le “traitement @RSA”, pour ficher les bénéficiaires du RSA


article de la rubrique Big Brother > l’administration et les données personnelles
date de publication : mardi 22 septembre 2009
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Depuis le 1er juin 2009, le revenu de solidarité active (RSA) est étendu à l’ensemble du territoire métropolitain. Géré par les Conseils généraux, il concernerait à ce jour autour de 3 millions de foyers – soit plus de 6 millions de personnes.
Le RSA remplace le revenu minimum d’insertion (RMI) et l’allocation parent isolé (API) pour les personnes privées d’emploi, et il est également versé à des personnes qui travaillent mais dont les revenus sont « modestes ».

Un nouveau “traitement informatique” national a été créé pour rassembler des informations sur les candidats et sur les bénéficiaires du RSA, afin notamment de « contrôler » leurs déclarations et de « lutter contre la fraude ». Le traitement des données personnelles étant transféré à un processus informatique, sur la base d’informations saisies sans procédure contradictoire, ce nouveau fichier pose la question de l’instruction des dossiers.

Vous trouverez ci-dessous un exposé volontairement concis permettant une première approche. Il s’appuie sur des extraits – encadrés – de la partie législative (L) et de la partie réglementaire (R) du Code de l’action sociale et des familles, ainsi que sur une étude réalisée par Agnès, assistante sociale du travail et militante du mouvement Antidélation, qui craint que ce traitement informatique ne soit la porte ouverte au fichage arbitraire et à la délation, dans le social.


Pour bénéficier du RSA il faut satisfaire à un certain nombre de conditions et son montant dépend de la situation familiale et des revenus. Selon ceux-ci, le bénéficiaire « peut être soumis à l’obligation d’entreprendre des actions favorisant une meilleure insertion professionnelle et sociale » [1].

Section 3 : Droits et devoirs du bénéficiaire du revenu de solidarité active  [2]

Article L262-27

Le bénéficiaire du revenu de solidarité active a droit à un accompagnement social et professionnel adapté à ses besoins et organisé par un référent unique. Pour l’application de la présente section, les mêmes droits et devoirs s’appliquent au bénéficiaire et à son conjoint, concubin ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité [...].

Article L262-28

Le bénéficiaire du revenu de solidarité active est tenu, lorsque, d’une part, les ressources du foyer sont inférieures au niveau du montant forfaitaire mentionné au 2° de l’article L. 262-2 et, d’autre part, qu’il est sans emploi ou ne tire de l’exercice d’une activité professionnelle que des revenus inférieurs à une limite fixée par décret, de rechercher un emploi, d’entreprendre les démarches nécessaires à la création de sa propre activité ou d’entreprendre les actions nécessaires à une meilleure insertion sociale ou professionnelle. [...]

Article L262-29

Le président du conseil général oriente le bénéficiaire du revenu de solidarité active tenu aux obligations définies à l’article L. 262-28 :

1° De façon prioritaire, lorsqu’il est disponible pour occuper un emploi au sens des articles L. 5411-6 et L. 5411-7 du code du travail ou pour créer sa propre activité, soit vers l’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du même code, soit, si le département décide d’y recourir, vers l’un des organismes de placement mentionnés au 1° de l’article L. 5311-4 du même code, notamment une maison de l’emploi ou, à défaut, une personne morale gestionnaire d’un plan local pluriannuel pour l’insertion et l’emploi, ou vers un autre organisme participant au service public de l’emploi mentionné aux 3° et 4° du même article ou encore vers un des réseaux d’appui à la création et au développement des entreprises mentionnés à l’article 200 octies du code général des impôts ;

2° Lorsqu’il apparaît que des difficultés tenant notamment aux conditions de logement, à l’absence de logement ou à son état de santé font temporairement obstacle à son engagement dans une démarche de recherche d’emploi, vers les autorités ou organismes compétents en matière d’insertion sociale.

Ce qui explique la création d’un nouveau fichier afin de rassembler des informations, « contrôler » les déclarations des postulants et des bénéficiaires et « lutter contre la fraude ».

Le traitement @RSA

Comme la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) l’a écrit dans sa délibération du 4 juin 2009, ce nouveau traitement, créé par le décret du 18 juin 2009, a pour finalité « notamment la mise en commun des données à caractère personnel et d’informations détenues par les organismes instructeurs du RSA et Pôle Emploi », pour permettre d’instruire les demandes et faciliter l’orientation des demandeurs vers un accompagnement social et professionnel adapté.

La gestion de ce traitement est confiée à la CNAF (Caisse Nationale des Allocations Familiales).
L’identifiant utilisé est le NIR (numéro de sécurité sociale).
Un droit d’accès et de rectification est prévu mais il n’y a pas de droit d’opposition.
@RSA ne conserve les données que le temps nécessaire à leur validation d’une part, à leur transmission au département et aux organismes chargés du service de la prestation d’autre part. En revanche, les CAF peuvent les conserver pendant 3 ans.

Comme la CNIL le signale, il appartient « à chaque département de décider de l’opportunité de recourir ou non à ce traitement sur son territoire ». Le décret ne comporte d’ailleurs pas de limitation de durée pour la conservation des données par les Conseils généraux.

