les échanges inter-applicatifs de données automatisées pour pallier les déficiences du Stic


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date de publication : vendredi 20 février 2009
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Dans une circulaire aux procureurs généraux, le Directeur des affaires criminelles et des grâces prend acte du rapport calamiteux que la Cnil vient de rendre public concernant le Stic. D’après lui, « c’est surtout dans l’échange de données automatisées entre les différents programmes informatiques dont sont dotées les institutions concernées, justice, police nationale et gendarmerie nationale, que réside la solution durable à ces difficultés. Les réunions interministérielles s’étant multipliées ces dernières années pour travailler à la mise en place d’échanges inter-applicatifs entre le futur fichier ARIANE et le futur bureau d’ordre national automatisé CASSIOPEE, dont le Garde des Sceaux vient de signer le dossier de déclaration à la CNIL, la situation ne manquera pas d’évoluer très rapidement. A terme, l’ensemble des données mentionnées dans ARIANE seront automatiquement enregistrées dans CASSIOPEE, application qui, une fois enrichie par les suites judiciaires données à la procédure, en fera un retour automatique vers ARIANE, aux fins de mise à jour et de rectifications éventuelles. »

Voila qui ne manquera pas de rassurer tous ceux qui subissent les conséquences – perte d’emploi, refus de recrutement... – des très nombreuses données inexactes que comporte le Stic !


PARIS, le 2 FEV. 2009

Le Garde des Sceaux, Ministre de la Justice

à

Mesdames et Messieurs les procureurs généraux près les cours d’appel

OBJET : Mise à jour du Système de traitement des infractions constatées (STIC) et du Système judiciaire de documentation et d’exploitation (JUDEX).

N/REF : CRIM-PJ N° 04-2481-H18 (tome 2).

Dans le prolongement de la circulaire n° CRIM06-21/E6-26/12/06 du 26 décembre 2006 et de ma dépêche du 31 mai 2007 relatives aux fichiers d’antécédents judiciaires STIC (système de traitement des infractions constatées) et JUDEX (système judiciaire de documentation et d’exploitation), j’ai l’honneur d’appeler votre attention sur le rapport rendu public le 20 janvier 2009 par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), tirant les conclusions du contrôle que cette dernière a récemment exercé sur le STIC. Ces conclusions, qui méritent d’être replacées dans le contexte des améliorations mises en place ou envisagées sur cette question, doivent amener le ministère public à renforcer sa vigilance dans ce domaine essentiel quant aux droits individuels des personnes.

1- Le rapport de la CNIL relatif au contrôle du STIC

Au terme d’un contrôle du STIC engagé en juin 2007, qui s’est notamment traduit par l’interrogation de 34 parquets, la CNIL dresse dans son rapport un bilan extrêmement sévère de la Mise à jour du STIC, dont elle estime l’institution judiciaire en grande partie responsable.

La CNIL titre ainsi la seconde partie de son rapport « L’absence quasi-systématique de transmission par les parquets des suites judiciaires nécessaires à la mise à jour du STIC », pour conclure que, sans mettre en cause la probité et la compétence des personnels des ministères concernés, « c’est l’inadéquation entre les moyens (qu’ils mettent) en œuvre et les objectifs assignés (...) qui pose problème ».

La Commission fonde ce constat sur l’exploitation des questionnaires qu’elle a adressés aux juridictions : du pourcentage annuel de procédures dont les suites ont été transmises par les parquets interrogés (respectivement 21,5 %, 0,47 %, 6,88 % et 31,17 % des procédures ayant fait l’objet d’un classement sans suite pour absence ou insuffisance de charges, d’un non-lieu, d’un acquittement et d’une relaxe), elle déduit que, sur l’ensemble du territoire national et pour la seule année 2007, au moins 333 960 procédures feraient l’objet d’une mention indue ou erronée.

La CNIL met également en avant l’absence de rectification des données par les parquets en cas de requalification judiciaire, et souligne l’inexistence de statistiques tenues par les juridictions en la matière.

Afin d’évaluer l’ampleur de cette carence, la CNIL a procédé à un échantillonnage de 645 personnes mises en cause pour usage de stupéfiants et en a déduit que dans près d’un tiers des cas le parquet n’avait pas fait procéder à la rectification de la qualification juridique de l’infraction.

Comme mes services l’ont fait valoir auprès de la Commission lorsqu’ils ont pris connaissance du projet de rapport, les modes de calculs, les extrapolations statistiques et le choix des procédures analysées ne me paraissent pas permettre de refléter avec fidélité la réalité de la mise à jour du STIC par les parquets.

Ainsi, les chiffres de classements sans suite avancés par la Commission incluent des procédures sans auteur identifié, qui ne donnent donc pas lieu à mention au STIC. Ils portent aussi, pour partie, sur des plaintes de particuliers ou sur des affaires émanant d’autres services (comme les polices municipales) que ceux de la police nationale, de la gendarmerie nationale et des douanes judiciaires, et ne figurant pas non plus au STIC. De surcroît, les statistiques relatives aux relaxes et acquittements ne se fondent pas exclusivement sur des décisions définitives.

Pour autant, force est d’admettre que, même si les insuffisances sont d’une moindre ampleur que celle dénoncée par la CNIL, la mise à jour du STIC reste imparfaite. En outre, il y a tout lieu de penser que ce constat peut également s’appliquer à la mise à jour de JUDEX.

