les travailleurs sociaux « ne doivent pas devenir des auxiliaires de police »


article de la rubrique démocratie > coups de gueule
date de publication : jeudi 25 mai 2017
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La critique émise par la CNCDH (Commission nationale consultative des droits de l’homme) contre les politiques de prévention de la radicalisation est virulente. Dans son avis du 18 mai, elle dénonce notamment la conception de la radicalisation « contestée et contestable » du Secrétariat général du comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.


Selon la CNCDH, le présupposé du Secrétariat général du comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (présupposé selon lequel «  il existe un continuum nécessaire entre l’adhésion à une idéologie et une action violente  »), a conduit à l’élaboration de grilles de détection des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation.

Pour la CNCDH, la mise en place de ces grilles s’accompagne d’un « débordement des services de renseignement dans le domaine de l’action sociale, qui risque d’être contre-productif pour la prévention de la radicalisation ».

Elle dénonce ainsi le fait que des éducateurs spécialisés soient amenés à assurer, pour le compte de la cellule de suivi préfectorale, une mission de surveillance et de remontée d’informations, contrairement aux règles de respect de la confidentialité. Elle rappelle que les travailleurs sociaux « ne doivent pas devenir des auxiliaires de police ou des services de renseignement »

Parmi ses 17 préconisations, la Commission demande donc que ce processus de signalement se fasse « a minima dans le strict cadre déontologique de droit commun ». Le travailleur social doit ainsi pouvoir « apprécier le risque de basculement dans la délinquance et la stricte proportionnalité des transmissions d’information par rapport aux finalités de l’action éducative ». Sa hiérarchie doit être associée à la décision de signalement qui doit, « si possible, être collégiale ».

Le travailleur social doit, enfin, être informé des suites données à son signalement, notamment en matière de suivi social. Pour la CNCDH, ces recommandations doivent permettre aux pouvoirs publics de cesser de « porter atteinte au cœur de métier des travailleurs sociaux ».

Confusion entre renseignement et protection de l’enfance :

La CNCDH dénonce par ailleurs un autre « mélange des genres » avec le numéro vert « Stop Djihadisme  » mis en place par le gouvernement en 2014 pour les personnes confrontées à la radicalisation d’un proche. Ce numéro a vocation à orienter les familles « en cas de question ou de doute face à un changement d’attitude ». Le caractère « extrêmement vague » de cet intitulé peut favoriser « un climat de suspicion dans les familles, tant à l’égard des enfants que des pouvoirs publics » et même accentuer des « comportements de repli susceptibles d’accélérer un processus d’endoctrinement ».

La Commission s’inquiète donc d’une « dérive sécuritaire des pouvoirs publics qui engendre une confusion entre le renseignement et la protection de l’enfance ». Elle recommande de transférer ce numéro vert au SNATED (Service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger), qui gère déjà le numéro 119 pour l’enfance en danger.

L’objectif est de déconnecter cette plateforme téléphonique des services de police et de renseignement. La CNCDH rappelle ainsi que la question de la radicalisation « appelle une approche plus globale, attentive au maintien du lien social, dans le respect des droits et des convictions de chacun ».

Opposition à la transmission d’informations aux maires :

La CNCDH se montre défavorable à la proposition de créer un nouveau fichier spécialisé permettant « le criblage des profils au profit des collectivités territoriales » faite par les sénateurs Jean-Marie-Bockel (UDI) et Luc Carvounas (PS) dans leur rapport présenté en avril dernier. Ce fichier spécifique regrouperait des informations des fichiers existants (FIJAIT, FPR, FSPRT) qui seraient portées à la connaissance des élus locaux dans l’exercice de leurs fonctions, notamment d’employeurs. Un maire souhaitant procéder à un recrutement pourrait ainsi y accéder et disposer de toutes les informations nécessaires.

La Commission s’inquiète de l’utilisation qui pourrait être faite de ce fichier et pointe « le danger » qu’il pourrait représenter pour les libertés. Elle estime que cette proposition « ferait peser sur le respect de la vie privée une atteinte manifestement disproportionnée par rapport à l’objectif de sécurité ».

Lire :
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