l’accueil des étrangers à la préfecture du Var


article de la rubrique les étrangers > à la préfecture du Var
date de publication : mercredi 31 octobre 2007
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Depuis plusieurs années des personnes se plaignent de l’accueil qui leur est réservé de la part d’un agent du guichet n° 10 du bureau des étrangers de la préfecture de Toulon. Bruno Maranzana, conseiller général du Var, ayant été à plusieurs reprises témoin d’un comportement incompatible avec des fonctions d’accueil du public, a d’abord tenté de sensibiliser plusieurs préfets successifs. Ses démarches étant restées sans effet, il a saisi Madame Alliot-Marie, Ministre de l’Intérieur, qui lui a répondu le 2 août dernier qu’elle faisait procéder à un examen approprié de cette question [1].

La situation n’ayant pas évolué, Bruno Maranzana a convoqué une conférence de presse le 25 octobre 2007, au cours de laquelle, après avoir exposé publiquement certains faits, confirmés par des témoignages, il a annoncé qu’il venait de saisir le Président de la République ainsi que la Secrétaire d’Etat chargée des droits de l’Homme, Rama Yade.

La section toulonnaise de la Ligue des droits de l’Homme s’est associée à cette démarche, trois de ses membres dont la présidente ayant participé à la conférence de presse.

[Mise en ligne le 27 oct. 07, complétée par l’article de Var-Matin, le 31 oct. 07]

Discrimination : Bruno Maranzana saisit le président de la République

par Catherine H.-Blanchard, Var Matin, 31 oct. 07

Le conseiller général toulonnais Bruno Maranzana (PS) vient de saisir Nicolas Sarkozy, président de la République, et Rama Yade, secrétaire d’Etat chargée des Droits de l’homme, d’un problème d’accueil au bureau des étrangers de la préfecture varoise.
Un accueil qu’il estime « indigne d’un service de la République ».

Des comportements indignes

« Les faits ne sont pas nouveaux et n’ont absolument rien de politique », a t-il tenu à souligner lors d’une conférence de presse dans
son bureau. « Depuis plusieurs années, les usagers rencontrent des situations que je ne saurais qualifier de la part du personnel d’accueil. Pour être très précis, il s’agit du guichet N° 10 », écrit-il dans son courrier adressé au chef de l’Etat. « Le fonctionnaire en question s’autorise des comportements verbaux indignes du service public et qui s’apparentent trop souvent à des propos discriminatoires. »

Les préfets saisis

Le conseiller général indique qu’il est régulièrement témoin des « frasques de cet agent », les bureaux de la gauche étant si¬tués au-dessus même du bureau d’accueil des étrangers de la préfecture.

Il insiste aussi sur le fait qu’un seul agent est concerné, tous les autres étant parfaitement corrects avec le public. « Dans un premier temps, j’avais saisi la chef de service, mais cela n’a pas eu d’effet. J’ai saisi tous les préfets successifs ainsi que leurs secrétaires généraux, en vain. »

« Comme des moins que rien »

Dernièrement, Bruno Maranzana a découvert l’existence d’un cahier de doléances disposé à l’entrée du bureau des étrangers. « Edifiant ».

Il a contacté plusieurs des personnes qui avaient laissé leurs coordonnées au cas où... Quelques-unes sont venues témoigner lors de la conférence de presse : « manque de respect », « mépris », « tutoiement ». « Il lui arrive de dire que c’est lui qui décide si on va avoir les papiers ou pas. Il nous fait revenir » raconte un usager. « Quelquefois, il vous jette les papiers à la figure » précise un autre. « On est traités comme des moins que rien, surtout les vieux » [2].

En juillet, Bruno Maranzana avait adressé un premier courrier à Michèle Alliot-Marie. La ministre de l’Intérieur avait répondu qu’elle allait faire « procéder à un examen approprié de cette question  ».

N’ayant pas eu plus de nouvelles, l’élu varois a préféré porter les faits à la connaissance du Président, indiquant qu’il n’était pas ici question « d’approuver ou non les lois régissant l’immigration. La loi est souveraine. Les agents doivent la faire appliquer sans mépris et avec respect. »

Le préfet du Var dément

Alertée de la démarche du conseiller général Bruno Maranzana, la préfecture a fait parvenir à l’ensemble de la presse, un communiqué qui dément les différents témoignages que nous avons recueillis : « Bruno Maranzana porte à l’encontre de l’ensemble des fonctionnaires du bureau des nationalités des accusations graves, alors que les agents de ce service font preuve au quotidien de patience et de compétence, ce que nul ne peut contredire [3]
. (...) S’il est exact que les délais de traitement des dossiers peuvent être longs, il est inadmissible d’affirmer que les agents dissimulent des documents, qu’ils insultent ou menacent les usagers ou guichet ou encore qu’ils les obligent à se déplacer plusieurs fois sans raison. (...) Aucun élément ne permet aujourd’hui d’avancer de bonne foi que le service rendu aux étrangers par la préfecture du Var ne respecterait pas les lois et les principes de la République.
 »

Catherine H.-Blanchard
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L’édition locale de Toulon du 19/20 de France 3, vendredi 26 octobre 2007.

« Nous sommes traités moins qu’un chien »

Préfecture : Bruno Maranzana saisit le président de la République sur le mauvais
accueil des étrangers.

par Guy Mouisse, La Marseillaise du 27 octobre 2007

Le conseiller général et municipal (PS) Bruno Maranzana a, jeudi soir, depuis son bureau au Conseil général, mis sur la table les problèmes que rencontrent les étrangers au guichet numéro 10. Un problème récurrent qui est dénoncé depuis plus de cinq ans par l’élu auprès des différents préfets. Mais à ce jour rien n’a changé, tout au contraire.

