la lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l’emploi


article de la rubrique discriminations
date de publication : jeudi 8 septembre 2005
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" La persistance du chômage dans notre pays, jointe aux poussées d’anxiété que suscitent les soubresauts du monde musulman, accentue les comportements discriminatoires et, en retour, les rancœurs chez leurs victimes. Nous avons tout à perdre quant à l’équilibre de notre société à laisser subsister ces iniquités sociales qui se doublent d’un gâchis économique".


Le rapport de la Commission présidée par Roger Fauroux

Au stade de l’embauche, l’origine ethnique, révélée par le faciès, le nom ou seulement l’adresse, est un handicap spécifique et particulièrement invalidant et ce, quel que soit le niveau d’études ou de qualification du candidat. Roger Fauroux constate que les discriminations raciales contribuent aux difficultés d’insertion professionnelles des personnes issues de l’immigration et que la lutte contre les discriminations et pour l’égalité des chances présente des évolutions particulièrement lentes malgré l’affirmation d’une volonté de tous les acteurs. " Passer des intentions aux actes ", tel est la volonté affichée par l’auteur qui regroupe ses propositions en six grands points : développement et mutualisation des outils permettant la prise de conscience, sensibilisation et formation des acteurs ; mesure de la diversité qui, sous certaines conditions, permettra une meilleure connaissance des personnels de l’entreprise ; réforme nécessaire des procédures de recrutement et de gestion des ressources humaines (par exemple l’anonymisation du CV et la méthode de recrutement par simulation) ; modalités d’un rapprochement entre les entreprises et les publics concernés ; intervention nécessaire des pouvoirs publics.

> Consulter le rapport : [ PDF] , 331 Ko.


Communiqué LDH

Paris, le 7 septembre 2005

Rapport Fauroux sur les discriminations racistes : une action gouvernementale globale plutôt que la chasse aux étrangers !

Le rapport de la commission Fauroux sur la « lutte contre les discriminations ethniques dans le domaine de l’emploi » a été remis ce jour au ministre de la Cohésion sociale.

La LDH ne peut que partager le constat sans complaisance dressé dans cet énième rapport, comme le déplorent les auteurs eux-mêmes.

Ces situations évoquées de manière impropre et maladroite comme discriminations « ethniques » sont, en fait, des actes de racisme au quotidien envers les noirs et les maghrébins. Ceux-ci sont mis à l’écart des emplois comme étrangers d’apparence. La LDH ne cesse, en particulier dans son rapport sur « L’état des droits de l’Homme en France en 2004 », de dénoncer et de combattre ces mécanismes pervers qui favorisent l’exclusion de toutes celles et de tous ceux qui ne seraient pas a priori comme la majorité des autres, en raison du sexe, de l’origine, de l’orientation sexuelle, du handicap, de la santé, ...

Les mesures proposées par le rapport de M. Fauroux ne sont pas nouvelles, ce catalogue rassemblant les expériences intéressantes menées depuis quelques années par quelques acteurs isolés et volontaires.

Comme le souligne ce rapport, l’État et les pouvoirs publics en général ont le devoir de permettre une action en profondeur et d’impulser la mobilisation nécessaire. Aussi, il leur incombe d’être exemplaires dans leur propre politique de recrutement et de promotion. Le maintien anachronique dans toutes les fonctions publiques d’emplois réservés montre les limites de l’engagement réel des pouvoirs publics.

La LDH rappelle donc l’urgence à ce que le gouvernement inscrive la lutte contre les discriminations dans une politique publique globale, active dans tous les champs ministériels. Toute la fonction publique devrait être formée à ces questions pour traduire dans son action interne et externe, nationale et locale, cette priorité donnée à l’égalité et à la diversité.

Si la HALDE peut aider à résoudre des cas individuels, sous réserve des moyens alloués et d’une information publique sur son activité, elle ne saurait porter seule cette politique qui doit rester l’affaire de l’ensemble de l’État.

Les établissements scolaires de formation professionnelle et continue doivent pouvoir bénéficier autour d’eux de l’aide et de l’intermédiation des services publics locaux pour l’emploi, des partenaires sociaux, des collectivités locales pour permettre à chaque jeune, quelle que soit son origine ou son apparence, un accès au monde de l’entreprise, du stage à l’embauche. Des chartes d’engagements par bassin d’emplois pourraient voir le jour, mobilisant tous les acteurs autour d’objectifs concrets, adaptés aux réalités de terrain, sous le contrôle des directions du travail dotées des moyens d’intervenir sur les sites avec un nombre accru d’inspecteurs pour mener à bien toutes leurs tâches.

