l’original et sa copie


article communiqué de la LDH  de la rubrique extrême droite
date de publication : lundi 28 mars 2011
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Les résultats des élections cantonales de mars 2011 marquent l’échec d’une stratégie électorale bâtie sur la récupération électorale du lepénisme : suivant l’adage, les électeurs de droite ont préféré l’original à sa copie.


Communiqué LDH

Cantonales : dernier avertissement avant le séisme

Paris, le 28 mars 2011

Les élections cantonales des 20 et 27 mars 2011 n’ont hélas fait que confirmer le diagnostic que chacun pouvait porter depuis des mois sur l’état de la démocratie dans notre pays.

Le niveau d’abstention extrêmement élevé, qui ne s’explique pas seulement par l’absence de « couplage » avec un scrutin plus mobilisateur, la progression spectaculaire, d’un tour à l’autre, du vote pour le Front national, que le très faible nombre d’élus portant une étiquette explicite d’extrême droite ne saurait masquer, ne peuvent surprendre car ils confirment la dangereuse amplification d’une crise profonde de confiance dans le politique.

Les gouvernants actuels paient doublement le prix de cette régression démocratique, à la fois parce qu’être au pouvoir expose plus au rejet et parce que Nicolas Sarkozy, qui a construit sa carrière politique sur la récupération électorale du lepénisme, fait l’inévitable expérience de la réversibilité des vases communicants. Mais ce serait commettre une terrible erreur que de voir dans la majorité de 2007 la seule victime d’un désaveu massif.

Il suffit de comparer non les pourcentages mais les nombres de voix obtenus d’une élection à l’autre pour comprendre que gagner une élection ne se réduit pas à perdre un peu moins que ses adversaires. Au royaume des aveugles… Et que des dirigeants de l’opposition puissent expliquer, sans paraître mesurer la terrible part d’autocritique que comporte cette analyse, que ce qui fait monter le Front national est d’abord une demande exaspérée de justice sociale, montre assez ce que le succès des uns doit à la faible crédibilité des autres. On sait, depuis 2002, où mène la sous-estimation de ce danger. En revanche, contrairement aux apparences anesthésiques des sondages, nul ne peut savoir aujourd’hui avec certitude qui en sera la prochaine victime.

On ne sort d’une crise sociale et politique que soit par la solidarité et le recul des inégalités, soit par la chasse aux boucs émissaires. Deux alternatives à l’actuelle majorité peuvent incarner ce choix dans les mois qui viennent. Encore faut-il que la question centrale mise en débat soit non pas le choix d’un prétendant au trône mais le refus de la monarchie élective, non pas la concurrence des plans de carrière de quelques candidats mais le contenu des choix que devront faire 40 millions d’électeurs pour décider eux-mêmes de leur avenir.

Réhabiliter le politique est une urgence. Que chacun assume sans tarder ses responsabilités, à la mesure du décalage entre attentes et désabusement.

Les brèves de comptoir du ministre de l’Intérieur

Le 15 mars dernier, Claude Guéant déclare dans Le Monde : « [Les Français] veulent que la France reste la France. Ils veulent que leur mode de vie soit respecté, que la laïcité demeure à la base de notre pacte républicain. Ils veulent que l’intégration, pour les nouveaux venus, ou l’assimilation, pour les plus anciens, se fasse réellement, ils ne veulent pas de communautarisme. Les Français veulent que les nouveaux arrivés adoptent le mode de vie qui est le leur. » [1]

Une maladresse ? Pas du tout. Deux jours après, au micro d’Europe 1, il récidive : « Les Français, à force d’immigration incontrôlée, ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux. » [2]

Et le 21 mars dans l’émission le Talk sur le site lefigaro.fr, il se surpasse : « Heureusement, le président a pris la tête de la croisade pour mobiliser le Conseil de sécurité des Nations unies » [3]


Claude Guéant, tête de pont pour 2012

édito du Monde daté du 27 mars 2011


Si la campagne présidentielle de 2012 doit ressembler à celle des cantonales, c’est inquiétant. Elle risque, hélas, d’être son décalque, jouant sur les peurs et les fantasmes, le rejet de l’islam et l’obsession de l’insécurité. Cette thématique a un promoteur, le Front national, et un relais, Claude Guéant, le nouveau ministre de l’intérieur, le collaborateur le plus proche, jusque-là, du chef de l’Etat, Nicolas Sarkozy. C’est lui qui a donné le la durant cette campagne pour le renouvellement des conseils généraux, qui l’a façonnée, "instrumentalisée", au point d’éclipser les enjeux locaux du scrutin. Car il y en avait.

A peine installé Place Beauvau, il a multiplié les propos qui balisent le terrain où Nicolas Sarkozy attend ses adversaires. A en croire le ministre de l’intérieur, les Français "ont parfois le sentiment de ne plus être chez eux" à cause de l’"immigration incontrôlée". Il estime aussi que les "agents des services publics" ne devraient pas porter de "signes religieux", pas davantage que leurs "usagers". Bannis donc dans le métro, a-t-on cru comprendre, le crucifix autour du cou, le foulard islamique ou la kippa. Sur le même ton, le ministre de l’intérieur s’est félicité du rôle joué par Nicolas Sarkozy à la tête de la "croisade" anti-Kadhafi.

Il s’est ensuite partiellement rétracté, expliquant, lui-même ou ses proches, que ses propos avaient été mal interprétés, qu’il était partisan, bien entendu, de la liberté religieuse, qu’on lui faisait un "procès en sorcellerie", qu’il ne prônait pas une guerre de l’Occident contre l’Orient, qu’il ne se sentait "rien de commun" avec le Front national...

Au fond, peu importe. Ses propos confirment, c’est là l’essentiel, que Nicolas Sarkozy a choisi l’immigration comme ultima ratio électorale, tout autant que la délinquance et la criminalité. Il sait les socialistes divisés sur ces sujets, tiraillés entre leur surmoi laïque et leur générosité spontanée à l’égard des sans-papiers ; peinant à définir une doctrine pénale ni laxiste ni aveuglément répressive. Guérir plutôt que punir a longtemps été leur mot d’ordre.

Nicolas Sarkozy et Claude Guéant sont convaincus qu’ils doivent utiliser ces deux leviers s’ils veulent sauver leur camp en 2012. Ce faisant, ils étalent leur faiblesse au grand jour. Responsables depuis des années de la lutte contre l’insécurité et l’immigration illégale, ils sont mal placés pour dénoncer ses insuffisances.

La porosité des deux électorats de droite et d’extrême droite, qu’ont mise en relief les élections cantonales, est l’autre point faible de cette stratégie. Contrairement à ce qui se dit parfois, Nicolas Sarkozy n’est pas responsable du renouveau du Front national. Partout en Europe, le populisme marque des points. Mais ses choix ont pour effet de renforcer le parti de Marine Le Pen, de légitimer ses thèses.

En un mot, la partie engagée par Nicolas Sarkozy contre le FN est serrée, son pari risqué. Il joue sa victoire en 2012 à la roulette - cela lui ressemble -, avec Claude Guéant en tête de pont. C’est la leçon principale de ces cantonales, avant même les résultats définitifs de dimanche.


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