant la cour d’Assises. En revanche, elle avait requis un non-lieu pour les deux autres policiers tireurs initialement mis en examen.

Le 10 juillet, la juge d’instruction a rendu sa décision : elle renvoie devant le tribunal correctionnel les trois policiers mis en examen pour violences volontaires par personne dépositaire de l’autorité publique et insiste sur la responsabilité de la hiérarchie.

D’une part, elle admet qu’il ne s’agit pas d’un acte isolé, ni d’une bavure, mais d’un cas avéré de violence en réunion par des policiers armés de flashball. Rappelons-le encore une fois : ce soir-là, six personnes ont été touchées par des tirs de flashball dont cinq au dessus de l’épaule. Si seul Joachim a perdu un oeil, tous les tires auraient pu nous blesser grièvement. D’autre part, en signalant les nombreuses anomalies qui caractérisent cette opération de maintien de l’ordre, elle révèle que la hiérarchie policière est compromise dans les violences de ce soir-là.

Le renvoi de trois policiers devant les tribunaux et la mise en cause de leur hiérarchie est un fait rarissime. Combien de familles endeuillées, de personnes mutilées attendent indéfiniment que la justice reconnaisse le tort qui leur a été fait pour finalement se voir signifier un non-lieu ? Le dernier en date concerne Lamine Dieng, mort étouffé dans un camion de police. Le 25 mai dernier la juge prononçait un non-lieu après 7 ans d’instruction.

À Nantes, le 22 février 2014, lors de la manifestation contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, la police a éborgné trois personnes suite à des tirs de flashball et blessé des dizaines d’autres. Alors que les policiers responsables de ces mutilations n’ont toujours pas été identifiés, la justice prolonge et légitime la répression en multipliant les poursuites contre les manifestants, les condamnant à de lourdes peines pour des faits mineurs.

Alors que le gouvernement veut équiper toute la police de nouveaux modèles de flashball (le LBD “Lanceur de balles de défense” 40), le procès qui s’annonce est l’occasion de rappeler la fonction réelle des nouvelles armes de la police, qui repose sur la peur et la mutilation – en un mot la terreur. Et plus généralement de mettre en lumière les violences qu’exerce quotidiennement la police, et l’impunité quasi-systématique qui les accompagne.

Le renvoi de plusieurs policiers devant les Tribunaux est trop rare pour que la partie civile ne s’élargisse, au moins symboliquement, aux autres victimes de la police et laissés pour compte de la justice. Trouvons la force de nous défendre collectivement à l’intérieur comme à l’extérieur des tribunaux.

Le 15 juillet 2014

Les moyens de force intermédiaire : le Défenseur intervient pour prévenir d’éventuelles utilisations abusives

Communiqué du Défenseur des droits, du 11 juin 2014


Alerté des conséquences sur la santé et l’intégrité des personnes ayant fait l’objet d’un tir d’armes dites de « force intermédiaire » tels que le Flash-ball® ou le Taser®, le Défenseur des droits émet des recommandations et appelle à une plus grande précaution dans l’usage de ces armes.

En 2013, le Défenseur des droits a publié un rapport sur trois moyens de force intermédiaire utilisés par les forces de sécurité : le pistolet à impulsions électriques Taser X26®, le Flash-Ball Super Pro® et le lanceur de balles de défense 40 x 46, également appelé Grenad-Launcher 06 ou GL-06®. Dans ce rapport, le Défenseur des droits précise le cadre d’emploi de ces trois armes et formule un certain nombre de recommandations pour prévenir d’éventuelles utilisations abusives et garantir le respect des droits et des libertés individuels.

Tout d’abord, pour utiliser ces armes, les agents de sécurité doivent être titulaires d’une habilitation valide, qui s’obtient après une formation initiale et dont la validité est conditionnée au suivi d’une formation continue. Ces formations ont pour objectif de favoriser une meilleure compréhension des risques engagés par l’utilisation des armes. Ensuite, l’utilisation de ces armes est assimilée à l’usage de la force et doit être strictement nécessaire et proportionnelle aux circonstances afin de préserver l’intégrité physique et psychique des citoyens. Ainsi, chaque usage du Taser® et des balles de défense doit être justifiable et justifié auprès des autorités hiérarchiques.

