Toulon-Timisoara pour 36 Roms


article de la rubrique les étrangers > à la préfecture du Var
date de publication : dimanche 23 mars 2008
version imprimable : imprimer


Trente-six Roms, dont deux enfants, ont été reconduits en Roumanie, mercredi 19 mars à cinq heures du matin. Ils ont pris le bus pour Marignane. Là un avion les attendait pour les reconduire à Timisoara, à l’Ouest de la Roumanie. Selon la préfecture du Var, ces Roms, qui vivaient de manière précaire à Toulon, ont « bénéficié de la procédure de rapatriement humanitaire » : 300 euros ont été versés à chaque adulte, ainsi que 100 euros par enfant, « au titre de l’aide au retour » dans leur pays natal.


La journée ils mendient, le soir ils dorment dehors ou dans des squats. Les familles de Roms vivent souvent dans une précarité extrême. (Ph. Gérard Raynaud)

Communauté roms : départ offert ou escale précaire

par Mathieu Dalaine, Var Matin, vendredi 21 mars 2008

Une centaine de Roms vivraient sur l’aire toulonnaise. Un nombre qui varie, notamment au gré des « retours humanitaires ».

Cela ressemble à un grand départ mais, pour eux, ce n’est qu’un voyage de plus. Ni le premier, ni le dernier. Mercredi à l’aube, trente-six Roms sont montés dans un bus qui les a déposés à l’aéroport de Marignane. De là, direction Timisoara et l’extrême est de la Roumanie.

Depuis le début de l’année, soixante ressortissants roumains ont ainsi accepté « le retour humanitaire » : en échange d’une prime de 300 € pour les adultes et 100 € pour les enfants (qui ne peut être perçue qu’une seule fois), l’État français reconduit les volontaires dans leur pays natal.

Objectif officiel de la préfecture : « éliminer les poches de pauvreté »
 [1] et « permettre aux étrangers en situation de grande précarité de rentrer dans leur pays d’origine. »

À la Ligue des droits de l’Homme, on trouve le procédé plutôt choquant : «  Le préfet se vante ainsi de ses chiffres de reconduite frontière dans le département. Le côté humanitaire, il est laissé au Sichem et autres associations.  »

Le réseau Sichem (Service inter associatifs de coopération humanitaire pour les étrangers et les migrants) a effectivement signé, en décembre dernier, une convention avec la préfecture pour réaliser un état des lieux de la situation des Roms sur l’aire toulonnaise. L’association apporte aide d’urgence et soutien pour leur garantir des conditions de vie acceptable.

Sichem : « La mendicité n’est pas culturelle »

À Toulon, avec une dizaine de bénévoles, c’est à Fernand Koko, étudiant béninois, qu’incombe cette lourde tâche. Chaque jour, il va à la rencontre des populations Roms, tente d’établir «  des liens de confiance  » et d’améliorer les situations d’extrême précarité. « Nous servons d’intermédiaire avec le SAO, le Samu social, le Secours catholique, Promo Soins, les Amis de Jéricho...  »

Aujourd’hui, Fernand estime qu’une centaine de Roms vivent sur l’aire toulonnaise, «  même si leur nombre fluctue beaucoup.  » On les retrouve dans le centre ancien, sur une station-service désaffectée de Lagoubran ou encore sur le parvis du Zénith, où ils dorment dehors, avec femmes et enfants.

«  Sans logement, ils ne peuvent pas avoir de boulot. Il faut arrêter de croire que la mendicité est culturelle chez eux. Ils cherchent à survivre, c’est tout.  » Rares sont ceux qui ont « la chance » de travailler dans le BTP... « au black ». Pour les autres : la manche, l’indifférence voire le mépris des locaux, les préjugés, et le voyage, encore, quand «  ça ne marche plus  ».

Fernand Koko, lui, a appris à aimer ce peuple de nomades, qu’il dit solidaire, généreux et hospitalier. Comme le prévoit la convention, Sichem les aide à partir «  s’ils veulent partir  », les accompagne dans un dispositif d’intégration «  s’ils veulent rester  ».

Et notre étudiant d’expliquer : «  Certains préfèrent manger dans les poubelles ici plutôt que de revenir dans un pays pauvre qui les rejette. D’autres prennent le retour humanitaire comme une chance de revoir leur famille...  »

Mihai, un jeune Rom rencontré mardi soir avant de prendre le bus, nous confiait dans un français hésitant : « Aujourd’hui, France. Demain, Roumanie. Avril, Toulon encore : chez moi, trop misère...  »

Mathieu Dalaine

Un dispositif trompe-l’oeil ?

En 2007, le ministre de l’Immigration expliquait avoir du mal à atteindre l’objectif de 25 000 reconduites à la frontière. Il s’en était justifié en mettant en avant
« la difficulté d’expulser Roumains et Bulgares », dont les pays sont désormais membres de l’Union Européenne.

D’après plusieurs associations, dont la Ligue des droits de l’Homme ou le Gisti, «  il a trouvé une solution discriminatoire pour masquer ces expulsions  » avec une circulaire interministérielle datée du début de l’année dernière. Celle-ci permet d’utiliser des dispositifs d’aide au « retour humanitaire », via l’Anaem (Agence nationale d’accueil des étrangers et des migrations). Et depuis, ils se multiplient.

Notes

[1Le 1er janvier 2008, le préfet avait également déclaré dans nos colonnes : «  Dans ce département, nous avons atteint, et même nettement dépassé les objectifs qui nous avaient été fixés. Nous le faisons humainement mais sans états d’âme, en application de la loi.  »


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP