le comité des droits de l’enfant se penche sur la politique de la France


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : mercredi 27 mai 2009
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La Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) du 20 novembre 1989 a été signée par la France le 7 août 1990. Cela lui impose, tous les quatre ans, d’exposer au Comité des droits de l’enfant des Nations unies de quelle manière elle respecte cette convention.

Le gouvernement français a déposé le 10 septembre 2008 son rapport de 231 pages. Des associations – la LDH, DEI-France, le Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) – ont produit des rapports alternatifs. Le 24 février 2009, le comité a adressé à la France une demande d’information, à laquelle elle a répondu le 21 avril par un dossier complémentaire.

Au cours de la journée du 26 mai 2009, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies, présidé par Madame Yanghee Lee (République de Corée), a rencontré une délégation française conduite par Nadine Morano, secrétaire d’État à la Famille. Les séances étaient publiques ; trois militants du CNRBE ont suivi les échanges entre les experts du comité et les membres de la délégation française ; vous trouverez ci-dessous une synthèse des notes qu’ils ont rapportées – elle n’est ni exhaustive, ni nécessairement tout à fait fidèle [1].


Voir en ligne : la France en jugement à Genève, par Jean-Pierre Rosenczveig

Comité des droits de l’enfant, ONU, Genève, 26/05/2009 (Photo Pierre CNRB)

La séance a débuté par une prise de parole de Madame Morano, dans le but de montrer le souci de la France de respecter les droits reconnus aux enfants. La ministre déclare qu’ « en matière d’éthique, la France est exemplaire », et qu’elle respecte de façon intégrale onze des cinquante quatre articles que comporte la CIDE [2].

Le comité interroge la France

Après avoir fait allusion au retard d’une année (le rapport présenté par la France le 10 septembre 2008 aurait dû être remis le 11 septembre 2007), le comité a exprimé le regret que le rapport de la France n’ait pas été préparé avec des ONG ou des associations, et qu’il n’ait pas été présenté à la société civile.

Le comité a insisté pour demander quelles mesures la France envisage de prendre pour permettre « que s’engage un grand débat national sur les droits de l’enfant ».

Les principaux sujets abordés :

  • La justice des mineurs et les projets de lois : les mineurs de 16 et 17 ans, même récidivistes, ne doivent pas être jugés comme des majeurs. Les gardes à vue.
  • La place des enfants dans la mise en œuvre de la politique migratoire et les situations qu’ils endurent, notamment dans les centres de rétention administrative.
  • Quelle sera la (nouvelle) mission des policiers dans les établissements scolaires : seront-ils là pour ficher ?
  • La pauvreté : 2 millions d’enfants vivent en dessous du seuil de pauvreté. Le comité demande ce que fait le gouvernement face à ce problème : « il n’y a pas de budget, il n’y a pas de plan. »
  • La santé des adolescents préoccupe le comité. Pour quelles raisons le nombre de suicides est-il si élevé ? Le comité pense qu’une valorisation de l’estime de soi serait plus efficace que la médication ou la répression.
  • Les enfants soldats : la France devrait interdire les armes susceptibles d’être, de par leur taille réduite, utilisée par des enfants dans des conflits armés.
  • Le dispositif Base élèves ne parait pas clair au comité qui note le doute exprimé par des associations concernant la protection des données, ainsi que l’absence d’informations des parents sur cette collecte.
    Une commissaire précisera que la recherche a besoin de données, « pas de données personnelles mais ventilées au niveau de la recherche pour aider à la connaissance ».
  • La législation française sur l’adoption n’est pas conforme à la Convention de La Haye.
  • La formation souvent insuffisante des professionnels de l’enfance sur la CIDE.
    Selon les experts du Comité, la grande majorité des enfants en France sont totalement ignorants de leurs droits. En outre, on tend de plus en plus à insister sur le fait que les enfants ont des droits mais également des devoirs, signe de l’existence d’un problème de compréhension de ce que sont les droits de l’enfant. [3]
  • Le comité a exprimé le regret de l’absence d’un organisme chargé de la coordination des droits de l’enfant, avec définition d’objectifs dans leur application. Regret aussi qu’il n’y ait pas de politique globale spécifique concernant l’enfant, celui-ci étant toujours traité dans le cadre de la politique familiale.

Quelques réponses de la délégation française

L’intérêt supérieur de l’enfant est au centre des préoccupations de la France et l’avis consultatif de la Défenseure des Enfants est toujours pris en compte.

