la LDH dénonce les conditions de rétention à Toulon


article de la rubrique les étrangers > à la préfecture du Var
date de publication : samedi 1er mars 2008
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Toulon ne possède pas de centre de rétention administrative (CRA), le plus proche étant celui de Marseille. Légalement, le Préfet du Var peut néanmoins placer les étrangers en local de rétention administrative (LRA) au commissariat de Toulon, pendant 48 heures au maximum, à la suite de quoi ils doivent être acheminés vers un CRA.

Mais l’état calamiteux des geôles de garde à vue du commissariat de Toulon ne permet pas aux étrangers en rétention d’exercer pleinement leurs droits. L’illégalité des conditions de rétention a conduit des juges de la détention et des libertés (JLD) à annuler des rétentions d’étrangers placés au LRA de Toulon, ne serait-ce que quelques heures. Depuis lors, la préfecture du Var transfère immédiatement les étrangers, dès la fin de leur garde à vue, vers le CRA le plus proche.

Et pourtant, certains étrangers sont encore placés au LRA de Toulon : la préfecture du Var réserve ce local illégal aux étrangers qui sont reconductibles à la frontière avant l’expiration du délai de 48 heures (c’est souvent le cas des étrangers interpellés en possession de leurs passeports). En effet, le JLD, seul capable d’annuler la procédure, n’a pas à être légalement saisi si l’étranger est reconduit à la frontière dans ce délai...
Ainsi donc, certains étrangers continuent à être retenus au LRA de Toulon, dans l’incapacité d’y exercer leurs droits, et ils sont reconduits à la frontière sans même qu’un juge ait pu les entendre !


Les conditions de rétention des sans-papiers sont « illégales »

par Catherine Pontone, Var Matin, 29 février 2008

La procédure

  1. Interpellation d’un étranger en situation irrégulière.
  2. Placement en garde à vue, dans les locaux du commissariat (de 24 à 48 h).
  3. A l’issue, arrêté du préfet, début du placement en rétention administrative (48 h maximum), notification de tous ses droits.
  4. Deux hypothèses :
    • Reconduite à la frontière. L’intéressé ne passe pas devant le juge des libertés et de la détention.
    • L’intéressé passe devant le juge qui décide soit de le libérer soit de le maintenir en rétention dans un centre comme celui de Marseille.

« C’est niet ! »

La réponse à notre demande de visiter les geôles de garde à vue au sous-sol du commissariat central toulonnais est sans appel. Et pour cause : « les conditions calamiteuses des geôles de garde à vue ne permettent pas aux étrangers placés en rétention administrative d’exercer pleinement leurs droits de manière effective et immédiate », dénonce Me Bruno Bochnakian. Leurs droits ? Cet avocat spécialisé dans la défense des étrangers, vice-président de la [section de Toulon de la] Ligue des droits de l’Homme, les connaît bien : libre accès à un téléphone, visite de la famille, possibilité de déposer une demande d’asile, de converser avec le consulat... Or l’espace du commissariat toulonnais, qui fait office, à titre temporaire, par arrêté préfectoral, de local de rétention administrative (LRA), n’est pas adapté.

Une situation reconnue par la Cour de cassation

Il ne remplit pas les conditions que requiert un centre de rétention administrative (CRA), comme celui de Marseille. «  Dans un CRA, l’étranger en situation irrégulière peut à tout moment s’adresser à un interprète, un conseiller, un médecin, communiquer etc. ce qui n’est pas le cas dans un commissariat où la confidentialité n’est pas de mise. » La Ligue des droits de l’Homme pointe du doigt depuis longtemps «  la violation des droits des étrangers dans les locaux de rétention administrative  ». Et la justice ne peut plus l’ignorer.

Trois arrêts de principe de la Cour de cassation, notamment celui du 31 janvier 2006, ont annulé les décisions des juges des libertés et de la détention (JLD) sur le maintien de rétention dans des locaux ne relevant pas de l’administration pénitentiaire, comme ceux de Toulon.

Les juges suivent

De nombreux magistrats se sont engouffrés dans la brèche. « Depuis ces arrêts de principe, ils ont été ainsi autorisés à vérifier le caractère effectif de l’exercice des droits des étrangers. De nombreux juges des libertés de Toulon et Marseille ont notamment annulé les rétentions administratives dès lors que les étrangers avaient été placés dans le LRA toulonnais », commente Me Bochnakian. L’un des motifs invoqués : « l’impossibilité compte tenu des conditions de rétention beaucoup plus strictes dans un commissariat de police, de s’assurer que l’intéressé a été en mesure d’exercer effectivement ses droits ».

L’étranger, présenté devant le juge, a alors toutes ses chances de recouvrer la liberté
même s’il est considéré toujours en situation irrégulière. « Il peut organiser valablement sa défense sur le fond ». «  Malheureusement, ils ignorent bien souvent leurs droits », ajoute François Nadiras, également vice-président de la [section de Toulon de la] Ligue des droits de l’Homme. Tous n’ont pas cette chance, comme l’étudiante Bing Yiang. La jeune Chinoise avait été reconduite à la frontière quelques heures à peine après son placement en rétention dans les locaux toulonnais. Cette situation l’a privée de passer devant un juge des libertés, susceptible d’annuler la procédure.

Catherine Pontone

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Var-Matin, le 13 février 2008.

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