l’UNICEF s’inquiète des suites que la France accordera aux conclusions du Comité des droits de l’enfant


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : samedi 11 juillet 2009
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En juin dernier, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies a rendu publiques ses conclusions concernant la France. Parmi ses observations et recommandations, l’Unicef France a noté « le dangereux glissement de la justice française des mineurs vers plus de répression et moins d’éducatif », ainsi que « le fichage informatique, qui risque de porter atteinte aux droits les plus fondamentaux ».

Rappelant que la France est tenue de respecter la Convention internationale des droits de l’enfant qu’elle a ratifiée en 1990, tout en soulignant le peu de cas qu’elle a fait des observations précédentes du Comité des Nations unies, l’Unicef France, par la voix de son président, Jacques Hintzy, exprime son inquiétude quant aux suites que notre pays accordera aux conclusions du Comité.


La France à nouveau indifférente ?

Publié le 8 juillet 2009, sur le site de l’UNICEF


La France va-t-elle cette fois entendre les recommandations émises par le comité des droits de l’enfant de l’ONU ? Après son grand oral du 26 mai dernier, les experts onusiens ont publié leurs « observations finales » sur l’application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant en France. L’Unicef demande leur prise en compte par les autorités françaises.

En 2004 et 2007, black-out. La France ne s’est pas exprimée et est loin d’avoir entendu toutes les recommandations émises par le comité des droits de l’enfant à Genève. Aujourd’hui, elle vient de prendre connaissance de nouvelles observations de ce comité, qui vérifie la bonne application de la Convention Internationale des Droits de l’Enfant (CIDE). Mais l’Unicef France craint que les pouvoirs publics ne fassent à nouveau la sourde oreille. La France est pourtant tenue de respecter cette convention internationale qu’elle a ratifiée en 1990.

Dans ses recommandations, le Comité des droits de l’enfant reproche notamment à la France de ne reconnaître que 11 articles d’application directe dans sa loi sur les 54 que compte la CIDE. Pauvreté, accès à la santé et au logement, discriminations, châtiments corporels, adoption… Les experts mettent également en avant des lacunes françaises dans tous ces domaines. Des lacunes déjà soulignées par l’Unicef dans son rapport fourni au comité de Genève avant le grand oral de la France.

Des dossiers sensibles

Certains dossiers tiennent particulièrement à cœur à l’Unicef France. Le dangereux glissement de la justice française des mineurs vers plus de répression et moins d’éducatif, est l’un de ces sujets de préoccupation. Tout comme la mise en œuvre de la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, notamment après les récentes déclarations de Nadine Morano évoquant la possible suppression du fonds prévu. Autre sujet de vigilance : la situation inacceptable des mineurs étrangers isolés en France. Quant aux nouvelles lois sur l’immigration et la mise en place de tests ADN dans le cadre de la réunification familiale, elles font également partie des inquiétudes du comité des droits de l’enfant et de l’Unicef.

Droits de l’enfant, par Jacques Hintzy

Tribune publiée dans Le Monde du 9 juillet 2009.


En 2004 et 2007, lors de ses dernières auditions devant le Comité des droits de l’enfant de l’ONU, la France avait fait le black-out sur l’événement et la sourde oreille face aux observations critiques de cette instance chargée de vérifier l’application de la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) par les Etats signataires.

Que va-t-il en être cette fois, alors que les experts onusiens viennent de rendre leur quatrième rapport sur la question ? Malgré le silence persistant des autorités françaises sur le sujet, ces dernières vont-elles prendre en compte les recommandations pour faire progresser les droits de l’enfant sur notre territoire ? Nous l’espérons, nous le demandons.

Adoptée dans une exceptionnelle unanimité par l’Assemblée générale des Nations unies en 1989, la CIDE est le traité international le plus ratifié du monde. En la ratifiant en 1990, la France, comme les autres Etats signataires, a pris l’engagement solennel de mettre en oeuvre le texte et de le traduire dans sa législation nationale. Par la voix d’une délégation interministérielle menée par Nadine Morano, secrétaire d’Etat à la famille, la France a donc défendu son bilan pour la quatrième fois et répondu aux interrogations serrées des dix-huit experts du Comité. Sur cette base et s’appuyant sur le rapport indépendant de l’Unicef France, celui de la défenseure des enfants, et ceux de diverses associations, ces derniers ont rendu leur verdict et réitéré de nombreuses recommandations.