Le pistolet à impulsions électriques TASER X26®

Aujourd’hui, plus de 3 000 pistolets Taser® sont utilisés dans la gendarmerie et plus de 1 500 dans la police. Considérée comme peu onéreuse (1 500 €/pièce), cette arme à « létalité réduite » est inscrite sur la liste européenne des matériels qui, en cas de mauvais usage ou d’abus, peuvent relever des cas de traitements cruels, inhumains ou dégradants [3]. Fonctionnant par cycles d’une durée de cinq secondes que l’utilisateur peut interrompre, elle produit une décharge électrique de 50 000 volts et 2,1 milliampères. Son port peut n’être que dissuasif, toutefois, selon le cas, elle peut également s’utiliser en mode « tir », ce qui entraine généralement la chute, ou en mode « contact » ou « choqueur », par une application de l’arme sur le membre à paralyser. Elle entraîne alors une neutralisation par sensation de douleur.

Le cadre d’emploi du Taser X26® est posé, pour la police, par une instruction du 12 avril 2012, et pour la gendarmerie, par une circulaire de janvier 2006, dont la dernière modification remonte à 2010. Son usage doit « être strictement nécessaire et proportionné » aux circonstances, l’arme devant être utilisée avec « discernement ». Son intervention est donc justifiée seulement en cas de légitime défense, de flagrant délit ou, concernant la gendarmerie, pour réduire une résistance manifeste.

Deux lanceurs de balles de défense

Conçu pour des interventions à courte distance, le Flash-Ball Super Pro® envoie une balle en caoutchouc souple, développée pour se déformer à l’impact et limiter le risque de pénétration. Toutefois, le rapport du Défenseur des droits relève que l’imprécision de cette arme entraîne une augmentation du risque de dommages collatéraux lorsqu’elle est utilisée.

Arme individuelle d’épaule, le LBD 40 x 46, également dénommé GL-06® (« grenad launcher »), peut être utilisée entre dix et cinquante mètres, même si la distance optimale est de trente mètres. Ses cartouches possèdent également une capacité de déformation à l’impact qui limite, comme le Flash-Ball Super Pro®, le risque de pénétration. Sa grande précision et sa distance optimale de tir, supposent un tir plus réfléchi que pour le Flash-Ball®, précédé d’un temps d’observation et d’ajustement dans le viseur.

Recommandations du Défenseur des droits

Afin d’éviter toute utilisation excessive de ces armes, le Défenseur des droits a émis de nouvelles recommandations.

Tout d’abord, concernant le Taser®, il convient d’éviter son utilisation en mode contact autant que possible et d’encadrer très strictement son usage lors du menottage. Le Défenseur des droits incite par ailleurs à encadrer très strictement le recours au Flash-Ball® lors des contrôles routiers et d’identité, et lors des manifestations, notamment pour éviter les dommages collatéraux qui sont manifestement fréquents.

Le rapport rappelle également la nécessité de respecter les distances d’utilisation et le rôle d’abord dissuasif du Flash-Ball®, dont le port ne doit pas inciter à une utilisation systématique, compte tenu de l’existence d’un risque certain et imprévisible de troubles cardiaques sur certaines personnes porteuses d’un pacemaker ou présentant des troubles cardiaques préalables à l’intervention des forces de l’ordre. Par ailleurs, l’utilisation des trois armes en mode tir peut entraîner des risques de blessures en cas de chute de la personne, ou en cas d’un tir dans la tête ou sur les vaisseaux du cou. C’est pourquoi le Défenseur des droits recommande de respecter, voire d’étendre les zones corporelles de tir interdites pour ne pas mettre en danger l’intégrité physique des citoyens, ainsi que de renforcer la prise en charge médicale de toute personne atteinte par un tir de lanceur de balle de défense ou par un Taser®.

Afin d’envisager un meilleur encadrement des moyens de force intermédiaire, le Défenseur des droits préconise au ministre de l’Intérieur de reconsidérer et préciser les situations exceptionnelles permettant leur utilisation. Cette mesure serait la garantie d’une harmonisation des conditions d’utilisation, et à terme, cela soutiendrait un respect des droits et des libertés individuels généralisé.

À ce jour le Défenseur des droits est encore en attente des suites qui seront données à ses recommandations au ministère de l’Intérieur.

Notes

[2Source : http://collectif8juillet.wordpress.com
Contact presse : huitjuillet@riseup.net

Voir également le site Face aux armes de la police.

[3Règlement CE no 1236/2005 du Conseil du 27 juin 2005 concernant le commerce de certains biens susceptibles d’être utilisés en vue d’infliger la peine capitale, la torture ou d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, annexe III.


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