fichage au FPR : extension du domaine du contrôle


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date de publication : samedi 12 juin 2010
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Un “Fichier des personnes recherchées” (FPR) aux contours élargis par rapport au fichier du même nom créé en mai 1996 a vu le jour à la faveur d’un décret en date du 28 mai 2010. Son article 1er autorise le ministre de l’intérieur « à mettre en œuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel  » dont la finalité est « de faciliter les recherches et les contrôles effectués [...] par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou des missions administratives ».

Il ne s’agit pas tant d’aider à retrouver des « personnes disparues » que de « faciliter les contrôles ». Le fichage s’étend notamment à de nouvelles catégories d’étrangers en situation irrégulière et aux fraudeurs au permis de conduire.

La Commission nationale informatique et libertés (Cnil), dont la délibération est publiée au Journal officiel le même jour, avait exprimé sa « préoccupation » devant l’élargissement considérable du « champ d’un fichier déjà fort hétérogène », et avait réclamé des « garanties strictes » concernant les « procédures d’habilitation » et la « traçabilité ». [1]

[Première mise en ligne le 30 mai 2010, entièrement revue le 12 juin]



Les personnes concernées

L’article 2 du décret du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées donne la liste des catégories de personnes devant ou pouvant faire l’objet d’inscription dans ce fichier.

La liste commence par les personnes dont l’inscription est justifiée par une décision de justice, en application de la loi pour la sécurité intérieure du 18 mars 2003. Il s’agit ici non de « recherche » mais plutôt de « contrôle » et de « surveillance ».

- Les personnes recherchées au titre des décisions judiciaires sont inscrites dans le fichier  :

  1. Les mandats, ordres et notes de recherches émanant du procureur de la République, des juridictions d’instruction, de jugement ou d’application des peines, du juge des libertés et de la détention et du juge des enfants tendant à la recherche ou à l’arrestation d’une personne ;
  2. Les obligations ou interdictions visées aux 1°, 2°, 3°, 8°, 9°, 12° et 14° de l’article 138 du code de procédure pénale et à l’article 10-2 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante ;
  3. Les interdictions prononcées en application des dispositions des 1°, 2°, 3°, 6°, 11°, 12°, 13° et 14° de l’article 131-6 du code pénal relatif aux peines alternatives à l’emprisonnement ;
    3 bis Lorsqu’elle est prononcée à titre de peine complémentaire, l’interdiction de conduire certains véhicules terrestres à moteur, y compris ceux pour la conduite desquels le permis de conduire n’est pas exigé ;
  4. L’interdiction d’exercer certaines activités prononcée en application des articles 131-27 et 131-28 du code pénal ;
  5. L’interdiction du territoire français prononcée en application de l’article 131-30 du code pénal ;
  6. L’interdiction de séjour prononcée en application de l’article 131-31 du code pénal ;
  7. Les obligations et interdictions prononcées dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire en application des 8°, 9° et 13° de l’article 132-45 du code pénal ;
  8. Les obligations ou interdictions prononcées dans le cadre d’un sursis avec mise à l’épreuve en application des dispositions du 5° de l’article 132-44 et des 7° à 14° de l’article 132-45 du code pénal et de l’article 20-9 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée ;
  9. L’interdiction de paraître dans certains lieux ou de rencontrer certaines personnes prononcée en application des 2°, 3° et 4° de l’article 15-1 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 précitée ;
  10. L’interdiction de stade prononcée en application des dispositions des articles L. 332-11 à L. 332-15 du code du sport ;
  11. Les interdictions de paraître dans certains lieux, de rencontrer certaines personnes, de quitter le territoire ou d’exercer certaines activités, ordonnées en application des dispositions de l’article 731 du code de procédure pénale en cas de libération conditionnelle ;
    bis Les interdictions prononcées en application de l’article 706-136 du code de procédure pénale ;
  12. Les personnes considérées comme insoumises ou déserteurs en application des dispositions des articles 397 à 404 du code de justice militaire ;
  13. La peine d’interdiction d’entrer et de séjourner dans l’enceinte d’une ou plusieurs infrastructures aéroportuaires ou portuaires, d’une gare ferroviaire ou routière, ou de leurs dépendances, sans y avoir été préalablement autorisé par les autorités de police territorialement compétentes, prévue par le 4° de l’article 2 ter de la loi n° 95-66 du 20 janvier 1995 relative à l’accès à l’activité de conducteur et à la profession d’exploitant de taxi.

Ensuite, plus logiquement, sont inscrites dans le fichier...

- Les personnes faisant l’objet d’une recherche pour les besoins d’une enquête de police judiciaire :

  1. Soit dans le cadre d’une enquête préliminaire, d’une enquête de flagrance ou d’une commission rogatoire ;
  2. Soit dans le cadre de la mission d’animation et de coordination des recherches criminelles sur tout le territoire national dévolue à la direction centrale de la police judiciaire et aux offices centraux mentionnés à l’article D. 8-1 du code de procédure pénale ;
  3. Soit en cas de disparition de personnes dans des conditions inquiétantes ou suspectes ;
  4. Soit en cas de découverte de personnes décédées ou vivantes non identifiées.


Suit un catalogue à la Prévert de personnes « pouvant être inscrites dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes » : étrangers, mineurs faisant l’objet d’une opposition à la sortie du territoire ou ayant quitté leur domicile, débiteurs de l’Etat ou des collectivités locales, redevables de pensions alimentaires, personnes soumises à un placement d’office en établissement psychiatrique ou évadées d’un tel établissement, personnes disparues faisant l’objet de recherches à la demande de la famille, personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat.