Des campagnes régulières de sensibilisation doivent être engagées à l’initiative des pouvoirs publics, État et collectivités locales, en s’appuyant sur la capacité de relais et d’entraînement de la société civile et des associations.

La LDH rappelle, enfin, que la lutte contre les discriminations racistes est incompatible avec la stigmatisation des étrangers, et impose d’agir contre les inégalités sociales et territoriales. La mise à l’index constante de « l’étranger » par les pouvoirs publics conduit rapidement aux amalgames pervers qui frappent tous ceux et celles qui, Français ou non, vivent en France.

Un pavé contre la discrimination raciale

Le rapport Fauroux, remis aujourd’hui, pousse l’Etat à agir pour peser sur les employeurs.

Par Nathalie RAULIN [Libération, jeudi 8 septembre 2005]

La discrimination à l’embauche pour raison raciale est une réalité largement occultée. Le rapport que Roger Fauroux doit remettre ce matin au ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, est à cet égard édifiant. « La discrimination vis-à-vis des Maghrébins ou des Noirs, qu’ils soient français ou non, est, dans le domaine de l’emploi, largement et impunément pratiquée », note en préambule l’ancien président du Haut Conseil à l’intégration et président d’honneur de Saint-Gobain. Et de démonter pierre à pierre le mythe républicain de l’égalité des chances : selon un testing réalisé par l’Observatoire des discriminations en avril 2005, une candidate d’origine maghrébine, disposant d’un meilleur CV (major de promotion...), reçoit, pour un poste de commerciale, trois fois moins de convocations à un entretien que les candidats de référence et d’âge équivalents, « blancs de peau »...

Confiance aveugle. L’évidence n’en est toutefois pas une pour tout le monde. Entre confiance aveugle dans leur processus de recrutement et foi autoproclamée dans la République, une large majorité des employeurs ignore ou nie le phénomène, persuadée que l’évolution « naturelle » de la société remédiera aux éventuelles inégalités. Un optimisme que ne partage pas Roger Fauroux. Selon son rapport, la charte de promotion de la diversité, signée le 16 novembre 2004 à grand renfort médiatique par une quarantaine d’entreprises importantes ­ et depuis par une dizaine d’autres ­, « peine à prendre son envol ». Quant au recours à la répression, il s’avère largement inopérant, « en raison, principalement, des difficultés à caractériser l’intention délictueuse de l’auteur d’une discrimination ». Et si la création à l’automne dernier de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité va dans le bon sens, le rapport s’interroge sur ses moyens de gagner à sa cause des inspecteurs du travail et des magistrats « qui, manifestement, n’ont pas considéré jusqu’ici comme une priorité cette forme de délinquance ».

Pour Roger Fauroux, il est impératif de remédier à cette déconnexion entre la réalité des pratiques à l’embauche et leur perception. Pour modifier les représentations collectives, l’ancien ministre en appelle au « rôle d’entraînement » de la puissance publique. « La communication n’a jamais été à la hauteur des enjeux, regrette ainsi le rapport. La mobilisation des pouvoirs publics a été tardive, celle du monde économique est très récente. » A l’instar des campagnes contre le tabagisme ou l’insécurité routière, la lutte contre les discriminations devrait donc selon lui donner lieu à des interventions ministérielles répétées, relayées par une action publicitaire de grande ampleur. Et l’auteur de suggérer que soit inséré un message antidiscrimination à l’embauche aux annonces d’emploi publiées dans la presse ou en ligne. Une proposition qui nécessite une disposition législative.

Statistiques. Reste à identifier les réfractaires de mauvaise foi. Au risque d’alimenter la polémique, Roger Fauroux se dit favorable au recensement des minorités ethniques au sein des entreprises. Pour lui, seule une mesure de la diversité ­ dans le respect de la liberté de chacun à être identifié ou non selon ses origines ­ permettrait de comparer une statistique nationale aux données de chaque entreprise et par la suite de conduire des investigations sur la base des écarts constatés.

Enfin, l’ancien chef d’entreprise invite ses pairs à un examen de conscience. Dénonçant la « surévaluation des diplômes et de la culture générale » dans les processus d’embauche, Fauroux plaide pour des recrutements réalisés sur la base de CV anonymes et de simulations (la sélection s’opérant via un test unique), de sorte que soient mieux prises en compte les « habiletés » des candidats.


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