Jean-Luc Warsmann “simplifie” les échanges de données entre autorités administratives


article de la rubrique Big Brother > l’administration et les données personnelles
date de publication : lundi 11 janvier 2010
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On se rappelle dans quelles conditions, la proposition de loi de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, présentée par M. Jean-Luc Warsmann, a été adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale. Mais il n’est pas certain que les implications de son article 2 – la proposition de loi en comporte 158 ! – aient été clairement mises en évidence. Cet article évoque les échanges d’informations ou de données entre “fichiers administratifs” :

« Les échanges d’informations ou de données entre autorités administratives s’effectuent selon des modalités prévues par un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la CNIL, qui fixe les domaines et les procédures concernés par les échanges d’informations ou de données, la liste des autorités administratives auprès desquelles la demande de communication s’effectue en fonction du type d’informations ou de données et les critères de sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des échanges. Ce décret précise également les informations ou données qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet de cette communication directe... »

Si l’article 2 est adopté, tous les fichiers administratifs – à l’exception de ceux qui figureront dans une liste établie par un futur décret – seront donc susceptibles de devenir accessibles à toutes les autres administrations... On peut partager l’avis du député UMP Lionel Tardy [1] qui, rappelant que « le sujet de l’échange des fichiers entre administrations est très sensible », qualifie cet article de « big bang administratif », et ajouter : Safari : le retour se confirme !

Nous reprenons ci-dessous des textes provenant du “parcours législatif” de ce projet de loi – rappelons qu’il n’a pour l’instant été examiné que par l’Assemblée nationale.


Proposition de loi N° 1890 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit,
présentée par M. Jean-Luc WARSMANN, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 août 2009 [2]

EXPOSÉ DES MOTIFS

La présente proposition de loi est la troisième initiative parlementaire de simplification du droit de la présente législature. Face à la complexité du droit si souvent dénoncée, le Parlement doit agir résolument pour remédier à ce mal français. Les deux précédentes propositions de loi, qui sont respectivement devenues la loi n° 2007-1787 du 20 décembre 2007 relative à la simplification du droit et la loi n° 2009-526 du 12 mai 2009 de simplification et de clarification du droit et d’allègement des procédures, ont permis d’abroger un grand nombre de textes désuets, de clarifier de nombreux pans de notre législation, de corriger des erreurs de rédaction ou de coordination et de simplifier – voire de supprimer – certaines démarches administratives pesant sur nos concitoyens.

La présente proposition de loi a plusieurs sources. Tout d’abord, certaines mesures sont issues du rapport sur la qualité et la simplification du droit que j’avais remis au Premier ministre en janvier dernier, à la suite de la mission temporaire qu’il m’avait confiée. D’autres mesures résultent d’un travail réalisé au sein de la commission des Lois avec le concours d’une équipe de juristes et de scientifiques tendant à identifier les normes désuètes, inappliquées ou contraires à des normes supérieures en matière pénale. Un certain nombre de mesures provient des sollicitations de nos concitoyens, notamment par l’intermédiaire du site Internet « Simplifions la loi ». Enfin, certaines mesures, proposées par les ministères, ont été élaborées en concertation étroite avec le Gouvernement.

La présente proposition de loi se divise en sept chapitres : le chapitre premier comprend cinquante-sept dispositions tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations ; le chapitre II a pour objet de clarifier et de simplifier le régime juridique des groupements d’intérêt public ; le chapitre III comprend six articles de simplification en matière d’urbanisme ; le chapitre IV comprend treize articles ayant pour objet de tirer les conséquences du défaut d’adoption des textes d’application prévus par certaines dispositions législatives ; le chapitre V comprend trente-quatre articles tendant à simplifier et à clarifier notre législation pénale ; le chapitre VI comprend quatorze articles ayant pour objet l’amélioration de la qualité formelle du droit ; enfin, le chapitre VII comporte un article ayant pour objet d’assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.

____________________

Le chapitre premier, qui a pour objet d’améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations, comprend six sections.

La section 1 concerne les relations des particuliers et des entreprises avec les administrations.

L’article 1 [...]

L’article 2 vise à faciliter le traitement des demandes présentées par les usagers par les autorités administratives, d’une part, en autorisant les autorités administratives à échanger entre elles toutes informations, données ou pièces justificatives nécessaires au traitement de la demande, et d’autre part en permettant à un usager ayant déjà produit une pièce justificative auprès d’une autorité administrative de ne pas être tenu de la produire à nouveau. Ainsi, un usager n’aura plus à présenter par lui-même certaines pièces justificatives, dès lors que l’autorité à laquelle il formule une demande sera en mesure de les obtenir directement auprès de l’administration émettrice. L’usager sera informé par l’administration de la faculté de cette dernière à se procurer directement les pièces nécessaires, ainsi que du droit d’accès et de rectification dont il dispose sur ces données. De son côté, l’usager faisant valoir qu’il a déjà produit un document sera tenu d’informer par tout moyen l’autorité administrative du lieu et de la période de la première production.

