le fichier des Susceptibles de ...


article de la rubrique Big Brother > les fichiers de police : Stic, Judex ...
date de publication : mardi 17 novembre 2015
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Un fichier recense les personnes considérées comme susceptibles de commettre des actions terroristes. Il s’agit en fait d’une sous-catégorie du Fichier des personnes recherchées. Ce dernier, le FPR, regroupe une vingtaine de sous-catégories : les évadés (fiches V), les personnes frappées d’interdiction du territoire (IV) ou encore les débiteurs envers le Trésor (T) ...

La classe S désigne les personnes susceptibles de porter atteinte à la sûreté de l’État qui sont fichées au FPR ; on y trouve, par exemple, des activistes d’extrême droite et des “islamistes radicaux” — ces derniers étaient au nombre de 5 000 en 2012, un chiffre qui a sans doute doublé depuis. Être fiché S n’entraine pas une surveillance permanente de la personne concernée mais cela permet de la mettre sous une surveillance administrative (par exemple noter ses déplacements, ses passages de frontières ...)

Depuis les attentats de vendredi 13 novembre, ces fiches "S" sont devenues un enjeu politique. L’ancien président Nicolas Sarkozy souhaite assigner à résidence avec bracelet électronique toutes les personnes fichées "S". Laurent Wauquiez, député Les Républicains de Haute-Loire, a, lui, proposé "d’ouvrir des centres d’internement" pour les regrouper...


Fiches S des Renseignements : qui est dedans et pourquoi ils ne sont pas tous arrêtés

par Geoffroy Clavel, le Huffington Post, le 16 novembre 2015


TERRORISME - Inconnues du grand public il y a moins d’un an, les fiches S sont devenues l’une des obsessions des partis politiques. Et pour cause : du "tueur au scooter" Mohamed Merah au terroriste raté de Villejuif Sid Ahmed Ghlam en passant par les frères Kouachi, responsables de la tuerie à Charlie Hebdo, tous possédaient une de ces fiches émises par les services de renseignement français.

Depuis les attentats du vendredi 13 qui ont endeuillé la capitale, ces fiches S reviennent donc sur le devant de la scène. Nicolas Sarkozy préconise que toutes les personnes qui y sont citées soient assignées à résidence et équipées d’un bracelet électronique. Son numéro 3 chez Les Républicains, Laurent Wauquiez, propose carrément d’ouvrir des camps pour les interner.

Mais de quoi s’agit-il réellement ? Qui figure dans ce fichier et pour quelle raison ?

UN FICHIER DE RENSEIGNEMENT... PARMI D’AUTRES

La fiche "S", pour "sûreté de l’Etat", est l’une des 21 sous-catégories du plus ancien fichier de police : le Fichier des personnes recherchées (FPR) créé en 1969 pour recenser les personnes recherchées ou surveillées de près ou de loin par les services de renseignement. Le FPR comporterait actuellement près de 400 000 noms. Y figurent notamment les mineurs fugueurs (classés sous la dénomination "M"), les évadés ("V") ou encore les débiteurs du Trésor (T).

S’agissant du fichier S, on ignore encore avec précision combien de personnes y figurent. En 2012, Sud-Ouest avait obtenu des données permettant d’affirmer que 5000 personnes y étaient fichées. Ce week-end, Nicolas Sarkozy évoquait le chiffre de 11.500. Le Parisien estime de son côté qu’il en existerait jusqu’à 20.000.

Ce lundi, le premier ministre Manuel Valls a tranché en citant le nombre de 10.500. "Les fiches S sont absolument indispensables pour les services de police, gendarmerie et douanes. Il y en a 10.500, ce qui signifie que certaines d’entre elles peuvent être créées sur la base d’un simple renseignement, non recoupé", a-t-il nuancé.

DES TERRORISTES POTENTIELS MAIS PAS QUE

Le fichier S comprend 16 niveaux de classification qui, plus que la dangerosité des individus, visent à indiquer la marche suivre pour les forces de l’ordre lorsqu’elles entrent en contact avec la personne fichées (ne rien faire, relever l’identité des accompagnants, etc...). Selon Le Parisien, les fiches S14 correspondent aux combattants partis mener le jihad à l’étranger et qui en sont revenus. Au mois d’août, le ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve annonçait que 840 fiches S avaient été émises concernant ces combattants étrangers, dont 140 ayant résidé ou résidant encoren en France.

Les islamistes radicalisés ne sont toutefois pas les seuls à figurer dans ce fichier. On y dénombre également des hooligans, des activistes d’extrême gauche ou d’extrême droite, des zadistes, des personnes liées aux mouvances altermondialistes violentes (Black blocks)...

Notons que, selon Le Figaro, un autre document, le Fichier des signalés pour la prévention et la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) regroupe 11.400 personnes radicalisées à des échelos divers, dont 25% de femmes et 16% de mineurs ; Toutes ne disposent pas d’une fiche S.

DONNÉES PERSONNELLES ET SUIVI POLICIER

Les fiches S sont principalement émises par Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), une des branches du renseignement français. Y figurent notamment l’identité de la personne fichée, l’attitude que doivent avoir les forces de l’ordre quand elles entrent en contact avec elle ainsi que les motifs de la création de la fiche.

Toute personne qui dispose d’une fiche S ne fait pas forcément l’objet d’un suivi personnalisé (filatures, écoutes...) et n’est pas forcément un terroriste en puissance. Peut être fichée une personne qui fréquente une mosquée réputée salafiste, un individu signalé par les services de renseignement étrangers, des personnes ayant voyagé dans un pays en guerre...

Pourquoi toutes les personnes fichées ne sont-elles pas activement suivies ? Essentiellement pour des raisons de moyens techniques et humains. Il est actuellement impossible de mettre un policier spécialisé 24h/24 et 7j/7 derrière chacune des 10.000 personnes fichées.

A l’heure actuelle, plus de 13.000 fonctionnaires et contractuels sont affectés à des tâches de renseignement et de lutte antiterroriste en France dont 5.000 à la DGSE et 3.000 à la DGSI. D’ici à 2017, 1400 devraient être embauchées à la DGSI, aux Renseignements territoriaux et à la Préfecture de police de Paris, 500 à la DGSE.

UN OUTIL DE SURVEILLANCE, PAS UN MANDAT D’ARRÊT

Pour le député PS Jean-Jacques Urvoas, spécialiste des questions de sécurité interrogé ce lundi sur France Inter, "la fiche S est un élément de surveillance, pas un élément de culpabilisation". Autrement dit, dans un état de droit, une fiche S ne suffit pas toujours à justifier l’interpellation et encore moins l’incarcération d’un suspect.

"Si on crée une fiche S, c’est qu’on n’a rien sur un individu et que l’on veut savoir si cela vaut le coup de lever le doute et de mettre des moyens opérationnels très lourds", a expliqué sur Europe1 l’ancien patron des Renseignements généraux, Bernard Squarcini.

"Ce sont des fiches de renseignement, ce ne sont pas des mandats d’arrêt international. [...] On n’arrête pas les gens sur la base d’une fiche S, c’est un dispositif qui permet de suivre le comportement de gens qui n’ont commis aucune infraction pénale, mais qui peuvent en commettre une.", insiste Bernard Cazeneuve. Elles peuvent en revanche servir de base pour constituer un dossier judiciaire entraînant leur arrestation. En août, le ministre indiquait avoir pris 49 mesures d’expulsion depuis le début de l’année.


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