le RNCPS : un grand pas vers le fichage généralisé


article de la rubrique Big Brother > l’administration et les données personnelles
date de publication : vendredi 16 octobre 2015
version imprimable : imprimer


Depuis plusieurs années, on nous annonce la création, au nom de la lute contre la fraude, d’un fichier généralisé des allocataires qui recense toutes les prestations sociales perçues.

En réalité, cela fait plusieurs années que ce nouveau fichage généralisé de la population est en chantier sous le nom de Répertoire National Commun de la Protection Sociale (RNCPS). Créé par une loi du 21 décembre 2006, le RNCPS a pour objectif de croiser des informations concernant les prestations sociales versées aux personnes.

Un pas de plus a été franchi en novembre 2014 : l’Assemblée nationale a adopté à l’unanimité le principe de l’interconnexion automatique des données concernant les montants des prestations sociales et leur vérification par croisement avec les données du fisc. Le caractère automatique permettrait d’utiliser le RNCPS pour lutter contre la fraude fiscale ou sociale. Il est prévu que cette mesure s’applique dès le 1er janvier 2016.
Ci-dessous, deux articles sur le sujet.


Lutte contre la fraude : les fichiers sociaux vont être systématiquement croisés

par S. G. - Les Échos, le 28 octobre 2014


Les montants des allocations et des aides seront échangés automatiquement et recoupés avec les données du fisc. Les députés ont voté la mesure à l’unanimité après que le gouvernement s’est rangé à la « sagesse » de l’Assemblée.

Recouvrer l’argent des fraudeurs pour sauver la Sécurité sociale. C’est le leitmotiv du député UMP Pierre Morange, le président de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la Sécurité sociale (Mecss). Sa proposition d’échange automatisé des données sur les montants des prestations sociales et sanitaires entre les divers organismes qui les versent a été votée à l’unanimité jeudi à l’Assemblée nationale, par 39 voix.

L’impact potentiel d’une telle mesure qui entrerait en vigueur le 1er janvier 2016 - n’a pas été chiffré, mais il pourrait être important. Les prestations sociales s’élèvent à 80 milliards d’euros par an et la fraude tourne probablement autour de 5 milliards. Il y a des attestations de carte Vitale falsifiées, des professionnels de santé qui trafiquent la nomenclature des feuilles de soin ou des actes fictifs. Il y a aussi des allocataires qui travaillent au noir et touchent du chômage, ou un minimum social (RSA, vieillesse). Une personne vivant en concubinage peut se déclarer isolée et toucher une aide personnalisée au logement. « Avec la Mecss, nous avons obtenu en 2012 qu’on ne se limite pas au contrôle des brosses à dents, mais qu’on s’assure que la personne qui paie les factures d’eau, d’électricité, d’assurance est la même, rappelle Pierre Morange. Toutefois la lutte contre la fraude n’est efficace que si l’on peut croiser les données de manière systématique. »

La plate-forme d’échange d’informations existe depuis 2007, c’est le répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), qui interconnecte des centaines de caisses (famille, vieillesse, invalidité, chômage, congés payés...) et permet de croiser les données avec le fisc tout en préservant la confidentialité des données. Mais la transmission des données sur les montants n’est pas automatique.

Le gouvernement mitigé

La mesure n’avait pas le soutien du gouvernement au départ. La secrétaire d’Etat à la Famille, Laurence Rossignol, a évoqué en séance « des incertitudes juridiques que la Commission nationale informatique et libertés ne manquerait pas de soulever  ».« Vous ne pouvez pas nous dire que la CNIL n’est pas d’accord. Nous l’avons vue dix fois  », a répliqué Dominique Tian (UMP) auteur d’un amendement similaire [1]. Voyant que sa famille politique soutenait elle aussi la mesure, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, a déclaré s’en « remettre à la sagesse de l’Assemblée  », et l’amendement porté par Gérard Bapt a été voté.

«  C’est une mesure importante si elle est mise en oeuvre sur le terrain, tempère une source parlementaire. Elle a déjà plus ou moins été inscrite dans la loi en 2012 sans être appliquée. » Depuis quatre ans, les députés militent en effet pour l’automatisation, mais les gouvernements successifs freinent, afin de ne pas passer pour ceux qui lancent la « chasse aux pauvres ».« Cela devait arriver, commente Gérard Rivière, syndicaliste FO. Sans les montants, c’était un fichier boiteux. Au lieu de stigmatiser quelques-uns, j’aurais aimé qu’on déploie la même énergie contre la fraude aux cotisations sociales », regrette-t-il. Elle s’élève probablement à 20 milliards d’euros.