PROPOSITION DE LOI

Chapitre Ier – Dispositions tendant à améliorer la qualité des normes et des relations des citoyens avec les administrations

Section 1 – Dispositions applicables aux particuliers et aux entreprises

Article 1 – [...]

Article 2

I. – Avant l’article 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 16 A ainsi rédigé :

« Art. 16 A. – I. – Les autorités administratives échangent entre elles toutes informations, données ou pièces justificatives nécessaires pour traiter les demandes présentées par un usager.

« Une autorité administrative chargée d’instruire une demande présentée par un usager fait connaître à celui-ci les informations, les données et les pièces justificatives qui sont nécessaires à l’instruction de sa demande et qu’elle se procure directement auprès d’autres autorités administratives françaises.

« L’usager est informé du droit d’accès et de rectification dont il dispose sur ces données.

« Les échanges d’informations entre autorités administratives s’effectuent selon des modalités prévues par décret en Conseil d’État qui fixe les domaines dans lesquels les échanges interviennent et les critères de sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des données échangées. Ce décret précise également les informations qui, en raison de leur nature, ne peuvent faire l’objet de cette communication directe.

« II. – Un usager présentant une demande ne peut être tenu de produire un document qu’il a déjà produit auprès de la même ou d’une autre autorité administrative dans un délai de dix ans suivant la première date de production de ce document. Il informe par tout moyen l’autorité administrative du lieu et de la période de la première production du document. »

II. – Le présent article entre en vigueur le 1er juillet 2011.

Article 3 – [...]

AMENDEMENTS
présentés à l’Assemblée nationale en première lecture [3]

  • AMENDEMENT N° 6 présenté par M. Tardy. Adopté [4]

À l’alinéa 2, après le mot :
« données »,
insérer le mot :
« strictement ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Il est important de limiter les échanges d’informations et de fichiers à ce qui est strictement nécessaire pour traiter la demande.

L’ajout du mot strictement indique clairement que cet échange de fichiers est une dérogation à un principe général de non recoupement des fichiers administratifs

____________________

  • AMENDEMENT N° 110 présenté par M. Jean-Michel Clément, M. Vuilque, M. Vidalies, Mme Karamanli, M. Blisko, Mme Pau-Langevin, Mme Mazetier, M. Urvoas, M. Raimbourg, M. Derosier,
    M. Caresche, M. Terrasse, M. Le Bouillonnec et les membres du groupe Socialiste, radical, citoyen et divers gauche. Rejeté [5]

Substituer aux alinéas 2 à 7 l’alinéa suivant :

« Art. 16 A. – Un usager présentant une demande ne peut être tenu de produire un document qu’il a déjà produit auprès de la même autorité administrative dans un délai d’un an suivant la première date de production de ce document. Il informe par tout moyen l’autorité administrative du lieu et de la période de la première production du document. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Cet amendement vise à supprimer les alinéas destinés à permettre aux autorités administratives d’échanger entre elles, toutes informations, données ou pièces justificatives nécessaire au traitement des demandes présentées par les usagers.

Sous couvert de faciliter les démarches des particuliers, cette disposition pourrait avoir un impact négatif sur les usagers notamment dans le cadre des demandes de régularisation. Les alinéas concernés sont à cet égard bien trop flous puisqu’ils ne précisent pas les informations susceptibles partagées et les finalités de ce partage.

Il est au demeurant significatif que l’alinéa 5 renvoie à un décret le soin de préciser les données et informations dont le caractère sensible exclut qu’ils fassent l’objet de cette communication directe.

D’une manière générale, l’extrait de l’avis du Conseil d’Etat reproduit sur cet article relève les difficultés d’application que poserait le système d’échange de données envisagé.

Seule une disposition nous parait présenter un intérêt sans faire courir de risques aux administrés : il s’agit du droit de ne pas être tenu de présenter un document qui a déjà été produit auprès de la même administration. Le délai de un an de conservation semble à cet égard plus raisonnable que celui de 10 ans initialement prévu par cette proposition.

____________________

  • AMENDEMENT N° 5 présenté par M. Tardy. Rejeté [6]

Après l’alinéa 3, insérer l’alinéa suivant :

« Les informations ainsi obtenues ne peuvent servir qu’à l’accomplissement de la démarche initiée par l’administré, à l’exclusion de toute autre. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Les informations obtenues par ce biais ne doivent donc pas pouvoir servir de base à d’autres procédures administratives que celle initiée par l’administré. Cela poserait un grave problème de confiance des administrés.

____________________

  • AMENDEMENT N° 9 présenté par M. Warsmann. Adopté [7].

Compléter cet article par les deux alinéas suivants :

« II. – L’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les administrations, personnes ou organismes mentionnés à l’article premier s’adressent prioritairement aux centres de formalités des entreprises pour échanger et obtenir toutes informations ou données nécessaires pour traiter les demandes ou les déclarations présentées par une entreprise. Les modalités d’échange et d’obtention de ces informations sont fixées par un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. ».

EXPOSÉ SOMMAIRE

Dans un souci de simplification de la vie des entreprises, l’on peut encore simplifier les contraintes qui leurs sont imposées en optimisant les missions des centres de formalités des entreprises (CFE).

En effet, à ce jour, le CFE doit recueillir tout document auprès des entreprises afin d’effectuer toutes les formalités exigées des entreprises à partir des informations qu’elles lui auront donné.

En revanche, les administrations peuvent encore s’adresser directement aux entreprises pour leur demander tout document.

Cet amendement propose que les administrations recueillent préalablement et prioritairement les informations dont elles ont besoin auprès du CFE et non auprès des entreprises.

TEXTE TRANSMIS AU SÉNAT [8]

Article 2

I. - Avant l’article 16 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, il est inséré un article 16 A ainsi rédigé :

« Art. 16 A. - I. - Les autorités administratives échangent entre elles toutes informations ou données strictement nécessaires pour traiter les demandes présentées par un usager.

« Une autorité administrative chargée d’instruire une demande présentée par un usager fait connaître à celui-ci les informations ou données qui sont nécessaires à l’instruction de sa demande et celles qu’elle se procure directement auprès d’autres autorités administratives françaises, dont elles émanent ou qui les détiennent en vertu de leur mission.

« L’usager est informé du droit d’accès et de rectification dont il dispose sur ces informations ou données.

« Les échanges d’informations ou de données entre autorités administratives s’effectuent selon des modalités prévues par un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, qui fixe les domaines et les procédures concernés par les échanges d’informations ou de données, la liste des autorités administratives auprès desquelles la demande de communication s’effectue en fonction du type d’informations ou de données et les critères de sécurité et de confidentialité nécessaires pour garantir la qualité et la fiabilité des échanges. Ce décret précise également les informations ou données qui, en raison de leur nature, notamment parce qu’elles touchent au secret médical et au secret de la défense nationale, ne peuvent faire l’objet de cette communication directe.

« II. - Un usager présentant une demande dans le cadre d’une procédure entrant dans le champ du troisième alinéa du I ne peut être tenu de produire des informations ou données qu’il a déjà produites auprès de la même autorité ou d’une autre autorité administrative participant au même système d’échanges de données. Il informe par tout moyen l’autorité administrative du lieu et de la période de la première production du document. Le délai de conservation des informations et données applicable à chaque système d’échange est fixé par décret en Conseil d’État.

« III. - Lorsque les informations ou données nécessaires pour traiter la demande ne peuvent être obtenues directement auprès d’une autre autorité administrative dans les conditions prévues au I ou au II, l’usager les communique à l’autorité administrative. »

II (nouveau). - L’article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l’initiative et à l’entreprise individuelle est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les administrations, personnes ou organismes mentionnés à l’article 1er s’adressent prioritairement aux centres de formalités des entreprises pour échanger et obtenir toutes informations ou données nécessaires pour traiter les demandes ou les déclarations présentées par une entreprise. Les modalités d’échange et d’obtention de ces informations sont fixées par un décret en Conseil d’État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. »

Notes

[2Le dossier législatif de cette proposition de loi sur le site de l’Assemblée nationale : http://www.assemblee-nationale.fr/1....
La proposition de loi : http://www.assemblee-nationale.fr/1....

[3Les débats du 1er décembre 2009 : http://www.assemblee-nationale.fr/1....

[8Le dossier législatif de cette proposition de loi sur le site du Sénat : http://www.senat.fr/dossierleg/ppl0....
La proposition de loi transmise au Sénat le 3 décembre 2009 (Texte n° 130 (2009-2010)) : : http://www.senat.fr/leg/ppl09-130.html.


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