- Peuvent être inscrits dans le fichier à la demande des autorités administratives compétentes :

  1. Les étrangers pour lesquels il existe, eu égard aux informations recueillies, des éléments sérieux de nature à établir que leur présence en France constituerait une menace pour l’ordre public susceptible de justifier que l’accès au territoire français leur soit refusé dans les conditions prévues à l’article L. 213-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  2. Les ressortissants d’un Etat non membre de l’Union européenne faisant l’objet d’une mesure restrictive de voyage, interdisant l’entrée sur le territoire ou le transit par le territoire, adoptée par l’Union européenne ou une autre organisation internationale et légalement applicable en France ;
  3. Les personnes mineures faisant l’objet d’une opposition à la sortie du territoire ;
  4. Les personnes mineures ayant quitté leur domicile ou s’étant soustraites à l’autorité des personnes qui en ont la garde ;
  5. Les personnes faisant l’objet d’un signalement en qualité de débiteurs de l’Etat, des collectivités locales ou de leurs établissements publics, ainsi que les redevables de pensions alimentaires faisant l’objet d’un recouvrement public en application de la loi du 11 juillet 1975 susvisée ;
  6. Les personnes recherchées en vue de l’exécution d’une décision de placement d’office en établissement psychiatrique ou évadées d’un tel établissement ;
  7. Les personnes disparues faisant l’objet de recherches à la demande d’un membre de leur famille, l’adresse des intéressés n’étant communiquée, en cas de découverte, qu’avec leur consentement ;
  8. Les personnes faisant l’objet de recherches pour prévenir des menaces graves pour la sécurité publique ou la sûreté de l’Etat, dès lors que des informations ou des indices réels ont été recueillis à leur égard ;
  9. Les personnes faisant l’objet d’une mesure administrative d’interdiction de stade en vertu de l’article L. 332-16 du code du sport.

La liste des catégories de personnes pouvant être inscrite au fichier des personnes recherchées « à l’initiative des autorités administratives compétentes » n’est pas close : la conduite automobile est pleine de dangers qui ne sont pas seulement ceux de la route.

Et la liste se termine par l’énumération d’une demi-douzaine de catégories d’étrangers, afin de renforcer le filet de lois de plus en plus dense qui encadre ceux qui n’ont pas la chance d’être français.

- Peuvent également être inscrits dans le fichier à l’initiative des autorités administratives compétentes :

  1. Les personnes faisant l’objet de recherches en vue de la notification de mesures administratives concernant leur permis de conduire ;
  2. Les personnes faisant l’objet d’une mesure administrative de retrait d’un permis de conduire obtenu indûment ;
  3. Les personnes qui, au terme du délai prévu au III de l’article R. 223-3 du code de la route, n’ont pas restitué au préfet du département de leur lieu de résidence leur permis de conduire invalidé pour solde de points nul en application de l’article L. 223-5 du même code ;
  4. Les personnes qui font l’objet d’une décision de retrait d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport obtenus indûment et celles qui ont tenté d’obtenir la délivrance d’une carte nationale d’identité ou d’un passeport en violation des dispositions des décrets des 22 octobre 1955 et 30 décembre 2005 susvisés ;
  5. Les étrangers faisant l’objet d’une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  6. Les étrangers faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière non exécuté, en application du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  7. Les étrangers faisant l’objet d’un arrêté de reconduite à la frontière pris depuis moins d’un an en application du 8° du II de l’article L. 511-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, alors même que la mesure de reconduite a été exécutée ;
  8. Les étrangers faisant l’objet d’un arrêté d’expulsion pris en application du titre II du livre V du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
  9. Les étrangers faisant l’objet d’une assignation à résidence en application des articles L. 513-4, L. 523-3, L. 523-4 ou L. 523-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Pour en savoir plus ...

  • Données enregistrées – L’article 3 détaille les données à caractère personnel enregistrées : l’état civil et le signalement général avec photographie, sans oublier les « motifs de la recherche ».
  • Droits et garanties – On trouve à l’article 4 quelques timides garanties quant aux agents habilités à procéder à l’inscription au fichier sont exposées.
  • Accès aux données – L’article 5 fait une liste des agents qui peuvent être autorisés à les consulter, « dans le cadre de leurs attributions légales et pour les besoins exclusifs des missions qui leur sont confiées ».

    Cependant, l’article 8 prévoit que « les consultations font l’objet d’un enregistrement comprenant l’identification du consultant ainsi que la date, l’heure et l’objet de la consultation. Les informations relatives aux consultations sont conservées dans le traitement pendant une durée de cinq ans. »

  • Durée de conservation – L’article 7 dispose que « les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d’aboutissement de la recherche ou d’extinction du motif de l’inscription ». La mention relative aux « motifs de l’inscription » laisserait-elle entendre que la « recherche » n’est pas le seul objectif du fichier ? Cette supputation est confirmée par le fait que ce même article fait une distinction selon que l’inscription est réalisée ou non à la demande des autorités administratives compétentes, notamment pour ce qui concerne la situation des étrangers en France. Ainsi, « les données enregistrées au titre du 5° du IV de l’article 2 sont effacées, au plus tard, trois ans après la date à laquelle l’obligation de quitter le territoire français a été signée ». [D’après Geneviève Koubi] [2].
  • Interconnexions – Comme la connexion des fichiers est avérée, afin que nul croisement ne soit relevé comme irrégulier, il est précisé, à l’article 2, que « le fichier est également constitué de données à caractère personnel issues de traitements gérés par des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers. » Et, à l’article 6, il est prévu que « les données contenues dans le fichier peuvent, dans le respect des conditions prévues à l’article 24 de la loi du 18 mars 2003 susvisée, être transférées à des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou à des services de police étrangers. » [2]

Notes

[2Geneviève Koubi, La "recherche" dans le « fichier des personnes recherchées » : http://koubi.fr/spip.php?article418.


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