statistiques sur les discriminations ethniques : la position de la LDH


article communiqué de la LDH  de la rubrique discriminations
date de publication : jeudi 22 novembre 2007
version imprimable : imprimer


La LDH a dénoncé l’insertion d’un article relatif aux statistiques dites « ethniques » dans une loi sur l’immigration promue par le ministère de l’Identité nationale — une loi qui porte atteinte aux grands principes de la République, de la restriction du regroupement familial aux tests ADN. Mais la LDH considère qu’on ne peut mettre sur le même plan l’amendement justement sanctionné par le Conseil constitutionnel, et une enquête visant à mesurer les discriminations.

[Première mise en ligne le 6 nov. 07, mise à jour le 22 nov. 07]

Communiqué de la LDH

Paris, le 22 novembre 2007

La LDH tiendra son université d’automne les 24 et 25 novembre sur le thème « Individus, communautés, République » [1]. La question des « statistiques ethniques » sera abordée dans un atelier qui aura lieu de 14h à 18h, le 24 novembre 2007 « Statistiques, communautés et discriminations. Mesurer, représenter la “ diversité ” ? » avec Jean-Michel Charpin, directeur général de l’INSEE (Institut national de la statistique et des études économiques) ; John Crowley, directeur exécutif, CIR (Centre interdisciplinaire de recherche comparative en sciences sociales) ; Pap Ndiaye, historien, maître de conférences à l’EHESS ; Véronique de Rudder, sociologue, chercheuse au CNRS-URMIS (Unité de recherches migrations et sociétés).

La LDH a déjà organisé un séminaire sur ce sujet avec des chercheurs aux opinions très diverses sur cette question, et dont le compte rendu figure sur son site [2]. Elle a été entendue par le CNIS au sujet de l’enquête TeO. L’avis du Conseil national de l’information statistique (CNIS) du 12 octobre dernier reprend l’essentiel des précautions sollicitées par la LDH.

La LDH a dénoncé l’insertion d’un article relatif aux statistiques dites « ethniques » dans une loi sur l’immigration promue par un ministère de l’Identité nationale, portant atteinte aux grands principes de la République, de la restriction du regroupement familial aux tests ADN. Le spectre de l’assignation raciste fait l’objet d’un débat public légitime. Mais la LDH considère que mettre sur le même plan l’amendement justement sanctionné par le Conseil constitutionnel, et une enquête visant à mesurer les discriminations, relève d’une désinformation. Cette enquête est basée sur des réponses anonymes et volontaires, et son objet n’est pas et ne doit pas être la création de catégories ethnoraciales. C’est le sens de l’avis du CNIS.

Le débat public sur les discriminations et les façons de les combattre a besoin d’une information de qualité sur les processus discriminatoires. La statistique publique a un rôle à jouer par les contributions qu’elle peut apporter. Les organisations antiracistes, légitimement vigilantes sur les modalités et les contenus de ces contributions, ne peuvent contribuer utilement au débat que si elles prennent en compte sérieusement la complexité des problèmes sans instrumentalisation partisane ni démagogique. La défense des droits ne passe ni par l’amalgame ni par des parallèles historiques insultants, mais par la connaissance et par l’action contre toutes les discriminations.

La LDH participe aux travaux du CNIS (Conseil national de l’information statistique) sur le projet d’enquête "Trajectoires et origines", et elle reste en contacts suivis avec l’intersyndicale de l’INSEE depuis des mois sur ce sujet.

L’enquête « Trajectoires et origines »

L’enquête sur la diversité des populations en France, intitulée « Trajectoires et origines des migrants et de leurs descendants » (TeO), est présentée sur le site du Cnis : http://www.cnis.fr/agenda/CR/CR_0401.pdf.

Compte-rendu de la réunion de la formation « démographie, conditions de vie » du CNIS du 12 octobre 2007 [3]

La formation « Démographie conditions de vie » du CNIS s’est réunie le 12 octobre 2007 pour débattre des questions sensibles de l’enquête « Trajectoires et origines des migrants et de leurs descendants » (TeO) sous la présidence de Robert Rochefort.

Elle a réuni 50 personnes dont de nombreux utilisateurs représentant la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil), la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde), la ligue des droits de l’homme, des parlementaires et des associations de lutte contre les discriminations, des organisations syndicales, des chercheurs et les producteurs de l’enquête de l’Insee et de l’Ined.

Stéfan Lollivier, rapporteur de la formation, a tout d’abord rappelé que cette enquête avait déjà reçu un avis d’opportunité favorable mais qu’il était apparu nécessaire que le Cnis fasse valoir son avis spécifiquement sur les questions sensibles de l’enquête portant sur la religion et la couleur de peau.