2- La réalité des difficultés rencontrées par les parquets dans la mise à jour de STIC et JUDEX et les voies d’amélioration à venir

Je ne sous-estime pas les difficultés rencontrées par les juridictions, en l’état de leurs effectifs, pour assumer de manière efficace la mise à jour d’un traitement dont ils ne sont pas gestionnaires et auquel ils n’ont pas un accès effectif.

Je n’ignore pas non plus que le caractère manuel de cette mise à jour, conjugué à la masse des procédures concernées, ne met pas les parquets en mesure d’assumer convenablement cette mission, alors en outre qu’ils doivent prendre en compte, non seulement leurs décisions de classement, mais aussi celles de non lieu, de relaxe ou d’acquittement émanant des magistrats du siège.

La mesure de l’ensemble de ces difficultés m’a d’ailleurs conduit à adresser très récemment une note aux directeurs généraux de la police et de la gendarmerie nationales, aux fins de mettre en place des moyens d’amélioration à court terme. L’organisation de la mise à jour en temps réel de STIC et JUDEX s’agissant des procédures judiciaires clôturées par des classements sans suite pour absence ou insuffisance de charges et la possibilité d’une inscription différée des mentions au STIC et au JUDEX, au moment où la mise en cause de l’intéressé est plus solidement établie, sont autant de pistes qui me semblent, en effet, devoir être explorées.

A plus long terme, c’est surtout dans l’échange de données automatisées entre les différents programmes informatiques dont sont dotées les institutions concernées, justice, police nationale et gendarmerie nationale, que réside la solution durable à ces difficultés. Les réunions interministérielles se sont multipliées ces dernières années pour travailler à la mise en place d’échanges inter-applicatifs entre le futur fichier ARIANE – fusion de STIC et de JUDEX, et le futur bureau d’ordre national automatisé CASSIOPEE, dont le Garde des Sceaux vient de signer le dossier de déclaration à la CNIL. A terme, l’ensemble des données mentionnées dans ARIANE seront automatiquement enregistrées dans CASSIOPEE, application qui, une fois enrichie par les suites judiciaires données à la procédure, en fera un retour automatique vers ARIANE, aux fins de mise à jour et de rectifications éventuelles.

De surcroît, selon les ministères de l’Intérieur et de la Défense, les difficultés mises en avant par ces derniers pour expliquer l’absence de terminaux dédiés à la consultation de STIC et JUDEX dans les juridictions, devraient pouvoir être résolues avec la mise en œuvre d’ARIANE. L’accès direct à ces traitements, dont la surveillance a été dévolue aux magistrats par le législateur, devrait donc, à terme, être effectif.

3- La nécessité d’une plus grande vigilance dans la mise à jour de STIC et JUDEX

Dans l’attente des améliorations pérennes précitées, qui permettront à la fois de renforcer l’effectivité de la mise à jour de STIC et JUDEX et d’alléger la charge de travail des parquets en la matière, j’appelle cependant votre attention sur la nécessité pour les juridictions de votre ressort de redoubler de vigilance dans l’exercice de cette mission, malgré les difficultés auxquelles elles sont confrontées.

En effet, comme vous le savez, si les fichiers STIC et JUDEX, respectivement gérés par la police et la gendarmerie nationales, sont des fichiers de police judiciaire, ils font également l’objet de consultations par les autorités administratives dans le cadre des enquêtes préalables à l’accession à certaines professions ou certains sites sensibles, et d’autres enquêtes de nature administrative, telles que l’instruction des demandes d’acquisition de la nationalité française et de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour.

Quoiqu’il ressorte d’une jurisprudence constante du Conseil d’Etat que l’autorité administrative ne saurait fonder une décision de refus sur la seule existence de mentions au STIC ou au JUDEX, il n’en demeure pas moins que le maintien de mentions erronées dans ces traitements est de nature à pénaliser les personnes qui font l’objet de ces enquêtes administratives. Les conséquences humaines et sociales d’une absence de mise à jour de ces données peuvent donc être très lourdes.

C’est au regard de ces conséquences et de l’atteinte portée aux libertés individuelles que l’autorité judiciaire doit s’efforcer de remplir la mission qui lui a été confiée par le législateur, selon les modalités énoncées dans les circulaire et dépêche mentionnées en introduction de la présente.

Vous veillerez surtout à ce que les requêtes des particuliers adressées aux parquets de votre ressort soient traitées avec la plus grande diligence, de manière à mettre un terme, lorsque les conditions sont remplies, aux situations les plus durement ressenties par les justiciables.

Enfin, je vous serais obligé de faire part à mes services, en particulier au bureau de la police judiciaire, de tout dispositif ou protocole localement mis en œuvre qui vous paraîtrait de nature à faciliter la mise à jour de STIC et JUDEX par les parquets, afin que ces bonnes pratiques soient portées à la connaissance de l’ensemble des ressorts.

Vous voudrez bien prendre toutes mesures utiles pour l’application de la présente dépêche et me rendre compte, sous le timbre du bureau précité, de toute difficulté qui pourrait survenir dans sa mise en œuvre.

Le Directeur des affaires criminelles et des grâces

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