Marignane : la droite recycle


article de la rubrique extrême droite
date de publication : dimanche 13 juin 2004
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Après avoir été triomphalement réélu conseiller général (73 % des suffrages), Daniel Simonpieri, maire de Marignane (ex-FN et ex-MNR), rejoint le groupe UMP du conseil général des Bouches-du-Rhône.


« s'il fait un pas vers nous, nous devons lui tendre la main »

Dans les Bouches-du-Rhône, l’ex-FN Daniel Simonpieri rejoint le groupe UMP

par Michel Samson, Le Monde du 3 Avril 2004

L’ancien membre du FN et du MNR, Daniel Simonpieri, maire et conseiller général de Marignane (Bouches-du-Rhône), a intégré, mercredi 31 mars, le groupe UMP du conseil général des Bouches-du-Rhône, alors qu’il siégeait jusqu’à présent aux côtés des non-inscrits. Ce rapprochement politique s’est matérialisé lors de la séance d’élection du président, Jean-Noël Guérini (PS), jeudi 1er avril. Alors qu’il s’asseyait généralement seul en bout de la travée supérieure, M. Simonpieri s’est installé à côté de ses nouveaux amis.

La décision de l’UMP avait en réalité été prise, mercredi 31 mars au soir, lors de la séance qui a désigné Bruno Genzana, conseiller général d’Aix, comme président du groupe de la droite du conseil général. M. Simonpieri a alors fait savoir qu’il serait membre du groupe mais qu’il n’adhérerait pas au parti.

André Guinde, président du groupe socialiste et apparenté, a déclaré n’être « étonné qu’à moitié car M. Simonpieri nous a habitués à passer d’un parti à l’autre ». « Avec les revers qu’ils [les candidats de l’UMP, NDLR] viennent de subir, ils sont prêts à tout », ajoute-t-il, précisant que « ce revirement n’aide guère la démocratie ». Quant au nouveau président du conseil général, M. Guérini, il se disait « surpris et choqué que le groupe UMP ait accepté cet ancien membre du FN sans la moindre repentance ». « C’est malsain », a-t-il ajouté.

GAGES DE RESPECTABILITÉ

Ce ralliement était dans l’air. Il a été initié par le maire (UMP) de Marseille et président de la Communauté urbaine Marseille-Provence-Métropole (MPM), Jean-Claude Gaudin. C’est au sein de cette dernière instance, dont M. Simonpieri est vice-président, au même titre que tous les autres maires de la communauté, que le rapprochement a été amorcé.

Mais il y a un mois, M. Gaudin a franchi un pas supplémentaire en inaugurant un équipement culturel de la ville de Marignane, auquel la communauté urbaine n’avait pas contribué. A quelques semaines de l’élection cantonale, où M. Simonpieri se représentait, ce geste avait été interprété comme une tentative de séduction, tant par les candidats de la gauche que par celui du Front national, Léonard Faraci, qui l’avait dénoncée.

L’offensive du FN, qui a aligné un candidat face à M. Simonpieri, a achevé de donner au maire de Marignane des gages de respectabilité. M. Gaudin lui-même a utilisé cet argument pour justifier l’intégration du conseiller général, que la préfecture classait encore le 28 mars à l’extrême droite : « Il a été élu contre un candidat du Front national », a expliqué le vice-président du Sénat et de l’UMP, qui n’oublie pas que le nouveau venu a fait un score « soviétique » dans le canton : 72,75 % des voix au second tour. M. Gaudin a aussi affirmé que « l’homme avait changé ». M. Simonpieri, qui refuse systématiquement de répondre à la presse, n’a en tout cas fait aucune déclaration exprimant un désaveu de ses positions politiques ou appartenances antérieures.

Daniel Simonpieri, ex-FN et ex-MNR, soluble dans la droite

par Michel Henry, Libération, jeudi 8 avril 2004

Le maire de Marignane rejoint le groupe UMP-UDF au conseil général.

Cela s’appelle un recyclage en règle. Daniel Simonpieri, maire extrême droite de la ville de Marignane, a rejoint le groupe UMP-UDF au conseil général des Bouches-du-Rhône. C’est arrivé le 1er avril, mais ça n’a rien d’une blague. Les plus cyniques y verront une bonne nouvelle : au bout du compte, ça fera un canton et une ville de moins pour l’extrême droite. En théorie.

