nouvelles menaces sur les autorités indépendantes


article communiqué de la LDH  de la rubrique démocratie
date de publication : samedi 14 novembre 2009
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En septembre dernier, le gouvernement a annoncé son intention de supprimer l’institution du Défenseur des enfants ainsi que la Commission nationale de déontologie de la sécurité [1] en les regroupant
sous l’égide d’un Défenseur des droits. Des associations, dont la LDH, la Cimade et le Gisti, avaient alors lancé un appel commun pour défendre l’existence de ces autorités indépendantes et demander que leurs pouvoirs soient renforcés.

Aujourd’hui, une nouvelle menace se dessine : le CSA, la Halde, la Cnil... “contre-pouvoirs” dont le rôle est fondamental pour la préservation des droits et libertés se verraient imposer des diminutions importantes de leurs budgets : 650 000 euros en moins pour la Halde, 1,4 millions d’euros pour le CSA, et 300 000 euros pour la Cnil.

A rapprocher des 185 millions d’euros votés par l’Assemblée nationale, dans la nuit du jeudi 5 au vendredi 6 novembre, pour l’achat et l’aménagement d’un Airbus A330 réservé aux voyages présidentiels [2].


Communiqué de la LDH

Démocratie asphyxiée, autorités indépendantes asphyxiées ?

La majorité parlementaire, à l’occasion du débat budgétaire, s’apprête à réduire massivement les moyens d’autorités indépendantes en charge de la protection des droits et libertés.

Après avoir programmé la suppression de la CNDS et de la Défenseure des enfants, « coupables » de prendre au sérieux la défense des droits contre l’arbitraire dans leurs domaines de compétences, le pouvoir actuel cherche à présent à porter un coup décisif à la plupart de ces contre-pouvoirs indépendants.

Ainsi, alors que des dizaines de fichiers de police ont été créés dans les dernières années, la Cnil, dont les moyens sont déjà très inférieurs à ceux de ses homologues allemandes ou britanniques, verrait ses crédits réduits de 15 %.

La LDH, sans partager nécessairement toutes les positions prises par ces autorités indépendantes, considère leur existence et leur développement comme essentiels à la préservation des droits et libertés.

Elle appelle la représentation nationale à ne pas sacrifier la séparation des pouvoirs et la garantie des droits à des règlements de compte partisans à courte vue.

Paris, le 9 novembre 2009

Les députés veulent amputer les crédits des autorités indépendantes

par Franck Johannès, Le Monde daté du 10 novembre 2009


Les députés se préparent à rogner le budget de fonctionnement des autorités administratives indépendantes de 2,5 millions d’euros en 2010. L’initiative provoque des grincements chez ces institutions chargées de la protection des droits et des libertés, pour qui ces économies hypothèquent leurs missions. Jean-Luc Warsmann, le président UMP de la commission des lois à l’Assemblée, a déposé une série d’amendements qui devraient être examinés à partir de jeudi 12 novembre dans le cadre du projet de loi de finances.

Deux députés UMP ont déjà prévu de réduire de 20 % (1 million d’euros) le budget de fonctionnement de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) en dénonçant son "train de vie". "Il s’agit d’appeler à la modestie ces autorités administratives au moment où notre pays traverse de réelles difficultés, explique M. Warsmann. La progression des dépenses de fonctionnement ne doit pas dépasser 1 %, le taux de l’inflation, ou 9 % lorsqu’elles ont de nouvelles missions."

Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) est le plus durement touché : le gouvernement lui avait accordé une hausse de 18,1 %, M. Warsmann entend la limiter à 9 % : le CSA perd ainsi 141 4107 euros. "C’est catastrophique, indique le Conseil. Sans ces crédits, il n’y aura simplement pas d’extension de la TNT à l’outre-mer comme nous l’a ordonné le gouvernement."

