Jean-Marie Le Pen poursuivi en justice pour ses propos négationnistes


article de la rubrique extrême droite
date de publication : samedi 15 décembre 2007
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Jean-Marie Le Pen, avait déclaré dans un entretien publié en janvier 2005 par l’hebdomadaire Rivarol que « l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine » et présenté la Gestapo comme une police protectrice de la population.

Le 14 décembre 2007, une peine de cinq mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 euros ont été requises vendredi contre le président du FN poursuivi pour complicité "d’apologie de crimes de guerre" et "de contestation de crime contre l’Humanité". Le tribunal rendra son jugement le 8 février 2008.

[Mise en ligne le 13 janvier 2005, mis à jour le 15 décembre 2007]

Jean-Marie Le Pen, le 14 février 2007 à Strasbourg (AFP/FREDERICK FLORIN)

Communiqué LDH

LE PEN RÉÉCRIT UNE NOUVELLE FOIS L’HISTOIRE

M. Jean-Marie Le Pen s’est, une nouvelle fois, livré à une réécriture de l’Histoire. En laissant croire que la Gestapo a pu protéger la population française, en tentant d’insinuer que le massacre d’Oradour aurait pu avoir des justifications, M. Le Pen porte atteinte à la mémoire de tous ceux qui ont été les victimes des crimes contre l’humanité commis par les occupants nazis.

Bien sûr, M. Jean-Marie Le Pen doit rendre compte judiciairement de ses propos. Mais, il est tout aussi important de souligner que le négationnisme dont fait constamment preuve l’intéressé a, comme écho contemporain, un racisme tout aussi permanent.

La LDH continuera à faire sanctionner les propos et les attitudes d’un homme politique qui n’a aucune légitimité à se réclamer de la démocratie.

Paris, le 13 janvier 2005

Communiqué de presse (Toulon)

Toulon, le 16 janvier 2005

Le dégoût, l’indignation, tels sont les sentiments que suscitent les dernières déclarations du président du FN. Et d’abord, le dégoût. Des centaines d’historiens se sont penchés sur la seconde guerre mondiale. Aucun d’entre eux n’a jamais déclaré qu’en France l’occupation nazie « n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures » ! Aucun n’a considéré la gestapo comme une police protectrice de la population !

Autre propos indigne : évoquant la destruction d’Oradour-sur-Glane et ses 642 habitants brûlés vifs dans l’église du village (parmi eux 245 femmes et 207 enfants), le président du FN accrédite des thèses négationnistes.

« Bavures » ? Les 200 000 condamnations à la déportation, qui laissaient une chance infime aux porteurs de l’étoile jaune ?

« Bavures » ? Les 25 000 résistants fusillés, les 6 000 habitants des villes et des villages massacrés au cours d’opérations de représailles ?

« Bavures » ? Les morts du plateau des Glières et du Vercors ? Le charnier de Signes ? Et le pillage de la France qui entraînait la sous-alimentation de toute la population (1 700 calories par jour) ? ...

Ces propos sont une provocation et une insulte à la mémoire et aux familles de toutes les victimes des crimes du nazisme.

Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance (ANACR) du Var
Fédération Nationale des Déportés Internés Résistants et Patriotes (FNDIRP) du Var
Communauté Juive de Toulon
Ligue des droits de l’Homme (LDH) de Toulon

Cinq mois avec sursis requis contre Le Pen pour ses propos sur l’Occupation

[AFP - 14 déc 2007] — Une peine de cinq mois de prison avec sursis et une amende de 10.000 euros ont été requises vendredi contre Jean-Marie Le Pen, absent de ce procès devant le tribunal correctionnel de Paris où étaient examinés ses propos sur l’Occupation allemande qu’il avait jugée "pas particulièrement inhumaine".

Poursuivi pour complicité "d’apologie de crimes de guerre" et "de contestation de crime contre l’Humanité", le président du Front national (FN) avait tenu les propos incriminés en janvier 2005 dans le journal Rivarol.
Sont également poursuivis le journaliste qui l’avait interviewé, Jérôme Bourbon, et la directrice de publication de l’hebdomadaire d’extrême droite, Marie-Luce Wacquez.