La droite locale n’y voit, elle, aucune malice. Car l’édile (ex-FN, ex-MNR) a, à ses yeux, obtenu un certificat de virginité. En s’écartant publiquement des thèses qu’il a toujours professées ? Que nenni : en gagnant, au second tour des cantonales le 28 mars, contre un candidat FN. Le premier facho qui bat l’autre n’est plus facho, voilà la règle qu’explique Bruno Genzana, président du groupe UMP-UDF : « A partir du moment où [Simonpieri] a battu un candidat d’extrême droite, il n’est plus d’extrême droite, car il a rassemblé au second tour les électeurs sur des valeurs républicaines. »

Un 21 avril au carré. La ficelle paraît grosse. Mais, dans cette cantonale, l’éclatement des candidatures de gauche a provoqué un 21 avril au carré. Au second tour, n’étaient qualifiés qu’un candidat d’extrême droite (le candidat FN) et un candidat ... d’extrême droite (Simonpieri). Si bien que, catalogué DVD (divers droite) ou DVEXTD (divers extrême droite), ce dernier a été réélu avec 72,75 % des voix, meilleur score du département.

Un tel enracinement local ne pouvait laisser la droite indifférente, elle qui rêve depuis des années de recycler l’homme de Marignane, élu maire en 1995 et réélu haut la main en 2001. L’affaire aurait pu se passer plus tôt, Simonpieri étant sans étiquette depuis 2002. Mais son soutien à Le Pen au second tour de la présidentielle, qui l’a vu défiler à Paris avec le FN pour la fête de Jeanne d’Arc, a retardé le processus. Pas trop longtemps. La semaine dernière, Simonpieri [1] a gentiment demandé son rattachement au groupe UMP-UDF. Qui l’a gentiment accepté.

La gauche, majoritaire, se demande comment on peut lui donner le brevet de droite républicaine sans qu’il exprime la moindre « repentance ». Même s’il a évité les mesures provocatrices dans sa gestion de la ville de Marignane, affichant une posture d’« enfant du pays » qui lui réussit à merveille, le gaillard a un pedigree estampillé FN pur et dur. Adhérent au Front en 1974, il y a passé un quart de siècle avant de le quitter en 1999 dans les bagages du « félon » Mégret, dont il s’est à son tour éloigné deux ans plus tard.

Stratégie Gaudin. Peut-on effacer d’un coup de manche pareil CV ? Pour la droite régionale, oui. D’autant que Simonpieri, 53 ans, a été élu en 1989 au conseil municipal de Marignane sur une liste mi-FN, mi-droite libérale. A l’époque, Jean-Claude Gaudin gérait la région avec le Front, et, selon un de ses représentants dans la ville (Libération du 6 février 2001), on y appliquait « la stratégie Gaudin : le FN était soluble dans la démocratie, on le diluait dans les sables mouvants. Hélas, on n’a pas réussi à noyer le loup dans la rivière ». Aujourd’hui, la droite régionale combat le Front, mais trouve au loup Simonpieri, qui souffle devant sa porte, un sourire présentable.

Recrue précieuse. D’ailleurs, ce rattachement « n’a pas fait l’objet d’un débat passionné » au sein du groupe, assure même Bruno Genzana, qui a requis d’abord l’assentiment de Jean-Claude Gaudin. Dans l’entourage du maire de Marseille et vice-président de l’UMP, on minimise en prétextant un rapprochement « pour des raisons administratives », le groupe DVD auquel Simonpieri appartenait avant les dernières élections n’existant plus. Et on souligne qu’il ne rejoint pas pour autant l’UMP. Chaque chose en son temps.

Mais la recrue est précieuse. Ayant échoué dans son rêve de prendre le conseil général à la gauche, la droite départementale entend retenter sa chance. Et en 2007, si la différence tient à un siège, elle dira merci qui ? Merci Simonpieri.

Notes

[1Daniel Simonpieri n’a pas répondu à notre demande d’interview.


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