Jean-Claude Gaudin fait un “lapsus”


article de la rubrique extrême droite
date de publication : lundi 18 janvier 2010
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Eric Besson était à Marseille vendredi 15 janvier 2010 pour débattre de l’identité nationale. Les propos tenus par Jean-Claude Gaudin à cette occasion provoquent la polémique : d’après Rue89, le maire de Marseille, évoquant les débordements qui avaient suivi, à Marseille, la victoire de l’Algérie face à l’Egypte à l’occasion des éliminatoires de la Coupe du monde de foot en novembre dernier, aurait parlé de « 15 000 musulmans qui ont déferlé » dans le centre-ville de Marseille.

Éric Besson devait expliquer par la suite que Jean-Claude Gaudin avait commis « un lapsus. Au vu de son parcours et de son engagement, on ne peut avoir aucun doute » [1].

L’article suivant repris du site Mémorial98 permet de revoir un parcours sur lequel Eric Besson – un connaisseur en matière de morale politique – n’éprouve aucun doute.


Gaudin : l’impensé colonial


Le maire de Marseille a dénoncé les démonstrations de joie des supporters de l’équipe d’Algérie après sa victoire contre l’Egypte, mi-novembre dans des termes qui, tout à fait hors de propos, mettent en avant la question de l’Islam : « Nous nous réjouissons que les musulmans soient heureux du match, sauf que quand après ils déferlent à 15.000 ou à 20.000 sur la Canebière, il n’y a que le drapeau algérien et il n’y a pas le drapeau français, cela ne nous plaît pas ».

Quel rapport avec les « musulmans » ? Gaudin reprend en fait le vocabulaire qui avait cours au temps de la colonisation en Afrique du Nord et singulièrement en Algérie, alors qu’il occulte totalement le fait colonial. Ce nouveau dérapage verbal d’un dirigeant de la droite [2] est lié à un double contexte. D’une part il s’inscrit dans le « grandébat » sur l’Identité nationale, voulu par Sarkozy et Besson [3]. Au delà il renvoie à l’ambiguïté des dirigeants de la droite à l’égard du Front National, particulièrement dans les régions du Midi à forte implantation de pieds-noirs [4].

Dès 1986, JC. Gaudin, par ailleurs vice-président du Sénat et de l’UMP, a fait alliance avec le Front National afin d’être élu à la tête de la région PACA. Il a géré de concert la région avec le parti d’extrême-droite jusqu’en 1992, à coup de nominations et de désistements réciproques lors des échéances électorales.

Cette gestion commune a servi de laboratoire et de "modèle" à d’autres dirigeants régionaux de la droite qui ont finalisé leurs accords avec le FN lors des élections régionales d’avril 1998.

En 1998 d’ailleurs, le même Gaudin organisait la scission de l’UDF de l’époque car les instances de ce parti refusaient l’alliance avec le FN. Il créait le parti Démocratie Libérale en compagnie notamment de Madelin, Raffarin, Goasguen.

« s'il fait un pas vers nous, nous devons lui tendre la main »

Gaudin a ensuite récupéré de nombreux cadres et élus FN locaux de sa région, rebaptisés par lui « droite républicaine » sans qu’ils aient rien changé de leurs idées et de leurs pratiques.

Un des fleurons de ce recyclage est Daniel Simonpieri, maire de Marignane qu’il a conquis en 1995 sous la bannière FN, intégré à l’UMP par Gaudin en 2004, et dont il a imposé l’investiture au nom de l’UMP pour les municipales de 2008. Le député UMP de la circonscription, Eric Diard, a protesté et rappelé que Simonpieri avait inauguré dans sa ville une stèle en hommage aux généraux putschistes d’Algérie et aux membres de l’OAS [5].

Ses protestations n’ont pas pesé face au choix de Gaudin qui préside aussi la commission nationale d’investiture de l’UMP. Diard a refusé cette investiture et présenté une liste qui a largement devancé celle de Simonpieri.

Ce dernier avait déclaré au lendemain du premier tour de la présidentielle de 2007 :

« Beaucoup d’électeurs FN ont constaté que Nicolas Sarkozy disait les mêmes choses que Le Pen, mais que lui avait une chance de les mettre un jour en application. Ils ont donc voté utile. Parce qu’ils ont cessé de croire à l’accession de Le Pen au pouvoir » [6].

Dans la période récente, Gaudin s’est illustré en prenant la défense de P.de Villiers lors du ralliement de celui-ci à Sarkozy (voir notre article De Villiers et son faux témoin ). [7]

Le profil patelin de Gaudin et les dénonciations dont il est maintenant l’objet de la part de l’extrême-droite ne peuvent pas dissimuler qu’il utilise sans réticence des thématiques xénophobes.

Le débat sur l’identité nationale à Marseille
 [8]

Quelque 200 personnes, toutes conviées par carton d’invitation, ont assisté à ce deuxième débat marseillais, organisé à la préfecture. La discussion a tourné davantage autour de l’intégration des immigrés et plus particulièrement des musulmans et maghrébins. Elle s’est déroulée dans le calme hormis une prise de bec qui a opposé des membres de l’assistance au maire UMP de la ville, Jean-Claude Gaudin, sur les démonstrations de joie des supporters de l’équipe d’Algérie de football après sa victoire contre l’Egypte.

A Marseille, "où la communauté musulmane est très forte nous faisons l’effort de formation, d’accueil, de recherche d’emplois et de logements pour que tout le monde soit traité de la même manière. Cependant nous voulons aussi la réciprocité. Quand il y a des matches de football, quand après il déferle 15.000 musulmans sur la Canebière et qu’il n’y a que le drapeau algérien, cela ne nous plaît pas", a déclaré M. Gaudin lors d’une rencontre avec des militants UMP précédant le débat. "Vous m’avez blessé, ma famille et les 200.000 musulmans qui vivent à Marseille", a déclaré un élu municipal d’origine algérienne. Une enseignante d’histoire-géographie s’est déclarée "heurtée par les propos tenus". "Nous ne sommes pas 15.000 musulmans mais 15.000 franco-algériens. Il y avait aussi de nombreuses personnes qui portaient les couleurs des drapeaux français et algérien et la fête s’est bien passée", a-t-elle affirmé.

P.-S.

Dans un communiqué publié le 16 janvier, la fédération des Bouches du Rhône de la LDH demande si « tous ces propos tenus publiquement, par des femmes et des hommes publics, relèvent seulement de “dérapages” »...

Il y a effectivement lieu de poser la question !

Notes

[1La Provence, 16 janvier 2010.

[6Le Canard enchaîné du 25 Avril 2007.

[7Voir article 3456.

[8Extrait de « Eric Besson veut créer une charte des droits et des devoirs », , LEMONDE.FR avec AFP 16.01.10 09h42.


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