« on nous demande notre ADN pour nous dissuader de militer »


article de la rubrique Big Brother > fichage ADN - Fnaeg
date de publication : mercredi 10 décembre 2008
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Agriculteur à Villers-au-Tertre (Nord), Gabriel Dewalle comparaissait hier devant le tribunal correctionnel de Douai pour avoir refusé de donner une seconde fois son ADN – le premier prélèvement ayant été perdu par la police.

La condamnation que lui a infligée le tribunal (1 € d’amende ! [1]) confirme les déclarations du militant : «  Nos actions ne sont pas des crimes. On nous demande notre ADN pour nous dissuader de militer, par peur des tracasseries judiciaires. [...] Pour décourager et assagir la société par des mesures policières. »


Le producteur d’endives avait déjà donné son ADN en 2006. La justice lui réclamait un nouveau prélèvement.

Refus de (re)prélèvement d’ADN : 1 € d’amende pour le paysan militant

par F. G., La Voix du Nord le 10 décembre 2008

Membre actif de la confédération paysanne, Gabriel Dewalle participa au fauchage d’un champ de betterave OGM, à Avelin en 2001, pour «  rendre service à la collectivité ». En décembre 2006, avec six autres militants, il dérobe une palette de yaourts à l’usine Nestlé, à Cuincy, qu’il redistribue ensuite aux plus démunis de Lille Sud. Une action sans armes, ni haine, ni violence qu’il justifie comme un plaidoyer pour la revalorisation des revenus des exploitants agricoles.

Comme le prévoit la loi Perben II, la justice est en droit de réclamer un prélèvement ADN pour toute personne reconnue coupable (ou soupçonnée) d’avoir commis un crime ou un délit. « La première fois, j’avais accepté de le donner pour avoir la paix ce n’était pas prioritaire dans mes bagarres. Il y avait le procès pour Nestlé. Mais je me suis aperçu que ce n’était pas un combat de seconde zone ».

Aussi, lorsqu’on lui demande une seconde fois son ADN, expliquant que le premier échantillon a été perdu (sic), Gabriel Dewalle refuse. « Ça ne sert à rien au niveau de la sécurisation de la société. C’est la même technique qui sert à faire peur, estime-t-il, comparant sa situation à celle de l’ex-directeur de publication du journal Libération, des jeunes gens de Tarnac arrêtés pour terrorisme après les dégradations du réseau SNCF et le contrôle anti-drogue dans un collège de Marciac. « Pour décourager et assagir la société par des mesures policières ».

« Débat public »

Devant ses juges, Gabriel Dewalle a essayé de faire entendre sa voix tant bien que mal. Mais la substitut du procureur, Sylvie Drouard est restée inflexible : «  Il a enfreint deux fois la loi et toute personne qui refuse un prélèvement ADN est en infraction. Monsieur est un délinquant aux yeux de la loi et nous devons l’appliquer ». Gabriel Dewalle risque jusqu’à un an de prison et 15 000 € d’amende mais le parquet ne réclame que 500 €E.

«  Le fichage a un but, une utilité qui est de rechercher et identifier les délinquants, aller les chercher quand ils ne se présentent pas  », affirme Me Emmanuel Riglaire, l’avocat du militant paysan. «  Toutes les actions n’avaient pas pour but de voler ou de détruire mais de ramener sur la place publique le débat. Les actions sont revendiquées, les sanctions acceptées  ». S’appuyant sur un jugement rendu dans une affaire similaire, le 21 octobre, devant la cour d’appel de Montpellier, ce dernier espère la relaxe de son client.

Le président Alain Darvennes condamne finalement Gabriel Dewalle à 1 € d’amende. Même s’il se dit «  déçu  », il ne fera pas appel. Ce qui pourrait en revanche être le cas du parquet, comme pour Bernard Coquelle, un autre militant du Douaisis condamné pour les mêmes faits le 18 novembre.

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Gabriel Dewalle, l’irréductible opposant au fichage du vivant

par Nathalie Labreigne, La Voix du Nord le 8 décembre 2008

Il a refusé de donner son ADN une deuxième fois : Gabriel Dewalle, agriculteur à Villers-au-Tertre, membre de la confédération paysanne, comparaît demain devant le tribunal correctionnel de Douai.

Son argumentaire est prêt. Très proche de celui de son collègue, Bernard Coquelle, que la justice a condamné récemment à un euro d’amende ferme pour avoir refusé de donner son ADN. « On n’a tiré aucun bénéfice de notre action, c’était symbolique  », rappelle le militant de la Confédération paysanne, qui avait dérobé en décembre 2004 avec six autres agriculteurs des yaourts dans l’usine Nestlé, de Cuincy, pour protester contre la baisse du prix du lait. C’est dans ce cadre que la justice a exigé du paysan, en juin 2008, un prélèvement ADN, destiné à grossir le FNAEG, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques.

«  Le problème, c’est que j’ai déjà donné mon ADN, en 2006, après l’affaire du fauchage d’un champ de betteraves OGM, à Avelin. Mais, d’après les gendarmes, il n’est pas dans le fichier. J’ai refusé de donner une 2e fois mon ADN. » D’où sa convocation, demain, devant le tribunal. Gabriel Dewalle estime ne rien avoir à faire dans la salle d’audience : «  Le parquet se trompe de procès. Ce sont à ceux qui ont égaré le prélèvement qu’il faut demander des comptes. » L’agriculteur au passé syndical et militant n’est pas dupe : «  Nos actions ne sont pas des crimes. On nous demande notre ADN pour nous dissuader de militer, par peur des tracasseries judiciaires.  » Installé en 1978 à Villers-au-Tertre, ce fils de maraîchers audomarois a toujours défendu, dans ses choix professionnels et syndicaux, un modèle d’agriculture sociale, respectueuse de la terre et des paysans. Tandis que son fils a repris l’essentiel de l’exploitation familiale, Gabriel Dewalle continue ainsi à vivre de sa petite production d’endives de pleine terre tout en menant de nouveaux combats. Contre les grands semenciers, qui « veulent confisquer la semence  » et contre les OGM : «  avant le problème de la santé et de l’environnement, c’est l’avenir de la semence paysanne qui m’a fait m’engager contre les OGM. Car si l’on ne trouve pas encore de semence "terminator" (ndlr : qui intègre un gène rendant la plante stérile) , on a un "terminator" juridique à travers les brevets.  »

P.-S.

Bientôt un million de fiches au FNAEG [2]

En janvier 2009, à raison de 25 000 saisies nouvelles par mois, selon le service central d’identité judiciaire, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), qui comportait au 1er décembre 978 261 profils ADN, devrait franchir le cap symbolique du million d’empreintes. Et ce, moins de dix ans après la mise en route de cette base de données.

La durée minimale de conservation des empreintes est de 25 ans dans le cas de personnes suspectées selon des "indices graves et concordants" ; 40 ans pour les personnes condamnées.

Notes

[1Une condamnation qui permet de le reconvoquer pour prélèvement d’ADN...

[2Le Monde du 8 décembre 2008.


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