Vient ensuite la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui comptait sur une progression de 15,6 % et qui perd 307 843 euros. Son budget de fonctionnement s’élève à 6 millions d’euros, dont la moitié est consacrée au loyer, le reste aux contrôles des entreprises et des collectivités. "Nous faisions 300 contrôles par an jusqu’en 2001, explique Yann Padova, le secrétaire général de la CNIL, nous en avons fait 3 000 l’an dernier. Depuis que la loi de 2004 nous a confié de nouvelles missions, le droit d’accès des particuliers aux fichiers de police a augmenté de 300 %, les délibérations de la commission de 864 %, les contrôles de 1 500 %. C’est la demande qui explose, pas les frais."

“On est déjà très serré”

L’Assemblée nationale entend économiser 270 384 autres euros sur trois plus petites autorités, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA), le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) et la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH).

"Nous avons déjà perdu 25 % du budget de fonctionnement l’an dernier, se désole Anne Josso, secrétaire générale adjointe de la CADA. On fonctionne déjà avec rien."

Enfin, 11 607 euros vont être prélevés sur les budgets de la Commission nationale de contrôle des interceptions de sécurité (CNCIS), qui contrôle les écoutes administratives, la Commission consultative du secret de la défense nationale et la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), chargée de surveiller les abus policiers.

"On était déjà très serré, constate Roger Beauvois, le président de la CNDS, notre budget total est très faible, l’instruction des affaires risque d’être retardée." L’amendement ne laisse guère d’illusions à la CNDS, qui doit être dissoute dans le futur Défenseur des droits.

Indépendance

[Editorial du Monde daté du 10 novembre 2009]


Comme cela est régulièrement le cas, la discussion au Parlement sur le projet de budget 2010 est l’occasion pour les députés et les sénateurs de remettre en question les crédits alloués aux autorités administratives indépendantes que sont notamment le Médiateur de la République, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA)...

Que ces autorités, financées par l’Etat, doivent être rigoureusement gérées et leurs dépenses soigneusement contrôlées, cela ne fait aucun doute. Et qu’on ausculte leur budget, en ces temps de nécessaires économies, pourquoi pas ?

Mais on ne peut s’empêcher d’éprouver un malaise face au débat parlementaire actuel, tant il apparaît évident que certains cherchent moins à économiser les deniers publics qu’à restreindre l’activité de ces autorités. Il y avait eu en septembre l’intervention du président de la République critiquant l’attribution prochaine d’une quatrième licence à l’opérateur téléphonique Free, un dossier qui relève exclusivement de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep). Plus grave, il y a ce projet de loi adopté en conseil des ministres en septembre visant à faire disparaître le Défenseur des enfants en regroupant cette autorité avec la commission chargée de contrôler les policiers et les gendarmes ! On sait que Nicolas Sarkozy est très réservé face à ces instances qui, à ses yeux, prennent des décisions qui relèvent du pouvoir exécutif. La façon dont il a empiété sur le pouvoir du CSA en nommant lui-même le président de France Télévisions est emblématique.

Le Conseil constitutionnel non plus ne voit pas toujours d’un bon oeil ces autorités indépendantes. Pourtant, créées, rappelons-le, par le pouvoir politique, elles existent parce qu’à un moment donné le gouvernement et le Parlement ont décidé que, dans certains domaines, mieux valait s’en remettre à des corps indépendants et compétents plutôt qu’au pouvoir politique. Toutes les démocraties occidentales connaissent cette évolution.

Que ces autorités ne soient pas à l’abri des critiques, c’est évident - le bilan des institutions chargées de réguler Wall Street le prouve -, mais le succès populaire d’instances comme la Halde, la CNIL ou le Médiateur de la République montrent qu’elles méritent au contraire d’être renforcées. Face à un hyperexécutif, elles sont plus utiles que jamais.

Notes

[2Cf le compte-rendu des débats à l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1...
Voir également « un palace flottant à 20.000 euros l’heure de vol ».


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