Les bureaux des élus de la gauche du Conseil général se trouvent en préfecture juste au-dessus du guichet des étrangers.

« Nous sommes témoins de propos injurieux, outranciers, les personnes d’un certain âge se font jeter ; le tutoiement est de règle. J’en ai parlé à la chef de service, qui s’est retranchée derrière son titre tout en protégeant son personnel. J’ai saisi les différents préfets, mais en vain. »

Voulant privilégier la discussion et pensant que la préfecture déplacerait la personne mise en cause, Bruno Maranzana s’aperçoit qu’il se heurte à un mur d’incompréhension

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Des photocopies du cahier de doléances.

« Nous sommes mal reçus ! »

Après avoir pris récemment connaissance de l’édifiant cahier de doléances de la préfecture, l’élu a contacté différentes personnes qui ont accepté de témoigner jeudi soir sous couvert d’anonymat. Elles parlent pour tous ceux qui ne maîtrisent pas la langue française ou qui ont peur — on peut le comprendre.

Tous ressentent une humiliation qui n’a pas sa place dans l’édifice qui représente à Toulon la République française, pays des droits de l’Homme.

« Le monsieur qui accueille au service des titres de séjours est très
désagréable. Il vous traite moins qu’un chien. Il donne une très mauvaise image de la France ...
 ».

«  C’est la deuxième fois que je viens afin de prolonger mon récépissé de titre de séjour qui a expiré, ça fait déjà une semaine. Le monsieur responsable du service étranger ne veut pas me le prolonger alors que c’est tout à fait normal de prolonger ce récépissé afin de pouvoir voyager...  ».

Pour une autre : « Nous sommes deux étudiantes marocaines qui souhaitons prolonger notre récépissé de carte de séjour, afin de pouvoir rentrer chez nous pour les vacances ; mais le monsieur responsable de ce service a été très désagréable avec nous, en nous disant : c’est moi le responsable, je ne prolonge pas de récépissé, point ! Pourquoi cette réponse ?  ».

La courtoisie devrait être la règle

Bruno Maranzana reconnaît que ce service n’est pas facile « c’est complexe  »,
que l’accueil en bas «  est loin d’être satisfaisant, mais la correction,
le vouvoiement, le respect de l’individu doit être une règle
 ».
Et l’élu de dénoncer aussi « l’inertie et le blocage des dossiers. Il n’est pas normal que l’on fasse revenir deux, trois, voire quatre fois une personne pour le renouvellement de sa carte de séjour ».

Et pour qu’il n’y ait pas de confusion sur sa démarche, Bruno Maranzana indique : « Ce n’est pas sur l’application de la loi sur l’immigration que j’interviens, mais bien sur l’accueil dans ce service  ». Et les plaignants de rassurer : «  On ne conteste pas les lois, mais on veut être respecté. Ce problème nous le rencontrons avec seulement deux personnes car les autres agents de ce service sont très bien ».

Devant la persistance des faits, alors qu’il a interpellé par courrier le Ministre de l’intérieur Michèle Alliot-Marie
en juillet, Bruno Maranzana vient d’écrire à Nicolas Sarkozy ainsi qu’à Rama Yade,
secrétaire d’Etat chargée des affaires étrangères et des droits de l’homme «  pour qu’enfin les étrangers soient accueillis dignement ».

Guy Mouisse

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A cette occasion, la section toulonnaise de la Ligue des droits de l’Homme a diffusé le texte suivant :

Pouvons-nous rappeler ce que l’évêque de Toulouse faisait lire dans les églises en août 1942 : « Les étrangers sont des hommes, les étrangères sont des femmes. Tout n’est pas permis contre eux, contre ces hommes, contre ces femmes, contre ces pères et mères de famille. Ils font partie du genre humain. »

La situation aujourd’hui n’est évidemment pas celle de 1942, mais l’exigence est la même : les étrangers, mêmes sans-papiers, font partie du genre humain et doivent être respectés. Y compris à l’accueil de la préfecture du Var !

Les étrangers y arrivent des quatre coins du monde après bien des souffrances. « Préfecture »... la fin d’un long parcours.... et l’espoir enfin d’obtenir un papier leur permettant de vivre décemment...C’est toujours la peur au ventre que la plupart des étrangers se rendent à la Préfecture...

Tutoiement, sécheresse du ton, réponses expéditives et sans nuance à des personnes qui viennent très tôt le matin de tout le département, qui ne maîtrisent pas toujours notre langue… Ces hommes, ces femmes qui vivent des situations relevant de parcours de combattants méritent d’être écoutés, respectés ; ils ont le droit d’obtenir des renseignements tenant compte de leur difficultés de compréhension, et de leur stress.

Certes c’est un poste difficile où les tensions sont fortes. Le personnel doit avoir reçu une formation spécifique : il lui faut non seulement être compétent mais également posséder les qualités nécessaires pour accueillir et répondre aux demandes.

Nous demandons que l’accueil des étrangers à la Préfecture du Var ne soit plus jugé « indigne » par de nombreux Varois et ... des étrangers le plus souvent dans la précarité.

Toulon, le 25 octobre 2007

Notes

[1La réponse de Madame Alliot-Marie :

La réponse de Michèle Alliot-Marie, en date du 2 août 2007.

[2Nous gardons volontairement leur anonymat. [Note de C. H.- Blanchard]

[3Effectivement, l’élu toulonnais et les témoins parlent d’un seul fonctionnaire et soulignent que les autres sont au contraire très accueillants. [Note de C. H.- Blanchard]


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