En premier lieu, plusieurs associations, ainsi que la commune de Villeneuve-d’Ascq (Nord), reprochent à M. Le Pen d’avoir présenté une version choquante du massacre d’Ascq, perpétré dans la nuit du 1er au 2 avril 1944.
Dans Rivarol, le leader politique racontait qu’"un lieutenant allemand, fou de douleur que son train de permissionnaires ait déraillé dans un attentat, causant ainsi la mort de ses jeunes soldats, voulait fusiller tout le village : il avait d’ailleurs déjà tué plusieurs civils. Et c’est la Gestapo de Lille, avertie par la SNCF, qui arriva aussitôt pour arrêter le massacre".

Partie civile au procès, le maire socialiste de Villeneuve-d’Ascq, Jean-Michel Stievenard, a rappelé à la barre que la réalité avait été bien différente.
Un petit groupe de résistants avait bien saboté un aiguillage, faisant dérailler deux wagons, mais il n’y avait eu aucun blessé. Quant au lieutenant allemand, il avait fait rafler les hommes du village d’Ascq et en avait fait fusiller 86, avant que la gendarmerie allemande, et non la Gestapo, n’interrompe le massacre.
"Ces propos sont pour nous une nouvelle manière de rayer Ascq de la carte de France", a fait valoir M. Stievenard.

La procureure de la République, Anne de Fontette, a déploré, elle, que Jean-Marie Le Pen ait transformée la Gestapo, jugée criminelle par le tribunal de Nuremberg, en "une autorité protectrice". Il est à craindre, a-t-elle dit, que "certains esprits peu enclins à la critique" ne voient ensuite dans la Gestapo "des Soldats de la Paix" ou encore "les Casques bleus des années 40".

Pour ce qui est de la "contestation de crime contre l’humanité", M. Le Pen est poursuivi notamment pour un passage où il déclare : "En France du moins, l’Occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550.000 kilomètres carrés."
Vendredi, la directrice de Rivarol a déclaré ne pas avoir "été choquée par de tels propos". "Si l’on exclut la déportation", l’Occupation en France "a été tout de même modérée par rapport à ce qui s’est passé en Belgique et aux Pays-Bas", a affirmé Mme Wacquez.

Partie civile au procès, Serge Klarsfeld, le fondateur de l’association des Fils et filles des déportés juifs de France (FFDJF), a dénoncé "une dénaturation complète de la réalité historique", voyant en M. Le Pen "un multirécidiviste". Celui-ci a notamment déjà été condamné pour avoir vu dans les chambres à gaz "un point de détail de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale".

Une bonne partie de la défense de Me Wallerand de Saint-Just, l’avocat de M. Le Pen, a consisté à présenter les propos poursuivis comme "une conversation à bâtons rompus", que Rivarol n’aurait pas dû publier. Par conséquent, son client ne peut être poursuivi.

Pour Mme de Fontette, "cette ficelle est un peu grosse". Quelques heures plus tôt, le journaliste avait confirmé que les propos faisaient bien partie de l’interview.

La 17e chambre rendra son jugement le 8 février.

Pour M. Le Pen, "l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine"

par Christiane Chombeau [Le Monde du 13 janvier 2005]

Dans un entretien à l’hebdomadaire négationniste Rivarol, il présente la Gestapo comme une police protectrice de la population.

On savait que, pour le président du Front national, les chambres à gaz n’étaient qu’un "détail" dans l’histoire de la seconde guerre mondiale. Cette fois, Jean-Marie Le Pen explique que l’occupation allemande, en France, n’a été accompagnée que de quelques "bavures". Il présente en outre la Gestapo - police politique qui fait partie des organisations jugées criminelles par le tribunal de Nuremberg - comme une police protectrice de la population.

Interrogé sur les "commémorations de la fin de la seconde guerre mondiale" par Rivarol, hebdomadaire antisémite et négationniste, M. Le Pen n’hésite pas à affirmer qu’"en France du moins, l’occupation allemande n’a pas été particulièrement inhumaine, même, ajoute-t-il, s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550 000 kilomètres carrés".

Pour illustrer ses dires, le président du FN raconte, dans cet entretien publié le 7 janvier, l’histoire d’un lieutenant allemand qui, "fou de douleur que son train de permissionnaires ait déraillé dans un attentat, causant ainsi la mort de ses jeunes soldats, voulait fusiller tout le village". C’est, explique M. Le Pen, "la Gestapo de Lille (...) qui arriva aussitôt pour arrêter le massacre".

