intervention de la LDH auprès de l’ONU en faveur des directeurs menacés pour refus de BE1D


article de la rubrique Big Brother > base élèves et la CIDE
date de publication : mardi 8 décembre 2009
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La Ligue des droits de l’Homme a rendu publique le 8 décembre, la lettre qu’elle avait adressée le 20 novembre dernier à la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme des Nations unies.


Lettre de Jean-Pierre Dubois

à Madame Margaret Sekaggya
Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l’Homme
c/o Bureau du Haut Commissariat aux droits de l’homme. Genève

Paris, le 20 novembre 2009

Objet : Demande d’intervention URGENTE pour empêcher que des directeurs
d’écoles primaires soient sanctionnés parce qu’ils défendent les droits de l’enfant et de
leurs familles au respect de leur vie privée.

Madame,

La Ligue des droits de l’Homme (LDH) sollicite votre intervention urgente en faveur de
cinq directeurs d’école de l’Isère, M. Claude Didier à Prunières, M. Michel Duckit à
Montagne, Mme Elisabeth Heurtier à Saint-Gervais, Mme Patricia Arthaud à La Morte
et M. Rémi Riallan à Séchilienne, qui refusent d’entrer des informations à caractère
personnel pour renseigner les différents champs du fichier « Base-élèves » 1er degré. Les
raisons qu’ils invoquent sont en accord avec les recommandations du Comité des droits de
l’enfant rendues publiques en juin dernier.

De quatre à cinq journées de salaire ont déjà été retirées à ces directeurs d’école.
Aujourd’hui, ils sont « avertis » du retrait de cinq journées de salaire et du retrait d’emploi
de direction pour trois d’entre eux. Quant à M. Jean-Yves Le Gall, également directeur
d’école en Isère, celui-ci a déjà perdu son emploi de direction et a été muté d’office pour les
mêmes raisons (pièce jointe n°1), ce qui conduit la LDH à prendre très au sérieux ces
avertissements.

La fédération de l’Isère de la LDH est intervenue le 26 octobre 2009 auprès de l’Inspectrice
d’académie de l’Isère, madame Lesko, pour une demande d’annulation de ces projets de
sanctions (pièce jointe n°2), considérant qu’il ne s’agit pas d’un problème interne à
l’ Education nationale mais d’un problème touchant aux libertés fondamentales des enfants,
de leurs familles et de leurs proches. Cette demande est restée sans réponse.

Les sanctions envisagées par les inspections d’académie sont d’autant plus inacceptables
qu’elles sont appliquées à des éducateurs auxquels le ministère de l’Education nationale
demande par ailleurs d’enseigner aux enfants leurs droits les plus fondamentaux.

La LDH est sensible à la multiplication des bases de données concernant des enfants. Au
sujet de « Base-élèves » 1er degré, dont il est question dans ce grave litige, la LDH observe
que la conservation de données nominatives pendant trente-cinq années sont une violation
des droits de l’enfant. La LDH craint que des données nominatives collectées dans l’école
puissent être utilisées dans la détection de la délinquance ou encore pour la recherche des
enfants de parents migrants en situation irrégulière. Elle considère que les instituteurs
nommés ci-dessus obéissent à un impératif éthique en lien étroit avec la Convention
internationale des droits de l’enfant, et ne devraient donc pas être sanctionnés.

Notre association espère, Madame la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs
des droits de l’homme, que vous pourrez intervenir afin de protéger ceux qui, dans leur
mission éducative, oeuvrent conformément au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Nous vous prions d’agréer, Madame, l’expression de notre haute considération.

Jean-Pierre Dubois


  • Pièce jointe n°1 : lettre du 6 avril 2009 de Mme Lesko, Inspectrice de l’académie de
    l’Isère à M. Le Gall
  • Pièce jointe n°2 : lettre du 26 octobre 2009 de la LDH Isère à Mme Lesko, Inspectrice de
    l’académie de l’Isère

Base élèves : un collectif de résistance demande le soutien de l’ONU en faveur des directeurs menacés de sanctions
 [1]

Le 23 novembre 2009

Le Collectif national de résistance à Base élèves (CNRBE) et le syndicat enseignant Snuipp-FSU Isère ont demandé à l’ONU d’intervenir en faveur des cinq directeurs d’écoles primaires "menacés de sanctions allant jusqu’à leur retrait d’emploi de direction alors qu’ils ne font que respecter les droits des enfants et de leurs familles". "Ces directrices et directeurs qui refusent d’enregistrer les enfants dans ce fichier informatique ne demandent pourtant qu’une chose : que soit respectées et mises en œuvre les observations très claires faites par le Comité des droits de l’enfant", ont-ils indiqué dans un communiqué commun du 19 novembre.

Lors de sa 51e session, le 12 juin dernier à Genève, le Comité des droits de l’enfant s’est en effet déclaré "préoccupé par l’utilisation de cette base de données à d’autres fins, telles que la détection de la délinquance et des enfants migrants en situation irrégulière, et par l’insuffisance de dispositions légales propres à prévenir son interconnexion avec les bases de données d’autres administrations". Le système de base élèves du premier degré a rencontré une série d’oppositions, en particulier de syndicats de l’éducation et de la Ligue des droits de l’Homme.

