de la pertinence des çondages


article de la rubrique démocratie
date de publication : mercredi 27 septembre 2006
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D’après un sondage POFI pour La Gazette, publié le même jour, ••% des Français pensent que la justice n’est pas assez sévère avec les jeunes délinquants ; ••% des Français font plus confiance à Nicolas Sarkozy qu’à l’Abbé Pierre pour lutter contre la délinquance ; pour ••% des Français, le ministre de l’Extérieur a eu tort d’affirmer que ...

Une invite à la réflexion pour résister à l’intoxication.


Sondage n’est pas adage, par Pierre Weill [1]

Justice, immigration... Certains sujets ne peuvent être traités en fonction de l’opinion

Libération, le 27 septembre 2006

Deux sondages publiés samedi et largement commentés dans les médias nous ont été présentés comme la preuve que l’opinion plébiscite les déclarations de Nicolas Sarkozy contre le « laxisme » des tribunaux et la « démission » de certains juges. Qui pourrait en douter, dira-t-on, à voir l’immense majorité des sondés se prononcer en faveur d’un durcissement des peines contre les délinquants mineurs ou réclamer davantage de pouvoirs pour la police ? D’ailleurs, c’est au ministre de l’Intérieur que plus de la moitié des personnes interrogées font le plus confiance pour lutter contre l’insécurité, loin devant tous les autres leaders politiques, à quelque bord qu’ils appartiennent.
Ne faut-il pas, dans ces conditions, se rendre à l’évidence ? Eh bien, pour ma part, je refuse de me rendre et j’espère que je ne serai pas le seul ! Une évidence peut en cacher une autre, sous des apparences trompeuses, voire dangereuses.

En premier lieu, on est stupéfait, à la lecture des deux enquêtes, de voir à quel point « les réponses sont dans les questions » : au point qu’il est légitime de se demander si les résultats reflètent l’avis des sondés ou le pressentiment des sondeurs !

L’Ifop, par exemple, introduit ainsi le questionnaire de l’étude qu’il a réalisée pour le Figaro et LCI : « A propos de la récente agression de deux CRS à Corbeil-Essonnes et plus généralement au sujet de la délinquance, êtes-vous tout à fait d’accord, plutôt d’accord, plutôt pas d’accord ou pas d’accord du tout avec les affirmations suivantes ? » Difficile, lorsqu’on vous apostrophe ainsi, de ne pas donner dans la surenchère répressive, sauf à se sentir d’une lâcheté coupable envers les deux CRS victimes d’agresseurs ignobles. De même, quand on vous demande soudain, au téléphone, si « les délinquants multirécidivistes devraient se voir infliger à chaque nouvelle infraction une peine plancher automatique », vous pensez d’abord à empêcher les récidives, donc à approuver la proposition, avant de vous demander si l’automaticité des peines ne contredit pas le principe de l’individualisation des sanctions, seule garantie d’une justice équitable.

Il serait absurde de soupçonner les instituts de sondages de manipuler les enquêtes : non seulement parce qu’ils sont moralement attachés aux principes déontologiques que nous partageons tous, mais encore parce qu’ils ruineraient leur crédit à les enfreindre. Certes, nul n’est à l’abri de quelques maladresses : on n’en est pas moins étonné de voir de grands professionnels les laisser passer comme si elles ne fragilisaient en rien leurs analyses. N’est-ce pas risquer à l’excès de confondre les études d’opinion avec une simple reprise en écho des gros titres de la presse quotidienne ?

Voilà qui nous conduit à une deuxième série d’objections, moins techniques. Les sondages n’ont pas le même sens selon le thème sur lequel ils portent. Autant ils transcrivent assez directement les attentes politiques des citoyens touchant leurs préoccupations quotidiennes (services de proximité, famille, santé), autant ils n’expriment qu’un ensemble de réactions passionnelles, utiles à connaître mais insuffisantes pour fixer un cap, quand on aborde des sujets tels que la justice, les relations internationales ou l’immigration : car en ces domaines il y a presque toujours contradiction entre les passions à court terme et les solutions concertées propres à entraîner des changements durables.

Si l’on interroge les Français sur notre justice dans la foulée de l’émotion suscitée par le désastre judiciaire de l’affaire d’Outreau, ils réclameront que l’on renforce résolument les droits de la défense. Si l’on pose les mêmes questions au lendemain d’un crime atroce contre des enfants ou après un attentat terroriste, ils voudront qu’on rétablisse la peine de mort. Faudra-t-il dire, dans la seconde hypothèse, que le bien-fondé de la politique défendue par Jean-Marie Le Pen est ainsi démontré ?

Chacun voit à quelle absurdité une telle attitude conduirait, ou plutôt conduit, si l’on en croit le choeur de louanges admiratives que valent aujourd’hui à Nicolas Sarkozy les sondages dont nous parlons.
Gouverner « à chaud » en matière de justice ne peut conduire qu’au pire. Mais, au bout du compte, l’opinion sait gré aux responsables politiques d’être plus sages qu’elle sur de tels enjeux. On l’a bien vu lorsque François Mitterrand a aboli la peine de mort contre l’avis alors majoritaire : il a été élu malgré ce projet et il est sorti grandi dans la mémoire collective pour l’avoir réalisé.

C’est une leçon pour nous tous, citoyens, responsables, journalistes, hommes politiques : les sondages, s’ils savent se protéger des préjugés de l’actualité immédiate, donnent des indications précieuses sur l’état de l’opinion ; mais ils ne sauraient, à eux seuls, justifier une politique, moins encore la dicter. Rien n’est plus dangereux pour un leader que de surfer en permanence sur les passions collectives, par définition impossibles à contenir.

Puisque aujourd’hui encore les uns et les autres ne cessent de rivaliser pour se placer sous l’ombre tutélaire du général de Gaulle, il ne serait pas mauvais de se souvenir de ce qu’il écrivait dans ses Mémoires d’espoir : « Ce qui est salutaire à la nation ne va pas sans blâmes dans l’opinion, ni sans pertes dans l’élection. »

Une question qui plaçait Ségolène Royal en tête des candidats à la présidentielle pour les questions économiques et sociales a été "censurée" lundi 4 septembre dans La Tribune, selon le syndicat SNJ et la Société des journalistes.

Ce sondage CSA sur les Français et la rentrée économique, comprenait une question sur la confiance accordée aux candidats à la présidentielle en matière économique et sociale. Ségolène Royal arrivait en tête avec 54 %, devant Nicolas Sarkozy (49%) et Lionel Jospin (33%). Cette question n’a pas été publiée lundi, ce que le SNJ et la SDJ qualifient de "censure".

La Une titrait "Royale en tête sur l’économique et le sociale" et l’article soulignait la faible popularité de Nicolas Sarkozy chez les jeunes, un résultat qualifié par l’auteur de "constat cruel".
Selon le SNJ et la SDJ, le directeur de la rédaction, François-Xavier Pietri, a fait irruption à la rédaction en fin de journée, dimanche 3 septembre, et ordonné "d’enlever toutes les informations concernant cette question".

Or La Tribune appartient à Bernard Arnault, tout puissant président du groupe de luxe LVMH, et, comme le rappelait Le Canard enchaîné du 6 septembre, « le groupe LVMH est au mieux avec le ministre de l’intérieur. Le pédégé Bernard Arnault compte parmi les intimes de Sarko : il a même été témoin à son mariage avec Cécilia en 1996. »

Bayrou en tête des çondages !

Vous pourrez le constater vous-même : sur 3857 suffrages exprimés (le 27 septembre à 22h51) François Bayrou se classe premier avec 28% des intentions de vote !

Source : Agoravox, le "premier média citoyen".

P.-S.

Ne pourrait-on envisager des sondages portant sur des sujets plus pertinents ?

  • seriez-vous disposé(e) à communiquer des informations personnelles vous concernant en vue de la constitution d’un fichier national des personnes résidant en France ?

etc...

  • Seriez-vous favorable à une limitation du cumul des mandats électifs ?

Notes

[1Pierre Weill est ancien président du groupe SOFRES.


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