Oubliés les fusillés de Châteaubriant (Loire-Atlantique) ou les pendus de Tulle (Corrèze), pour ne citer qu’eux. A moins que M. Le Pen ne classe leur exécution parmi les "bavures". A Châteaubriant, 27 prisonniers politiques internés dans un camp de la ville ont été fusillés le 22 octobre 1941, en représailles au meurtre d’un Allemand à Nantes. A Tulle, 99 habitants ont été pendus par les Allemands, le 9 juin 1944, le lendemain de la libération de la ville par le maquis de Corrèze.

Oubliée aussi la déportation des juifs de France planifiée à partir de juin 1942 par la section de la Gestapo chargée des questions juives et mise en œuvre avec la complicité de l’Etat français de Vichy. Sur 75 000 juifs ainsi déportés, moins de 2 500 ont survécu.

Evoquant le "drame d’Oradour-sur-Glane" [1], Jean-Marie Le Pen laisse entendre que la vérité n’est pas celle que l’on croit et déclare qu’"il y aurait beaucoup à dire". Il fait ainsi écho, sans s’y référer explicitement, à une thèse révisionniste bien connue des lecteurs de Rivarol : selon cette thèse, des explosifs auraient été dissimulés par les résistants dans l’église où le 10 juin 1944 la division SS Das Reich avait enfermé 642 civils (parmi eux, 245 femmes et 207 enfants) avant de mettre le feu au bâtiment. Cette thèse justifie le massacre en parlant de mesure de représailles aux activités des maquis. Ces affirmations, proférées notamment dans une cassette vidéo par Vincent Reynouard, un néonazi reconnu coupable à plusieurs reprises de négationnisme, ont valu à leur auteur d’être condamné, le 4 juin 2004, à vingt-quatre mois de prison, dont six mois ferme, par la cour d’appel de Limoges, pour "apologie de crime de guerre".

M. Le Pen explique enfin, toujours dans cet entretien, que "si les Allemands avaient multiplié les exécutions massives dans tous les coins comme l’affirme la vulgate, il n’y aurait pas eu besoin de camps de concentration pour les déportés politiques". Et le président du FN conclut : "Ce n’est pas seulement de l’Union européenne et du mondialisme que nous devons délivrer notre pays, c’est aussi des mensonges sur son histoire, mensonges protégés par des mesures d’exception. D’où notre volonté constante d’abroger toutes les lois liberticides Pleven, Gayssot, Lellouche, Perben II." Des lois qui condamnent notamment le racisme et l’antisémitisme.

Rivarol : "Occuper le terrain du social"

Reprenant à son compte les critiques formulées par la base du Front national, Rivarol déplore, dans son édition du 7 janvier, l’absence du parti d’extrême droite sur le terrain social. "Avant les multiples scissions, il n’y avait pas grand-chose de fait malgré l’Entraide nationale du pasteur Blanchard", organisatrice de soupes populaires, "à l’heure actuelle, force est de constater que l’activité de Fraternité française reste très marginale", note l’hebdomadaire d’extrême droite, qui estime que "la vraie droite sociale, nationale et populaire, censée représenter le vote ouvrier, se devrait d’occuper ce terrain naturel".

Selon Rivarol, "la majorité des SDF ou des gens dans le besoin sont (...) des indigènes ou des continentaux" et non les immigrés, appelés dans l’article "allogènes" et fustigés pour recevoir "l’essentiel de la manne sociale sans avoir cotisé à rien". "Tant que la droite nationale divisée n’occupera pas solidement le terrain du social (...), il n’y aura pas de percée électorale majeure", explique l’article, qui invite "Bruno -Mégret- et Bruno -Gollnisch-, Marine -Le Pen-, Jean-Marie -Le Pen-" à participer aux soupes populaires.

P.-S.

"Le diable est sorti, une fois de plus, de sa boite. Façon pour lui de saluer la sortie du film consacré à son modèle. Ne cherchez pas ici l’ombre d’un nom, le début du commencement d’une identification de celui qui continue à justifier, à peser, à nuancer, à minorer, à oblitérer le crime absolu. Indignés ? Voir ainsi l’obsédé du détail se vautrer dans la bauge du négationnisme ne doit plus étonner qui que ce soit. C’est une sorte de tic, de manie compulsive et sadique qui conduit régulièrement l’extrémiste à se rappeler à notre mauvais souvenir. A chaque fois qu’il dérape, notre douleur est si fulgurante que nous sommes effondrés de tant de morgue et d’irresponsabilité".

Jean-François Montémont dans Le Courrier Picard.

Notes

[1Pour Oradour sur Glane, on pourra consulter le site http://oradoursurglane.free.fr/.


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