Face à cette contestation, le ministre de l’Education nationale, Xavier Darcos, avait décidé en 2008, de retirer les informations sur la nationalité, la "date d’entrée sur le territoire", la "langue parlée à la maison" et la "culture d’origine" des élèves. Dans sa déclaration, le Comité des droits de l’enfant a noté "avec satisfaction que l’Etat partie a retiré des données sensibles initialement collectées et enregistrées dans cette base de données". Il a néanmoins constaté "avec inquiétude la multiplication de bases de données dans lesquelles des informations concernant les enfants sont collectées, stockées et utilisées pendant de longues périodes pouvant interférer sur le droit des enfants et de leurs familles à la protection de leur vie privée". Il a pointé en outre l’impossibilité des parents de s’opposer à l’enregistrement, ces derniers pouvant à l’avenir se montrer réticents à scolariser leurs enfants.

Le CNRBE fait savoir que "plus d’un millier de parents ont porté plainte pour enregistrement illégal de leurs enfants dans cette base de données". Concernant les élus locaux, le ministère de l’Education nationale rappelle sur son site que les "maires qui le souhaitent" ont accès aux données suivantes des écoles de leur commune : "l’identité de l’élève et de ses responsables légaux car les maires sont chargés de la gestion des inscriptions scolaires et du contrôle de l’obligation scolaire jusqu’à 16 ans ; les informations liées à la scolarité et aux activités périscolaires (garderie, etc.) car ils sont responsables de leur organisation".

Texte concernant Base élèves adopté lors du dernier conseil national du Snuipp (18 et 19 novembre 2009)

L’application Base élèves est aujourd’hui renseignée par une majorité d’écoles. Le SNUipp continue d’affirmer son opposition à ce système de fichiers géré hors de l’école et rappelle ses réserves éthiques. Les courriers envoyés par le SNUipp suite à l’avis du Comité des droits de l’enfant de l’ONU et des organisations FSU, SE, SGEN, FCPE et Ligue des droits de l’homme sont restés sans réponse de la part du ministère.

De nouveau, des pressions et des menaces sont exercées contre des directrices et directeurs qui n’ont pas saisi les élèves de leur école.

Pourtant, de l’avis des collègues étant dans BE1D, cet outil ne facilite pas le travail de direction et l’alourdit. Très souvent, un deuxième outil de gestion local est utilisé, BE1D ne servant qu’à l’administration. L’administration ne limite pas pour autant ses enquêtes auprès des écoles.

Le SNUipp propose de mener le débat sur les deux questions, éthique et outil de gestion, à l’occasion des rencontres avec les collègues sur la direction d’école. Il demande la levée de toutes les sanctions et pressions exercées à l’encontre de directrices et directeurs n’ayant pas saisi leurs élèves dans BE1D. Il proposera aux organisations signataires une nouvelle adresse au ministre pour être reçu, exiger l’arrêt et demander qu’un bilan global soit effectué, sur le plan fonctionnel et sur celui des libertés publiques. Il est

Le SNUipp informera des suites données aux différents recours déposés (Conseil d’état, plaintes des parents...)

Lettre de la Secrétaire départementale du Syndicat d’enseignants SNUipp-FSU Isère

à

Mme Margaret Sekaggya,
Représentante du Secrétaire Général sur la situation des Défenseurs des droits de l’Homme

Grenoble, le 2 novembre 2009,

Objet : Demande d’intervention URGENTE

« Des syndicats enseignants apportent tout leur soutien aux Directeurs d’écoles primaires menacés de sanction parce qu’ils défendent les droits de l’enfant et de leurs familles au respect de leur vie privée »

Madame la Représentante du Secrétaire Général,

Cinq directeurs d’écoles primaires de l’Isère encourent à l’heure actuelle de graves sanctions pouvant aller jusqu’au retrait de leur emploi de direction parce qu’ils n’ont pas enregistré les enfants de leurs écoles dans le traitement informatique de données à caractère personnel dénommé Base élèves 1er degré, au sujet duquel le Comité International des Droits de l’Enfant a très récemment exprimé ses préoccupations.
Ces directeurs demandent que soient respectées les recommandations du Comité.

Ces 5 directeurs, M. Claude Didier, directeur d’école à Prunières (Isère) (PJ1), M. Michel Duckit, directeur d’école à Montagne (Isère) (PJ2), Mme. Elisabeth Heurtier, directrice d’école à Saint-Gervais (Isère) (PJ3), Mme. Patricia Arthaud, directrice d’école à La Morte (Isère) (PJ4) et M. Rémi Riallan, directeur d’école à Séchilienne (Isère) (PJ5) se sont déjà vu retirer plusieurs journées de salaires à des dates espacées pour les mêmes raisons. Un autre directeur d’école, M. Jean-Yves Le Gall s’est vu retirer son emploi de directeur en Isère et a été muté d’office.

Face à la gravité des sanctions encourues et déjà prononcées à l’encontre de personnes qui ont à coeur la sauvegarde des droits fondamentaux des enfants, notre syndicat a adressé le 16 octobre 2009 un courrier à l’Inspectrice d’Académie de l’Isère lui demandant de renoncer à ses menaces de sanctions. Cette lettre étant restée sans réponse, notre syndicat a saisi, le 23 octobre 2009, la Conseil départemental de l’Education nationale composée de représentants de différents syndicats, d’associations de parents d’élèves et d’élus, présidée par l’Inspectrice d’académie en remplacement du Préfet ce jour-là, mais l’Inspectrice d’académie a refusé que la Conseil vote sur la question des sanctions contre les Directeurs. Notre syndicat a saisi de la même demande le Ministère de l’Education nationale, sans effet, à ce jour.

C’est pourquoi nous nous tournons vers votre instance pour une demande d’intervention urgente au profit de ceux qui oeuvrent au respect de l’intérêt supérieur de l’enfant au risque d’y perdre leur emploi.

Nous vous prions de recevoir, Madame, l’expression de notre haute considération.

Pour le SNUipp-FSU Isère, Gabrielle Beyler

Notes


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