Voir en ligne : {qu’est-ce qu’un Français}, par Patrick Weil
Jacqueline Amadi est une jeune Toulonnaise de 23 ans. Elle a fait ses études au Lycée hôtelier Saint-Louis jusqu’à BAC + 1 : elle a obtenu un baccalauréat technologique en 2002, puis une MCAR (Mention Complémentaire Accueil-Réception) en juillet 2003. Depuis lors et jusqu’à ces jours-ci, elle avait un emploi.
Elle est française - plus précisément, elle croyait l’être. La mairie de la Joliette à Marseille lui avait d’ailleurs délivré une carte d’identité en 2001. On peut même dire que Jacqueline est française depuis trois générations : son père Albert Amadi, bien que né aux Comores en 1956, est français par filiation de son propre père, Georges Amadi, né en 1904 à Trois Bassins (ile de la Réunion).
Mais aujourd’hui, Jacqueline ne sait plus ce qu’elle est : sa nationalité française a fait
Il y a quelques jours, Jacqueline et sa soeur Jeannette se sont vues confisquer leurs papiers d’identité par les autorités françaises à cause d’une erreur administrative (un problème de confusion de dates de naissance - voir ci-dessous l’article du journal la Provence). Jacqueline est convoquée au bureau des étrangers, à Marseille, le 10 décembre 2004.
Ne possédant plus de papiers d’identité, Jacqueline ne peut plus travailler ; son CDD étant arrivé à son terme, Jacqueline ne peut pas s’inscrire aux ASSEDIC.
Un comité de soutien est en cours de constitution à Toulon, autour des professeurs de son lycée, avec le soutien de la section LDH de Toulon.
Nous demandons que Jacqueline retrouve sa nationalité française !
par Alexandra Sefai [la Provence du 1er septembre 2004]
À son retour de congés, Jeannette s’est retrouvée, bien malgré elle, dans la peau d’une clandestine.
La scène pourrait être celle du tournage d’un film américain. Sauf que là, « c’était la vraie vie ». Il y a quelques jours, Jeannette Amadi, une Française de 21 ans, d’origine comorienne, rentre de vacances des Comores. Quand elle arrive à Marignane, avec deux de ses oncles et un ami de la famille, elle ne se doute pas des évènements qui vont suivre. Arrivée au poste de police de l’air aux frontières (PAF), c’est le choc.
Les policiers lui annoncent un problème de "nationalité" et lui demandent de patienter 5 minutes. Il faudra qu’elle attende trois quarts d’heure avant qu’on ne lui apprenne l’inconcevable. Elle est fichée dans la catégorie personne recherchée.
« Quelqu’un doit se balader avec votre identité m’explique-t-on. Nous devons vérifier, vous allez passer la nuit avec nous. »
Incrédule, elle poursuit : « Là, je me suis effondrée. Non pas que j’avais quelque chose à me reprocher mais parce que j’étais crevée après 17 heures de vol et que cela faisait 6 semaines que je n’avais pas vu ma famille. »
Son ami, Elie Buscail, 24 ans, derrière les vitres, ne peut qu’assurer l’intermédiaire entre Jeannette et sa sœur, Torine. La jeune femme, conduite dans les bureaux des douanes, enregistre sa déposition et livre ses empreintes.
« Les policiers ne semblaient pas comprendre pourquoi j’étais là. A la question, "de quelle nationalité êtes-vous ?" je ne pouvais que leur répondre : Française. " Du moins, jusqu’à aujourd’hui". » répète cette Aubagnaise depuis 16 ans et fille d’un Français. Mais en revanche, un officier m’a expliqué que l’on allait me renvoyer à Sanaa ... au Yémen ! L’horreur. »
Trois jours sans se laver ni se changer
Les procédures terminées, les policiers la dirigent vers une pièce noire de la zone d’attente, en sous sol. Sans bagages, sans rechanges. "Pendant plus de trois jours j’ai porté mêmes vêtements sans me laver. J’étais indisposée, le cauchemar. » Pendant ce temps, ses parents et ses sœurs, atterrés, tentent de débrouiller l’affaire : « Quand j’ai appris la nouvelle, j’ai d’abord cru à une blague ou à une erreur. On m’a accusée d’avoir falsifié l’acte de naissance. Je ne savais plus quoi faire, je me suis mise à pleurer. »
La famille Amadi trouve un avocat qui comprend l’urgence de l’affaire. Il se saisit du dossier et réunit les pièces dont une attestation du maire d’Aubagne en attendant la comparution de sa cliente devant le tribunal de grande instance de Marseille.