Sous-section 2 : Traitement de données à caractère personnel @RSA  [3]

Article R262-103

Les catégories de données à caractère personnel relatives aux bénéficiaires enregistrées dans le cadre du module d’instruction sont celles permettant d’identifier le bénéficiaire ainsi que, le cas échéant, les autres membres du foyer, et de vérifier le respect des conditions d’ouverture du droit au revenu de solidarité active, soit, pour chacun des membres du foyer :

  1. Le nom de famille et, le cas échéant, le nom marital ou le nom d’usage, les prénoms, la date et le lieu de naissance, ainsi que la situation familiale du bénéficiaire ;
  2. Le numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ;
  3. La nationalité, sous l’une des formes suivantes :
    • a) Français ;
    • b) Ressortissant d’un Etat membre de l’Union européenne ou partie à l’Espace économique européen ;
    • c) Ressortissant d’un Etat tiers ;
  4. L’adresse et la situation au regard du logement ;
  5. Les éléments relatifs aux ressources et aux droits à pension alimentaire ;
  6. La situation professionnelle.

Les données à caractère personnel mentionnées ci-dessus peuvent être importées automatiquement à partir du traitement automatisé de données mis en oeuvre par Pôle emploi et dénommé " AIDA (accès intégré aux données des Assedic) " ainsi qu’à partir de traitements automatisés de données mis en oeuvre par les organismes chargés du service du revenu de solidarité active pour la gestion des prestations familiales.

Article R262-104

Les données à caractère personnel et informations relatives aux bénéficiaires enregistrées dans le cadre du module d’aide à l’orientation sont celles prévues par le référentiel commun d’aide à la décision mentionné à l’article R. 262-66. Ces données et informations relèvent des catégories suivantes :

  1. Situation antérieure à la demande de revenu de solidarité active et justifiant celle-ci ;
  2. Déclaration de la personne sur l’existence ou la perception de difficultés susceptibles de faire obstacle à son insertion professionnelle :
    • a) Problèmes de santé ;
    • b) Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé ;
    • c) Difficultés de lecture, d’écriture ou de compréhension du français ;
    • d) Difficultés à faire les démarches administ
      ratives ;
    • e) Endettement ;
    • f) Autres types de difficultés.
      Ces rubriques, à l’exception de la dernière, sont renseignées par " OUI ” ou par " NON ” ;
  3. Bénéfice d’actions d’accompagnement et nature de cet accompagnement ;
  4. Difficultés de disponibilité liées à la garde d’enfants ou de proches dépendants ;
  5. Informations relatives au logement et à la capacité du foyer à faire face à ses charges ;
  6. Informations relatives au niveau d’études et aux compétences professionnelles ;
  7. Informations relatives à la situation professionnelle actuelle et à celle recherchée ;
  8. Informations relatives à la mobilité.

Les données personnelles de la première catégorie, relatives à l’instruction administratives de la demande, sont donc en principe obtenues par interconnexion de fichiers.

En revanche, pour les informations de la seconde catégorie, dont l’objet est de permettre de préparer la décision d’orientation des bénéficiaires du RSA qui sera prise par le président du conseil général, deux situations se présentent : si les premières réponses (par OUI ou par NON) peuvent être fournies par le demandeur, les réponses aux questions suivantes abordant les « difficultés susceptibles de faire obstacle à l’insertion professionnelle » posent problème : quelle est l’origine des informations ? qui instruit ce dossier ?

Le passage des anciens fichiers informatiques RMI au traitement @RSA a complètement changé la situation. D’une part, il n’y avait pas d’interconnexion entre les fichiers des CAF, du Pôle emploi et des Conseils généraux, permettant des échanges d’informations confidentielles. D’autre part, il n’existait pas alors de fichier national répertoriant les difficultés personnelles déclarées ou présumées de chaque demandeur.

Les questions d’Agnès

A travers les commentaires qu’elle a rassemblés dans « Non au nouveau FICHIER SOCIAL @RSA ! », Agnès pose la question de l’instruction des dossiers : le transfert de leur traitement à un processus informatique, sur la base d’informations saisies sans procédure contradictoire, n’est-il pas la porte ouverte au fichage arbitraire et à la délation, dans le social ?

Et de comparer la situation actuelle à celle d’il y a 21 ans :

  • « En 1988, la loi RMI nouvellement créée donnait 3 MOIS, au travailleur social et à l’usager, pour construire ensemble et présenter sa première piste de projet d’insertion dans un domaine quelconque qui le motivait. Elle était étudiée anonymement par une commission, la Commission locale d’insertion (CLI). Les politiques voulaient que le RMI serve à aider les bons pauvres méritants. Le travailleur social était chargé de prendre son temps pour y veiller. »
  • Aujourd’hui, « la philosophie a changé ». « La loi RSA et le décret du 18 juin mettent en place un dispositif supposé préparer en 5 MINUTES une orientation d’insertion, par le moyen d’un grand fichier informatique » qui fera le « tri ». « Le Travail social n’est plus sollicité. [...] Peu importe l’humain. »

P.-S.

Références

  • Décret n° 2009-716 du 18 juin 2009 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel accompagnant la mise en œuvre du revenu de solidarité active et portant diverses dispositions de coordination http://www.legifrance.gouv.fr/affic...
  • Délibération n°2009-327 du 4 juin 2009 de la Cnil portant avis sur le projet de décret précédent et un projet d’arrêté relatif à l’Echantillon National Interrégimes d’Allocataires de Minima Sociaux (ENIAMS) :
    http://www.legifrance.gouv.fr/affic... [4].

Notes

[4La Cnil n’a été saisie pour avis du projet de décret que le 27 avril 2009.


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