Le Sénat a abordé l’examen de la proposition de loi prévoyant initialement d’abroger le délit de racolage instauré par Nicolas Sarkozy, et d’instaurer en contrepartie la pénalisation des clients. La commission spéciale du Sénat a réintégré le délit de racolage, pourtant décrié par les associations sur le terrain, et a rejeté la sanction des clients.
Communiqué commun
Ligue des droits de l’Homme (LDH)
Syndicat des avocats de France (Saf)
Syndicat de la magistrature (SM)PROTECTION DES PROSTITUÉ-E-S : NON À LA PÉNALISATION
Les 30 et 31 mars, le Sénat examinera la proposition de loi « renforçant la lutte contre le système prostitutionnel ».
Le délit de racolage passif pourrait être maintenu, et la pénalisation des clients introduite dans l’arsenal répressif.
Ces dispositions sont tout à la fois dangereuses et inefficaces.
Dangereuses, parce que l’instauration d’un délit de racolage contraint les personnes prostituées à la clandestinité pour éviter les contrôles de police, accroît leur vulnérabilité en les rejetant vers des lieux isolés et précaires, en les laissant à la merci des clients violents, et contribue à la dégradation de leur état de santé. De toute évidence, la pénalisation des clients aura exactement le même effet, puisque les prostitué-e-s chercheront à leur éviter la verbalisation.
Dangereuses, encore, parce que cette pénalisation s’attaquant à la prostitution de voie publique, encouragera la prostitution « indoor », qui favorise l’isolement des prostitué-e-s et les prive ainsi d’accès aux services et associations susceptibles de les aider.
Inefficaces, parce que les prostitué-e-s arrêté-e-s pour racolage ne dénoncent pas leurs proxénètes et qu’au contraire la multiplication des contrôles les conduit à se méfier de la police. Quant à leurs clients, ils ne seront pas en mesure de dénoncer des réseaux dont ils ignoreront tout. Or la lutte contre les réseaux de traite et le proxénétisme doit être la priorité absolue.
Nos organisations réaffirment que, s’agissant d’éducation et de sensibilité à l’égalité entre les êtres humains, le droit pénal, qui n’est pas le droit de la morale, ne peut être la solution.
Nous appelons donc les sénateurs à abroger le délit de racolage et à refuser d’introduire la pénalisation du client dans le Code pénal.
Paris, le 30 mars 2015
Une quinzaine de médecins appellent "à dépénaliser les personnes prostituées et pénaliser les acheteurs de sexe", dans une tribune publiée par le Journal du Dimanche.
« Dépénaliser les prostitué(e)s et pénaliser les acheteurs de sexe ». Tel est le titre d’une tribune publiée par une quinzaine de médecins dont le fondateur du SAMU social Xavier Emmanuelli et le généticien Axel Kahn, dans Journal du Dimanche.
« La prostitution est d’abord un nombre incalculable et quotidien de pénétrations vaginales, anales, buccales non désirées. La violence est inhérente à l’activité prostitutionnelle », écrivaient ces médecins à la veille de l’examen au Sénat d’une proposition de loi sur la prostitution.
« Une atteinte grave à la santé physique et psychologique »
« En matière de prostitution, le monde de la santé ne peut pas se contenter d’une approche de "réduction des risques". La prostitution est en soi une atteinte grave à la santé physique et psychologique qu’il faut faire reculer tout en protégeant ses victimes », estiment-ils.
Pour ces raisons les signataires de cette tribune appellent à « renforcer la lutte contre le proxénétisme », « supprimer les mesures répressives à l’encontre des personnes prostituées » et « interdire l’achat d’un acte sexuel qui permet d’imposer un acte sexuel par la contrainte financière ».
Vers un nouveau débat à l’Assemblée ?
Le débat a démarré, ce lundi au Sénat, où a été examinée la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la prostitution, dans une version fortement remaniée par rapport au texte initial, adopté en décembre 2013 à l’Assemblée. Et si la proposition de loi prévoyait initialement d’abroger le délit de racolage et d’instaurer en contrepartie la pénalisation des clients, la commission spéciale du Sénat a réintégré le délit de racolage et a rejeté toute sanction des clients.
En désaccord avec ces deux alternatives, la ministre des Affaires sociales, Marisol Touraine, qui a jugé, ce mardi sur France 2 « invraisemblable et régressif » de la part des sénateurs d’avoir « renoncé à la pénalisation des clients », a dit vouloir « clairement » la réintroduire la pénalisation des clients lors du retour du texte à l’Assemblée nationale.