Après la présentation générale de TeO par Guy Desplanques, maître d’ouvrage pour l’Insee, Claude-Valentin Marie (Halde) et Jacqueline Costa-Lascoux ont à la fois rappelé dans quelles conditions de concertation le questionnaire avait été élaboré et expliqué en quoi cette enquête serait une avancée pour la connaissance de l’intégration et des discriminations et fait état de leurs remarques personnelles. Christophe Terrier, rapporteur du comité du label, a rendu compte du débat au comité du label, des modifications demandées et de l’avis de conformité obtenu par l’enquête sous réserve de l’avis du Cnis dont l’élaboration est inscrite à l’ordre du jour de la formation démographie conditions de vie réunie ce jour.

Enfin Patrick Simon, maître d’ouvrage à l’Ined a présenté les questions sensibles modifiées après l’avis du comité du label et Jean Pierre Le Gléau (Insee), les règles de diffusion spécifiques pour les questions sensibles.

Un débat riche et contradictoire a permis de confronter les points de vue aussi bien sur les questions sensibles, leur place et leur formulation que sur les modalités de diffusion des résultats. Le président a ainsi pu formuler une proposition d’avis de la formation qui juge inopportune l’élaboration par le SSP d’une nomenclature ethno-raciale de référence, réaffirme son soutien à l’enquête, et souhaite plusieurs améliorations au questionnaire afin de relativiser parmi l’ensemble des causes de discriminations celles relatives à l’origine.

Enfin les règles déontologiques de diffusion des résultats des questions sensibles sont précisées, notamment en référence aux règles adoptées par le conseil scientifique de la revue d’Economie et Statistique le 28 septembre 2005. De même sont spécifiées les conditions dans lesquelles les chercheurs auront accès aux fichiers, via la consultation systématique du conseil scientifique du comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales.

La position de la LDH

Le thermomètre n’est pas la cause de la fièvre, refuser toute mesure non seulement n’éviterait aucune aggravation mais contribuerait à la faciliter. La position défendue par la LDH au CNIS, et qui est parfaitement comprise des syndicats de statisticiens, est que l’enquête est nécessaire, que la connaissance des discriminations racistes doit être étayée par des informations statistiques actuellement insuffisantes, que dès lors les questions doivent viser non des "identités" ou des "essences" (au demeurant aussi insoutenables scientifiquement qu’éthiquement) mais des discriminations subies sur tel critère raciste (vous sentez-vous discriminé sur la base de telle couleur de peau, etc.), et nous avons suggéré que quelques questions soient reformulées en ce sens.

Le projet d’avis du CNIS reprend la position que la LDH a défendue devant lui.

Projet d’avis de la formation « Démographie, conditions de vie » du 12 octobre 2007 sur les questions sensibles de l’enquête « Trajectoires et origines »

Le Conseil réaffirme son soutien à la réalisation de l’enquête « Trajectoires et origines des migrants et de leurs descendants » (TeO) qui permettra de mieux appréhender en France métropolitaine les phénomènes d’intégration mais aussi de discriminations liées à l’origine y compris pour les populations originaires des DOM. Il prend acte de la large concertation organisée sur les questions « sensibles » de l’enquête au sein du Cnis. Dans l’état actuel de la réflexion et de la concertation sur les discriminations dont peuvent souffrir les personnes du fait de leur origine, il juge très inopportune l’élaboration par le système statistique public (SSP) d’une nomenclature ethno-raciale de référence, et recommande de recourir à des questions ouvertes pour appréhender la façon dont les personnes se perçoivent.

Il souhaite que plusieurs améliorations soient apportées au questionnaire pour que soient relativisées les discriminations liées à l’origine parmi l’ensemble des causes de discrimination. Dans cet esprit, il demande que la question ID9 du module « image de soi et regard des autres » sur les façons de se définir soit placée en tête du questionnaire et que la question ID2 sur la couleur de peau soit dédoublée en une question sur la propre perception du répondant et une question qui serait selon lui celle d’autrui.

Le Conseil prend acte que les services producteurs appliqueront des règles déontologiques spécifiques pour la publication de résultats portant sur les variables sensibles : en effet, la mesure des discriminations ne peut se contenter de se fonder sur l’observation des inégalités prises isolément, mais elle doit impérativement faire référence à une comparaison « toutes choses égales par ailleurs » selon les principes adoptés par le conseil scientifique de la revue Économie et Statistique le 28 septembre 2005. Il demande par ailleurs que le Conseil scientifique du Comité de concertation pour les données en sciences humaines et sociales soit consulté systématiquement avant de donner l’accès à ces variables sensibles pour des projets de recherche. Le Cnis sera informé des projets retenus par ce Conseil.

Notes

[1Les 24 et 25 novembre, à l’École normale supérieure, 29 rue d’Ulm 75005 Paris (Métro ligne 7, station Censier Daubenton ou Place Monge / RER B Luxembourg ou Port-Royal / Bus 21, 27 arrêt Feuillantines).

[3Source : les actualités publiées le 22 octobre 2007 sur le site du Cnis.


Suivre la vie du site  RSS 2.0 | le site national de la LDH | SPIP