Elle quitte enfin sa cellule de 1’aéroport pour celle de la zone d’attente du centre de rétention d’Arenc.
« Pour le transfert, on m’a menottée comme une criminelle. Je pensais qu’ici c’était chez moi, et je me suis trompée », glisse-t-elle traumatisée.
Là-bas, elle prendra enfin une douche mais n’arrivera toujours pas à manger ni à dormir.
Pendant ces jours de rétention, elle a réussi à comprendre : une inversion de date de naissance avec son aînée et une suspicion de faux sur les actes de naissance sont la cause de sa mésaventure. « Les Comores commettent souvent des erreurs de ce genre », ragent ses parents. Sa sœur Jacqueline a dû, elle aussi, rendre ses papiers mais sans passer par la case "zone d’attente".
Lors de l’audience, « le juge m’a appris qu’un courrier avec accusé de réception m’avait été envoyé. Je l’ignorais, sinon croyez-vous que j’aurais pris le risque de sortir du territoire ? Comment voulez-vous que je sache qu’aux Comores, ils avaient commis une erreur ? Je savais que le tribunal de police m’avait refusé la nationalité française mais j’avais gardé mes papiers où tout était en règle [1] » Aujourd’hui, elle est astreinte à résider chez ses parent en attendant que sa situation soit régularisée, elle ne sait trop comment.
Communiqué de l’ANAFÉ [2], le 13 septembre 2004.
Zone d’attente :
Une jeune Comorienne de 15 ans est remise puis arrachée à sa mère pour être ensuite éloignée vers le Yémen
Y. H., jeune Comorienne de 15 ans, est arrivée le 4 septembre à l’aéroport Charles de Gaulle où l’attendait sa mère. Celle-ci est mariée avec un ressortissant Français et munie d’une carte de résidente de dix ans.
A son arrivée, Y. H. a été immédiatement enfermée dans la zone d’attente de Roissy. Le 8 septembre, le juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Bobigny a pris en considération cette situation et a autorisé les retrouvailles entre mère et fille.
Mais le Préfet de la Seine Saint Denis a fait appel de cette décision et, le 11 septembre, la cour d’appel de Paris annulait la décision du juge. Une nouvelle fois, Y. H. était arrachée à sa mère et placée en zone d’attente, menacée d’expulsion. Selon les personnes sur place à Roissy, la jeune fille serait partie ce matin dans les aérogares afin d’être éloignée vers le Yémen. Elle serait effectivement partie à destination de ce pays. L’Anafé a de son côté saisi immédiatement le juge pour enfants, le parquet mineur et la défenseur des enfants.
Le témoignage de la jeune Y.H est édifiant. Selon les informations données par sa mère, la jeune Y.H. vivait aux Comores chez une tante qui la maltraitait ; son père ne lui rendait jamais visite et avait confié l’autorité parentale à la mère. Lors de son retour aux Comores, Y. H. qui refuse de continuer à subir les maltraitances de sa tante, risque de se retrouver à la rue et dépourvue de toute protection et de toute assistance éducative.
Sa mère et son beau-père qui souhaitent prendre en charge son éducation avaient entrepris une procédure de regroupement familial qui n’aboutissait pas. Sensibles à la détresse de leur fille, ils l’ont fait venir en France ans attendre la fin de la procédure.
Pour l’ANAFE, le maintien en zone d’attente met toujours un mineur isolé en danger. La gravité de ce danger est criante dans le cas de cette enfant après trois jours de bonheur auprès de sa mère, brutalement interrompus.