Les prestations familiales : ce qui va simplifier votre vie

Le mag du droit familial, magazine de la MAIF, août 2015


Des mesures de simplification pour faciliter la relation des Français avec les administrations vont être mises en place. Certaines concernent l’attribution des prestations de la Caisse d’Allocations Familiales (Caf).

Moins de déclarations pour les ayants-droits

Des échanges d’informations via Internet entre le fisc, les offices HLM, les maisons départementales du handicap et la Caisse d’Allocations Familiales se multiplient. Grâce à ces échanges de données, les familles vont voir certaines démarches administratives grandement allégées, voire même disparaître.

La principale mesure de simplification vise la déclaration des revenus à la Caisse d’Allocations Familiales. Lors d’une demande de prestations, la Caf faisait jusqu’à présent remplir une déclaration de revenus à la famille. Pour un dépôt de dossier entre août et novembre, il était même nécessaire de refaire la déclaration au début de l’année suivante. Courant 2016, ces obligations disparaîtront. La Caf obtiendra les informations, de façon dématérialisée, directement auprès des services fiscaux… à condition naturellement que le demandeur ait fait sa déclaration de revenus.

Une autre mesure concerne les personnes handicapées. Elles doivent fournir leur carte d’invalidité à la Caf pour obtenir l’Allocation pour Adulte Handicapé (AAH). Fin 2015, ce justificatif ne devrait plus être demandé. La Caf obtiendra directement l’information auprès de l’administration fiscale où les titulaires de la carte d’invalidité sont identifiés (cette carte donne droit à un abattement sur le montant des revenus pour le calcul de l’impôt).

Par ailleurs, les locataires d’un logement HLM n’auront plus besoin de demander par écrit l’Aide Personnalisé au Logement (APL) à la Caf. D’ici fin 2015, il sera possible de demander au bailleur (l’office HLM) de transmettre directement sa demande à la Caf.

Des échanges facilités

Il est désormais possible de signaler son déménagement à la Caf et de modifier ses coordonnées en ligne sur le site www.caf.fr. Il est également possible de transmettre une demande d’allocation et les pièces justificatives indispensables à l’étude de ses droits.

Dans le courant de l’année 2016, sera organisée une transmission dématérialisée d’informations entre la Caf et la maison départementale des personnes handicapées par laquelle transitent les demandes de prestations ou de reconnaissance du handicap.

Assouplissement des conditions d’accès aux allocations

L’allocation de rentrée scolaire est accordée, sous condition de ressources, aux familles ayant un enfant âgé de 6 ans minimum. Pour l’obtenir, il fallait jusqu’ici que ce dernier soit à l’école primaire. Désormais, cette condition disparait et les enfants handicapés dont le maintien en école maternelle est décidé peuvent bénéficier de cette allocation.

L’AAH (Allocation Adulte Handicapé) est destinée à assurer un minimum de ressources aux personnes handicapées en âge de travailler. Pour en bénéficier, celles-ci doivent présenter un taux d’incapacité d’au moins 80% ou compris entre 50 et 80%. Dans ce dernier cas, une condition d’accès est de rencontrer des difficultés importantes pour trouver un emploi en raison de leur handicap (impossibilité d’aménager le poste de travail pour compenser le handicap, par exemple). Jusqu’ici, les personnes ayant un taux d’incapacité compris entre 50 et 80% devaient renouveler leur demande d’AAH tous les deux ans. Désormais, elles pourront le faire tous les 5 ans comme pour les personnes handicapées à 80% et plus.


Notes

[1[Note de LDH-Toulon] — Le député Dominique Tian semble particulièrement sensibilisé à la lutte contre la fraude sociale. Voici ce qu’il écrivait, le 29 juin 2011, dans un rapport d’information à l’Assemblée nationale :

« la fraude sociale ne constitue pas seulement une perte de ressources très importante et une masse considérable de dépenses injustifiées pour nos finances sociales, elle est aussi source d’injustice, de déséquilibre économique et plus fondamentalement elle sape la confiance des assurés dans notre système de protection sociale. Nos concitoyens, à juste titre, en ces temps de crise, ne l’acceptent plus. »

Mais on a appris récemment l’ouverture par le Parquet de Paris d’une enquête préliminaire à son endroit concernant ses avoirs à l’étranger : la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a fait part au procureur, le 17 avril 2015, d’un « doute sérieux quant à l’exhaustivité, l’exactitude et la sincérité de sa déclaration de situation patrimoniale ».


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP