le refus du prélèvement d’ADN : un délit continu


article de la rubrique Big Brother > fichage ADN - Fnaeg
date de publication : vendredi 3 janvier 2014
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La justice continue à s’acharner sur les cinq syndicalistes CGT de Roanne : intraitable, le parquet général de Lyon a finalement fait appel de la relaxe des cinq militants poursuivis en correctionnelle pour avoir refusé un prélèvement ADN. Le 17 décembre 2013, contre l’avis du parquet qui avait requis un mois de prison avec sursis, le tribunal correctionnel de Roanne avait relaxé les cinq prévenus, quatre hommes et une femme, fonctionnaires de la Défense et agents hospitaliers, estimant que ce prélèvement n’avait pas lieu d’être [1].

Cette décision illustre l’utilisation politique du fichage : il s’agit d’intimider des militants en leur rappelant qu’ils restent sous surveillance. Peut-on imaginer méthode plus efficace : le refus de prélèvement d’ADN est un “délit continu”. [2]


Les empreintes génétiques de plus de 2 millions de personnes sont enregistrées dans le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (Fnaeg). Ce sont pour les trois quarts des personnes dont l’ADN a été prélevé alors qu’ils n’étaient que simples suspects.
S’ils sont mis hors de cause, ils peuvent demander leur retrait du fichier, mais ce n’est pas automatique ; leur ADN peut rester 25 ans dans le fichier.

Le refus de donner son ADN est un délit. Il peut arriver qu’une personne reconnue innocente dans une affaire pour laquelle elle avait refusé le prélèvement ADN, soit pourtant condamnée pour ce même refus, même après relaxe de l’affaire initiale. Le refus de prélèvement est considéré comme un « délit successif », au même titre que le port illégal de décorations

Il n’existe pas de statistiques publiques sur le refus de prélèvement ADN, ni sur le nombre de récidivistes ; les cas rendus publics concernent généralement des militants politiques.

Selon Jean Danet, maître de conférences à l’université de Nantes spécialisé en droit pénal :

« A chaque fois qu’on vous demande votre ADN et que vous refusez, vous commettez un délit. Je veux bien admettre qu’il y ait une sanction pour ne pas avoir donné son ADN lors de son interpellation. Mais qu’ensuite on dise au condamné : “Alors, vous ne voulez toujours pas ?” “Et maintenant, toujours pas ?” Ce n’est pas raisonnable. C’est un moyen artificiel de construire des récidivistes et multirécidivistes. »

Cela rappelle au juriste l’acharnement contre les antimilitaristes qui, sous le gaullisme, renvoyaient leur livret militaire aux autorités.

« Ils étaient poursuivis au tribunal correctionnel, lors d’audiences qui duraient longtemps, avec des salles pleines. Ça a duré des années, avant qu’ils ne se rendent compte que c’était intenable. »

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L’avocat Jean-Jacques Gandini en a défendu certains, parmi lesquels Benjamin Deceuninck, faucheur volontaire. En 2006, lors de son procès, le procureur d’Alès Christian Pasta le prévenait :

« Tant qu’il refusera le prélèvement, j’engagerai à nouveau des poursuites et il sera reconvoqué. On peut le mettre au trou pour récidive. »

Jean-Jacques Gandini estime que ces poursuites à répétition posent des problèmes juridiques et s’apparentent à un délit d’opinion.

« Il me semble qu’un gouvernement de gauche aurait pu, comme il l’a fait pour les peines plancher, demander aux procureurs généraux de ne plus poursuivre ces affaires de fichage dans certains cas.

Cela constitue une intimidation pour des gens qui sont dans le mouvement social, qui estiment que le fichage ADN n’a pas lieu d’être. Comme si les gens qui pensent un peu autrement, il fallait les avoir à l’œil. »

Camille Poloni, Rue89


Appel à soutien [3]

Procès pour récidive de refus de prélèvement ADN

Le 12 décembre 2013

Le 14 janvier 2014, à 16h, au Tribunal de Grande Instance de Mont de Marsan, Jean-Charles comparaîtra pour la troisième fois pour un refus de prélèvement d’ADN procédant du même délit initial. Le collectif de soutien vous invite à le rejoindre au rassemblement à partir de 14h
devant le tribunal.

Répression et moyen de contrôle permanent

Déjà condamné à deux reprises en moins d’un an pour ce refus de prélèvement ADN, il est de nouveau convoqué aujourd’hui pour ce même délit. Un premier pas vers le délit continu et la mise au pas des opposants, car depuis quelques années, le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques, détourné de son usage d’identification, est devenu un bâillon de la contestation pacifique.

Engagé notamment dans la campagne contre le missile M51 et pour le respect du traité de non prolifération des armes nucléaires par la France, Jean-Charles se trouve ainsi systématiquement poursuivi lorsque la France s’apprête à effectuer un nouveau tir d’essai du missile nucléaire M51 et à violer ses engagements internationaux.

Délit à vie

Un prélèvement ADN ne peut être effectué sans l’accord de la personne, refuser est un droit... Mais c’est un droit coupable, passible d’une condamnation, jusqu’à 1 an d’emprisonnement et 15 000 EUR d’amende.

Pourtant, comme l’explique Catherine Bourgain, généticienne à l’INSERM, quand les parlementaires ont voté la création du fichier en 1998, il ne devait servir qu’à identifier les gens, les segments d’ADN conservés étant considérés comme non-codants. Mais on se rend compte aujourd’hui que les segments ADN prélevés pour le Fichier National Automatisé des Empreintes Génétiques (Fnaeg), donnent des informations telles que l’origine géographique de la personne, la filiation, l’hérédité, les maladies génétiques, ...

Le refus de fichage ADN est un délit continu qu’aucune peine ni condamnation, même effectuée, ne vient éteindre. Condamné pour un refus, ce prélèvement peut vous être réclamé à vie. Il constitue donc un moyen de contrôle permanent sur les populations depuis l’élargissement du
fichier à la quasi-totalité des délits (excepté les délits financiers).

Les prélèvements effectués sont conservés 40 ans pour les personnes condamnées et 25 ans pour les personnes non poursuivies ou disculpées.

Soutien

Les organisations, associations, collectifs et individuels sont invités à le soutenir (communiqués et soutien financier). Vous pouvez envoyer vos souscriptions par chèque à l’adresse suivante :
Association Négajoule ! - Mairie de Le Barp - 33114 Le Barp
(Précisez « soutien Jean-Charles » au dos du chèque)
Contact : justiceetpaix@riseup.net

Notes

[1Voir le communiqué du 23 mai 2013 de la LDH : http://www.ldh-france.org/Cinq-de-R....

[2La France vient d’être condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme pour sa gestion des fichiers automatiques d’empreintes – voir la lettre ouverte adressée à Christiane Taubira. On peut donc s’attendre que les choses finissent par changer, mais dans quel délai ?


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