à Marignane, il ne restait que Daniel Simonpieri et un candidat FN


article de la rubrique extrême droite
date de publication : dimanche 13 juin 2004
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Au second tour des cantonales de mars 2004, il ne restait plus que deux candidats : Daniel Simonpieri (ex-FN, ex-MNR) et Leonard Faraci, candidat FN.

Le maire de Marignane devait l’emporter haut la main - avec 73 % des voix.

Et quelques jours plus tard ... Simonpieri était accueilli à l’UMP


Divisée, la gauche est éliminée de la cantonale

écrivait Michel Samson, entre les deux tours...
[Le Monde, du 27 mars 2004]

Léonard Faraci, candidat du Front national au second tour de l’élection cantonale de Marignane (Bouches-du-Rhône), l’assure, quand il parle de son adversaire, Daniel Simonpieri, maire (ext. d.) et conseiller général sortant : « Dans son fondement, il est d’extrême droite. » Parole d’expert pour cet ancien patron du bâtiment, qui dit avoir construit « la moitié de Marignane et des alentours » depuis 1954, a repris la vie politique en 2000 car il n’a pas accepté « le putsch de Mégret et de Simonpieri sur le Front national ».

Ses rapports avec le maire ? « Ils sont bons, bien sûr », affirme M. Faraci. En se présentant « à la demande de Jean-Marie Le Pen », il s’agissait seulement pour lui de reconstruire le FN local, affaibli par le départ des partisans de Bruno Mégret en 1999. D’ailleurs, si M. Faraci a recueilli 16,6 % des voix au premier tour, dimanche 21 mars, la liste frontiste de Guy Macary aux régionales a atteint ici 32 %. « C’est une bonne base », se réjouit-il.

« TRÈS VEXÉ »

Ce Français d’origine sicilienne, né à Carthage, voit loin : il vise la mairie en 2007. D’ici là, il tentera de sortir de la confusion entre le FN et l’ex-frontiste Simonpieri, qui, dit-il, « joue sur tous les tableaux ». Car si le conseiller général a quitté le parti de M. Le Pen pour rallier le MNR de Bruno Mégret, il s’est ensuite affiché, en 2002, à la manifestation du Front national pour la Fête de Jeanne d’Arc. M. Faraci sait que son adversaire « entretient le flou » mais qu’« en réalité, il voudrait se rapprocher de l’autre droite » - celle, honnie, de « Gaudin et Muselier ». On ne saura pas ce que M. Simonpieri pense de la candidature qui lui est opposée puisque, fidèle ses habitudes, il refuse de recevoir les journalistes. D’après M. Faraci, il est « très vexé de ne pas avoir été élu au premier tour », même si, avec un score de 38,5 % des voix le 21 mars, sa victoire au second ne fait pas de doute.

La bataille vengeresse du FN contre les anciens du MNR est générale autour de l’étang de Berre : des militants, inconnus jusqu’ici, se sont présentés partout contre les ex-partisans de M. Mégret et les ont laminés, comme ils ont aussi laminé les candidats UMP. Cela provoque une série de duels entre la gauche et le Front national, dont la première devrait sortir largement gagnante. Mais à Marignane, la gauche a réussi le tour de force de présenter trois candidats : un Vert soutenu au niveau départemental par le PS, dont les militants socialistes locaux ont boudé la candidature (14,3 %) ; un militant chevénementiste du MRC (4,2 %) ; une communiste (6 %). Avec un total de 24,5 % des voix, la gauche aurait pu être présente au second tour. Comme le dit le candidat Vert, Philippe Gardiol : « Je croyais qu’on avait tou-ché le fond à la présidentielle, je m’aperçois qu’on pouvait faire encore mieux. »

L’ironie de l’histoire est que, au-delà de la vexation d’affronter un candidat du FN, M. Simonpieri va peut-être se réjouir de cette bataille entre droite extrême et extrême droite. En battant un partisan de M. Le Pen, il pourra faire valoir, auprès de la droite locale, un ersatz de brevet d’antifascisme.

Michel Samson

1998 à Marignane : la résistance en friche.
Les rares opposants sont abandonnés par la gauche.

Par Olivier Bertrand [Libération, le 24 juin 1998]

« Avec eux, on fait du foot. Les jeunes, on peut pas se contenter de leur dire qu’il faut se battre contre le FN. »
Benjamin Moyer

Régulièrement, des leaders politiques, des responsables associatifs, des ministres, se posent à Marignane, le gros aéroport de la région. Descendent de l’avion, puis montent dans des voitures. Et filent vers Vitrolles, pour soutenir les opposants au maire Front national. En trois ans, aucun n’a trouvé le temps de faire un petit crochet pour encourager les militants qui luttent à Marignane (32 000 habitants) contre le FN Daniel Simonpieri. Ils ne sont pas nombreux. Des quatre villes gérées par le Front national, Marignane fait figure de sacrifiée. L’opposition se déchire, les associations s’étiolent. Et le maire, élu en 1995 à la faveur d’une quadrangulaire (37,27 %, 155 voix d’avance), a gagné triomphalement le canton (63,9 % des suffrages exprimés), trois ans plus tard.