S’il salue certaines avancées réelles, comme la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la protection de l’enfance, le Comité de Genève reprend en grande partie les inquiétudes que nous, l’Unicef France, avons formulées dans notre propre analyse critique.

Le Comité regrette que ses précédentes observations n’aient pas été suivies d’effets ; il déplore l’absence, dans notre pays, d’une politique globale de l’enfance, qui induirait dans une même ambition l’implication des différents échelons institutionnels, le recueil de données précises (inexistantes à ce jour) et des moyens à la hauteur de l’enjeu. Notons que certains textes, comme celui de mars 2007, attendent toujours des textes d’application et les financements de l’Etat pour être mis en oeuvre.

Tout comme l’Unicef France et d’autres associations, le Comité de Genève reproche une lecture restrictive de la France, qui ne reconnaît toujours que 11 articles d’application directe dans sa législation sur les 54 que compte la CIDE et exprime une franche inquiétude sur plusieurs sujets : la pauvreté qui frappe de trop nombreux enfants en France (plus de deux millions) et ses conséquences catastrophiques en termes de scolarité, d’accès à la santé, de logement, de chômage des jeunes et, plus généralement, de stigmatisation de la part des pouvoirs publics et de certains médias. Les enfants d’outre-mer, des banlieues, issus de l’immigration, ceux des familles sans papiers, des demandeurs d’asile ou encore des gens du voyage, sont gravement pénalisés du fait de leur seule origine.

Outre qu’elle est intolérable dans une démocratie comme la nôtre, cette discrimination de fait contrevient aux principes fondamentaux de la CIDE et aux engagements de la France. Ce constat n’est pas une révélation pour tous les acteurs engagés dans la défense des droits de l’enfant, mais cette fois il ne provient pas de "militants", suspectés d’avoir une vision partisane et donc tronquée de la réalité, mais d’une instance onusienne dont on ne peut remettre en cause l’objectivité.

La situation inacceptable des mineurs étrangers isolés (particulièrement dans les zones d’attente des aéroports), pour lesquels nous avons appelé à la définition d’un statut protecteur à l’échelle européenne, est elle aussi de nouveau montrée du doigt par les experts, comme le sont les risques que font peser sur les enfants les nouvelles lois sur l’immigration et la mise en place des tests ADN dans le cadre de la réunification familiale. Le dangereux glissement de la justice des mineurs vers toujours plus de répression, qui n’enraye pas pour autant la délinquance juvénile, que nous et d’autres acteurs avons dénoncé fait lui aussi l’objet de critiques et de pressantes recommandations des experts de Genève. D’autant plus pressantes que ce point, avec celui des mineurs étrangers isolés, figurait déjà parmi les observations formulées en 2004 et 2007.

De graves zones d’ombre

Autres sujets de préoccupation : l’adoption, qui doit d’abord répondre à l’intérêt de l’enfant avant de satisfaire un désir d’enfant, les châtiments corporels, qui ne sont toujours pas bannis par notre législation, le fichage informatique, qui risque de porter atteinte aux droits les plus fondamentaux, ou encore la répression des regroupements des jeunes sur la voie publique.

Bien qu’à l’échelle mondiale, et en comparaison avec d’autres pays, la France figure parmi les bons élèves en matière de respect des droits de l’enfant, il n’en reste pas moins que persistent de graves zones d’ombre qui demandent des actions urgentes, concertées et ambitieuses, de la part des pouvoirs publics. Nous demandons que ces derniers ouvrent les chantiers, engagent des débats, et consentent les budgets qui s’imposent pour que cessent des situations inacceptables qui frappent parmi les plus vulnérables. Nous demandons que la France publie, en toute transparence, les recommandations des experts, comme le Comité le demande instamment. Cette année, alors que nous nous apprêtons à fêter les 20 ans de la CIDE, la France a une opportunité unique de se saisir de la question des droits de l’enfant, de mettre enfin en place la délégation parlementaire permanente que nous appelons de nos voeux depuis de nombreuses années et de promouvoir l’esprit et la lettre de la Convention, toujours méconnue du grand public.

La CIDE n’est pas l’idéal d’un hypothétique monde meilleur. Elle est un standard, à partir duquel nos gouvernants doivent construire une véritable politique globale de l’enfant. Les dispositions de la CIDE sont à la portée de la France, patrie des droits de l’homme. Il faut pour cela affirmer des choix politiques courageux qui misent sur les enfants et leur épanouissement, et visent le développement d’une société juste et protectrice des plus faibles, reposant sur une jeunesse écoutée, valorisée et rassurée.

Jacques Hintzy



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