  • Concernant les centres de rétention administrative, la France ne sépare pas les enfants des parents [4]. Dans ces centres, chaque mineur a droit à une assistance (un « administrateur ad hoc ») chargé de l’assister et de le représenter ; désigné par le parquet, il est issu d’une association agréée [5].
  • Le gouvernement travaille à la réforme de l’ordonnance de 1945, en vue de créer un code de justice pour les mineurs. Il consulte, sur la base du rapport de la commission Varinard, notamment les organisations syndicales [6]. Le but est entre autres de déterminer un âge plancher pour la responsabilité pénale, qui pourrait être de 13 ans. La France affirme la primauté de l’éducatif sur le répressif.
  • Les policiers dans les établissements ont un rôle de prévention dans un climat de confiance.
    Aucune interpellation n’est faite à la sortie ni à proximité des établissements scolaires pour éviter de heurter les sensibilités [7]. Il est néanmoins nécessaire de pouvoir faire des recherches d’enfants, parfois victimes du comportement de leurs parents – par exemple à l’occasion d’une immigration déstabilisante.
  • Base élèves : le ministère a tenu compte des polémiques qui se sont développées, et, après « échanges et consultation » il en a retiré de nombreuses données. Le fichier « tel qu’il existe maintenant ne pose plus aucune difficulté », et ce dispositif est important pour le respect de « l’obligation scolaire ».

La délégation française a détaillé de nombreuses mesures dans le domaine scolaire (la lutte contre l’échec, l’illettrisme et l’absentéisme, la promotion de la santé, la prévention, les dispositifs relais pour faciliter les retours après les exclusions jugées trop fréquentes, les réseaux ambition et réussite qui concernent 5% des élèves …). Le fichier SIVIS mis en place pour le suivi des violences. Une académie expérimente un fichier d’enquêtes de victimisation, portant sur le sentiment d’insécurité ressenti par les élèves, en cas de violence réelle ou pas.

Enfin, après que la Présidente du comité se soit déclarée « fascinée par les événements de l’actualité en France », les rapporteurs ont invité la France à prendre en compte les conclusions et recommandations qui seront formulées par le Comité, et demandé de veiller à ce que « l’important travail législatif » ne soit pas l’occasion d’un recul. Ils ont insisté sur la nécessité « d’une politique globale de l’enfance » et ils ont souligné une fois de plus le « problème crucial de l’immigration et des enfants non accompagnés et la politique des minorités en France ».

Les experts souhaitent que la France continue dans la voie du plus grand respect possible envers la Convention. [8]

A la tribune.

Un numéro vert pour aider les parents déboussolés

[Le Figaro]


La secrétaire d’Etat française chargée de la famille Nadine Morano a annoncé aujourd’hui à Genève la mise en place « d’ici la fin de l’été » d’un numéro vert pour aider les parents "déboussolés ».

Présentant le rapport de la France devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, Mme Morano a déclaré avoir « obtenu qu’une ligne téléphonique nationale et gratuite, le 119, soit ouverte pour les parents qui sont dépassés dans leur rôle de parents ».

Cette ligne « enfants en danger, familles en détresse » sera « assurée par des professionnels de la protection de l’enfance (et) permettra d’orienter les parents déboussolés et de détecter les situations qui peuvent rapidement dégénérer », a-t-elle annoncé.

« Gérer un conflit familial, c’est s’occuper des enfants ; gérer un conflit entre parents, c’est empêcher qu’à un moment ou à un autre, les enfants ne payent le prix de la mésentente parentale », a expliqué Mme Morano.

Elle a ajouté que « le gouvernement réfléchit aux moyens de renforcer les mesures d’accompagnement des séparations parentales, telles la médiation, voire à innover en instaurant un guide de la parentalité de façon à privilégier systématiquement l’intérêt de l’enfant ».

« La France veut être exemplaire en matière de la protection des droits de l’enfant, car les enfants sont notre avenir », a conclu Mme Morano.

Notes

[1Les procès verbaux de ces séances seront rendus publics.

[3A propos de droits et devoirs, nous vous recommandons ce petit texte d’Henri Leclerc.

[4Jurisprudence que l’on désigne souvent du nom de Laval-Bousquet.

[5A ce propos voir article 3238.

[8Les observations finales du Comité des droits de l’enfant de l’ONU seront rendues publiques le 12 juin ; voir http://www2.ohchr.org/english/bodie....


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