Pas de vagues. Le vendredi 12 juin 1998, son équipe avait organisé un colloque sur le thème « Racisme antifrançais ». Peu de participants dans la salle, guère d’opposants dehors : la date avait été soigneusement choisie. Ce soir-là, les footballeurs français jouaient contre l’Afrique du Sud leur premier match de Coupe du monde. A Marignane, le maire flatte les franges les plus dures d’une ville très à droite, mais sans faire trop de vagues. Il se permet même, très régulièrement, d’appeler la préfecture ou le parquet, pour s’assurer que ses actes administratifs sont bien conformes au droit.

L’extrême droite est à Marignane depuis un bail. Laurent Deleuil, maire (UDF-PR) depuis 1948, a su flatter son électorat, composé en majorité de rapatriés. Marignane n’a pas attendu le FN pour avoir son boulevard Salan ou accueillir en grandes pompes, dès 1985, Jean-Marie Le Pen. Quelques années plus tard, Simonpieri deviendra premier adjoint de Deleuil, avant de prendre son fauteuil. Simple glissement.

Après les municipales, une association a vu le jour : Alarme citoyen. Mais ses adhérents se sont vite déchirés entre les différents courants qui traversent le PS local. Aux dernières cantonales, la gauche n’a rien trouvé de mieux que de présenter deux candidats au scrutin. « A Marignane, explique René Says, responsable local du PCF, ce n’est pas la gauche qui est divisée. C’est le PS. La ville est à l’image de ce parti dans les Bouches-du-Rhône. » Entre les divisions et les affaires, les espoirs de reconquête semblent minces. Le député de la circonscription, Henri D’Attilio (PS), élu en 1997 face à Bruno Mégret (54,10 %), s’est débrouillé pour décrocher un siège au Sénat en septembre. Son suppléant prendra sa place, mais la sanction risque d’être cinglante au prochain scrutin.

Tout sourires. Ecœuré par ce cirque, Benjamin Moyer, fondateur de l’association Eclat en 1993, a voulu organiser un tournoi de football dans les cités pendant les deux dimanches des cantonales. Pour protester contre les opposants qui ne s’opposent pas. Il a finalement renoncé pour soutenir Robert Bismuth, sans étiquette, un dentiste pied-noir qui tente de ressouder la gauche divisée. Eclat faisait du soutien scolaire jusqu’à ce que le maire lui retire local et subvention. Depuis, Benjamin arpente les cités de la ville avec l’impression d’être seul à se battre pendant que Simonpieri tend sa toile sur la ville.

Le maire FN a la gestion soft. Pas de discrimination apparente. « Dany » serre la main à tout le monde. Ses frasques se racontent au pastis, dans les cafés. On l’appelle le Bill Clinton de l’étang de Berre. C’est un enfant du pays. Les jours de marché, le photographe de la ville l’immortalise avec des enfants dans les bras. La municipalité envoie ensuite le cliché aux parents. Le maire peut ainsi trôner sur les buffets de ses administrés. Pendant ce temps, son équipe a mis la main sur une grande partie des associations locales, sportives notamment. Une jeune femme arabe au chômage raconte qu’au service social, un employé s’est amusé à glisser dans son sac un paquet de jambon. « Je m’en fous, je suis pas pratiquante », grimace-t-elle. Un adjoint du maire a également tenté de faire supprimer par la Générale de restauration les repas sans porc destinés aux petits musulmans. L’Etat s’y est opposé. Mais un responsable local de la FCPE (fédération de parents d’élèves classée proche de la gauche) raconte qu’au cours d’une réunion, peu de parents s’opposaient au projet municipal. « Ils n’ont qu’à manger comme nous », ont dit quelques-uns. « De toute façon, cette ville pourrit depuis 1962 », soupire le responsable.

Les mutations. A la mairie, une partie des employés municipaux ont adhéré au Front après l’élection de Simonpieri. Une tradition dans le Midi. On appelle ça « le parti municipal ». A Marignane, les rares opposants se retrouvent mutés à la voirie, rebaptisée « service du puni ». C’est là que travaille Benjamin Moyer. Avant le Front, il était responsable du gardiennage. En dehors de son service, il travaille avec les adolescents de Florida Park et La Chaume, deux cités mitoyennes. « Avec eux, on fait du foot. Les jeunes, on peut pas se contenter de leur dire qu’il faut se battre contre le FN, ça irait une fois ou deux, après ce serait fini. » Le 14 juin, son équipe a battu L’US Marignane, le club phare de la ville, par deux buts à zéro. Un gamin de Florida raconte le match, hilare : « Qu’est-ce qu’on leur a fait manger ! Hein, Ben ? » Ben opine. Mais il parle aussi d’un autre jeune de la cité qui travaille pour la ville. « Il est monté à la fête des bleu-blanc-rouge. Il croit qu’on le sait pas ».


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