de la démocratie chez les Français


article de la rubrique démocratie
date de publication : dimanche 6 mai 2007
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par Michel Reydellet, maître de conférences à l’Université du Sud Toulon-Var.


Si j’avais à soutenir que la France qui éclaira le monde de ses lumières a aujourd’hui le meilleur des régimes politiques, voici ce que je dirais :

Le Parlement ayant eu trop d’importance sous les Républiques précédentes, il était normal d’en faire un théâtre d’ombres sans importance dès que l’on connaît la majorité, au soir des élections.

Si les autres peuples d’Europe ont fait de leur roi ou de son descendant un simple arbitre, il était logique que nous, qui avons guillotiné le nôtre, nous le rétablissions dans toute sa majesté, en l’élisant nous-mêmes périodiquement.

Là où d’autres en sont venus à des Cours constitutionnelles, des autorités indépendantes, des médiations, nous préférons le choix d’un homme, qui décide selon son bon vouloir et choisit en toute objectivité les meilleurs dans son clan, pour ne faire aucun ombrage à sa souveraine volonté.

Autrefois, les Athéniens renoncèrent aux tyrans et inventèrent la démocratie en donnant la parole à chaque citoyen et en tirant au sort les magistrats. Ces naïfs se méfiaient des hommes indispensables qu’ils pouvaient écarter par l’ostracisme.

Nous, Français, avons considérablement amélioré tout cela : le cumul des mandats permet aux meilleurs de s’imposer en étant présents à tous les niveaux et le renouvellement illimité des fonctions fait de nos hommes politiques de vrais professionnels. Nous préférons l’élection, mais pour autant nous ne laissons rien au hasard : nous choisissons nos députés dans le cadre de circonscriptions finement découpées par un orfèvre, Charles Pasqua, selon un recensement qui date aujourd’hui de 25 ans. C’est un hasard curieux qui fait qu’il y a sept ou huit fois plus d’électeurs dans une circonscription populaire que dans celle des beaux quartiers. Point n’est besoin de crier à la discrimination : l’égalité règne au pays de Rousseau.

Ainsi à l’élection présidentielle on vit d’obscurs manants battre la campagne pour obtenir de cinq cent notables l’autorisation de faire un petit tour dans les médias pendant que le ministre d’Etat volait vers les Antilles dans l’aéronef de la République en lisant les derniers rapports des renseignements généraux.

Les autres européens ont eu la naïveté de renoncer à leurs chambres aristocratiques, mais nous, qui sommes d’authentiques révolutionnaires, avons su garder et conforter un Sénat coopté dans la classe politique selon des règles si justes que jamais il ne connu l’alternance depuis plus d’un siècle. Il a su préserver notre régime de toute modernisation intempestive et faire obstacle aux gouvernements de gauche qui auraient pu menacer les intérêts acquis des individus et des groupes les mieux pourvus.

La liberté de la presse règne absolument au pays de Voltaire, chacun est libre d’écrire, sans excès, dans des journaux confidentiels, mais le candidat du pouvoir est au mieux avec l’empereur du béton et le prince de l’armement qui possèdent les principaux médias. Les uns tiennent leur fortune des commandes de l’Etat et mettent à la disposition du premier leurs journalistes fidèles.

Les partis, naguère alimentés par les fonds détournés, sont désormais financés en toute objectivité selon les résultats des précédentes élections ce qui permet d’éviter d’en créer de nouveaux et d’en conserver certains, vestiges des temps anciens. Les impôts alimentent ainsi, dans l’intérêt général , le parti de l’ultra chasse, comme celui qui veut rejeter les migrateurs venus d’ailleurs.

Nos voisins ont mis en place des régions gérant les équipements et les politiques locales mais nous, nous avons su conserver la sagesse des siècles passés : en multipliant les échelons territoriaux et les sinécures on cumule bureaucratie et irresponsabilité, à la satisfaction générale.

S’il a fallu céder à la mode en inscrivant dans la Charte un principe de parité, cela n’affecte ni les chambres ni les exécutifs : dans un monde qui change si vite il faut méditer l’enseignement de St-Paul pour qui toute femme est par nature suspecte.
Enfin, au pays de Montesquieu, nous avons su mettre en place la dépendance des pouvoirs : au Parlement vassalisé fait écho une magistrature aux ordres dans les Parquets de façon que de vaines procédures de magistrats manquant de réserve ne viennent point troubler la quiétude du souverain.

On a parfaitement illustré la leçon du baron de la Brède : « la pente naturelle du pouvoir est d’aller vers le pouvoir absolu », c’est ainsi que nous tendons vers la perfection.

Michel REYDELLET
Maître de conférences à l’Université du Sud Toulon-Var

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