“le sarkozysme sans Sarkozy” de Serge Portelli


article de la rubrique démocratie
date de publication : dimanche 27 décembre 2009
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« Nicolas Sarkozy, en soi, est un phénomène passager. Il n’importe que par ses liens avec le système politique qu’il instaure. Il n’est que le représentant provisoire d’un régime qui se met peu à peu en place et dont l’analyse requiert une mise à distance suffisante de son premier héraut. Car le sarkozysme, hélas, dépasse l’homme qui l’anime aujourd’hui... » ainsi débute ce dernier livre de Serge Portelli, vice-président au Tribunal de Paris, président de la 12e Chambre correctionnelle.

Le sarkozysme sans Sarkozy [1] décrit la mise en place d’une société basée sur le rejet des libertés et le refus de toute complexité, qui s’illustre dans le parler vrai et simple revendiqué par l’exécutif comme dans la solutionnite aiguë dont l’Etat est atteint, de l’homme prévu à l’homme prévisible, du déterminisme génétique à la prédiction de la dangerosité, une société sans risque et par conséquent sans liberté.


Derrière le bling-bling, une plongée dans les soubassements idéologiques du sarkozysme

par Laurent Mouloud, L’Humanité, 9 novembre 2009


Que tous ceux qui attendent impatiemment d’en finir avec Nicolas Sarkozy prennent garde : le dernier livre de Serge Portelli ne leur fera pas forcément plaisir. Pourquoi ? Tout simplement parce que le vice-président du tribunal de Paris rappelle une évidence qui fait mal : la défaite électorale de l’actuel chef de l’État et de son barnum médiatique ne signera pas la fin du « sarkozysme » en tant que tel. Derrière le blingbling présidentiel grandit une idéologie binaire et dangereuse qui survivra au porteur de Rolex et à l’agitation caricaturale de l’hôte de l’Élysée. C’est dit : « La superficialité de la politique spectacle ne doit pas faire oublier la marche réelle du pouvoir et ses soubassements idéologiques. »

Laissant donc de côté les paillettes, le magistrat a décidé de réexplorer cette « pensée » sarkozyenne dont Nicolas S., simple animal politique, n’est finalement que le prête-nom et l’éphémère porte-parole. Avec une belle rigueur intellectuelle, l’auteur produit une analyse séduisante des discours, des réformes et de l’esprit de la présidence. Le sarkozysme ? Un ordre politique nouveau, voire une société nouvelle qui vénère « l’action », « l’immédiateté », et abhorre toute complexité, à commencer par celle de la pensée. « Le sarkozysme est une simplification du monde qui s’illustre dans le parler vrai et simple revendiqué par l’exécutif comme dans la solutionnite aiguë dont l’État est atteint. » À chaque problème, une solution ! Mais surtout pas d’explication…

Le sarkozysme, c’est aussi cette société où l’on nous vend une illusoire sécurité absolue, à grands coups de « tolérance zéro », de vidéosurveillance et de « mesure de la dangerosité », une société où les libertés publiques et l’humanité sont secondaires, où l’on méprise les faibles, les « assistés », où il faut « gagner plus ». « Le modèle, écrit Portelli, est celui de l’hommemarchandise : obéissant, il se lève tôt pour travailler plus, être encore plus performant, plus rentable. » Le sarkozysme, c’est évidemment l’omniprésence médiatique, les plans de communication qui endorment la vigilance du peuple et organisent le brouillage idéologique permanent. Nous en sommes là. « Dans cet État limite et autolimité, à la frontière instable de la démocratie, sans cesse tenté par l’excès et la transgression. » Sortir de ce sarkozysme est évidemment possible. Mais le chemin sera long, prévient Serge Portelli. Et commencera par « réapprendre à penser », à redécouvrir cette complexité de la nature humaine qui effraie tant les sarkozyens.

Sommaire

L’IDEOLOGIE

  • L’idéologie sarkozyste par défaut : l’idéologie, c’est l’autre
  • Le premier pilier : l’homme et son destin dans une société sans risque
  • Le deuxième pilier : le culte de la peur
  • Le troisième pilier : la réduction de la complexité

L’EMPRISE

  • les légitimations paradoxales
  • Les deux étages idéologiques
  • L’empire médiatique

L’ETAT-LIMITE

  • Le sarkozysme à la frontière de la démocratie
  • L’autoritarisme
  • Le panoptique sarkozyste : détections, surveillances et fichage
  • L’enfermement idéologique

Notes

[1Portelli Serge, Le sarkozysme sans Sarkozy, éd. Grasset, novembre 2009, 270 pages, 18 €.


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