de nombreuses organisations se déclarent opposées aux propositions de la commission Varinard


article de la rubrique justice - police > la justice des mineurs
date de publication : samedi 6 décembre 2008
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La commission présidée par André Varinard a remis, le 3 décembre 2008, son rapport sur la justice des mineurs [1].

La ministre de la justice a déclaré approuver la proposition de la commission de fixer à 12 ans l’âge de la responsabilité pénale : "Dire qu’un mineur d’aujourd’hui peut justifier une sanction pénale à partir de 12 ans me semble simplement correspondre au bon sens".
Cependant, dès le surlendemain, le premier ministre, François Fillon, s’est déclaré "totalement hostile à ce qu’on mette en prison des enfants de 12 ans et le gouvernement n’a pas de projet pour modifier la législation dans ce sens".

Un collectif d’organisations et de syndicats a annoncé l’organisation, lundi 8 décembre, d’une conférence de presse à Paris au cours de laquelle il annoncera "des initiatives à venir" pour s’"opposer à la mise en œuvre des préconisations de ce rapport ainsi qu’au démantèlement déjà à l’œuvre de la justice des mineurs".
Ci-dessous les réactions de syndicats de magistrats et de personnels de la PJJ (Protection judiciaire de la jeunesse).


USM et UNSA PJJ

Communiqué commun

L’USM et l’UNSA PJJ entendent rappeler qu’elles défendent fermement, conformément aux standards internationaux unanimement reconnus le principe d’un droit spécifique des mineurs mettant en avant la priorité de l’action éducative sur la répression.

La lutte contre la délinquance spécifique des mineurs nécessite une intervention énergique de l’Etat qui doit s’attaquer à ses multiples causes.

Le rapport des travaux de la commission présidée par Monsieur Varinard, présenté aujourd’hui, comporte des propositions positives, comme l’élaboration d’un code dédié ou le dossier unique de personnalité. D’autres apparaissent comme la reprise de pratiques déjà mises en œuvre à l’initiative d’éducateurs et de magistrats.

Cependant, le rapport comporte certains points inacceptables qui mettent en cause les principes fondamentaux de l’ordonnance de 1945 et portent atteinte au primat de l’éducatif sur le répressif, pourtant affiché.

L’USM et l’UNSA PJJ dénoncent la fixation de la majorité pénale à 12 ans, avec possibilité d’incarcération en matière criminelle, alors que dans la quasi totalité des pays européens, elle est de 14 ans, ainsi que l’a rappelée la défenseur des enfants lors de son audition par la commission Varinard.

Elles s’insurgent par ailleurs contre un certain nombre de mesures, dont on ne comprend nullement l’utilité mais qui marquent une véritable défiance à l’égard du Tribunal pour Enfants, actuellement composé d’un Juge des Enfants et de deux assesseurs citoyens, spécialisés dans les questions de l’enfance.

Il en va ainsi de l’idée de faire juger certains mineurs, soit par le Juge des enfants seul, hors la présence des assesseurs, soit, comme des adultes, par le Tribunal Correctionnel, ce qui est douteux sur le plan constitutionnel, et contraire à tous les engagements internationaux de la France.

L’USM et l’UNSA-PJJ, rappellent que pendant que le gouvernement communique sur la remise du présent rapport et affiche officiellement vis-à-vis de l’opinion publique, une plus grande fermeté à l’égard des mineurs et la nécessité de moyens supplémentaires, il opère en toute discrétion une diminution significative des moyens de la Protection judiciaire de la Jeunesse, tant en terme budgétaires qu’en terme d’emplois.

En effet cette administration du ministère de la justice, chargée notamment du suivi des mineurs délinquants, va subir, malgré les engagements formels pris par son directeur, la règle du remplacement d’un agent sur deux partant à la retraite et va voir son budget diminuer de 2,5% en 2009.

Compte tenu du nombre important de mesures de milieu ouvert actuellement en attente et du manque de places dans les foyers, la PJJ arrivera de moins en moins à répondre à ses missions auprès des jeunes délinquants. Le mandat de placement ne peut pallier le manque de moyens.

L’USM et l’UNSA-PJJ rappellent enfin que l’extension des possibilités d’incarcération des mineurs dès 14 ans en matière correctionnelle et dès 12 ans en matière criminelle, ne saurait constituer à elle seule le remède miracle contre la délinquance des mineurs.

Elle ne peut être combattue de façon utile que par le développement effectif des mesures alternatives à l’incarcération et la mise en place effective de mesures éducatives.

SNPES - PJJ / FSU

Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social
Protection Judiciaire de la Jeunesse
Fédération Syndicale Unitaire

Communiqué de presse

Paris, le 3 décembre 2008

Le durcissement constant de la politique pénale en direction des mineurs ces dernières années et le projet de la ministre de la justice d’en finir avec l’ordonnance de 45 faisaient craindre le pire quant
aux conclusions de la commission Varinard. Le pire semble être arrivé. Au prétexte d’un toilettage de l’ordonnance de 45, c’est son abrogation qui est programmée.

La commission réaffirme à toutes les lignes la primauté de l’éducatif et le caractère exceptionnel de
l’incarcération mais en réalité, les mesures préconisées vont dans le sens exactement inverse :
possibilité d’incarcérer des enfants dès l’âge de 12 ans, création d’une « sanction éducative »
d’incarcération les fins de semaine, possibilité de retenir les enfants de moins de 12 ans 6 heures
renouvelables une fois, instauration de la garde à vue dès 12 ans, contrôles judiciaires pour les
enfants de 12 ans, création d’un tribunal correctionnel proche de celui des majeurs pour les mineurs
récidivistes de 16 ans, suppression des mesures éducatives au pénal, accélération des procédures,
création de nouvelles peines…

Par ailleurs, la commission préconise ce que la direction de la Protection Judiciaire de la Jeunesse
avait déjà anticipé : la fin de la double compétence civile et pénale de la PJJ. Avec cette décision, le
service public d’Etat se désengage de sa mission de protection au profit d’un recentrage total sur des
missions de maintien de l’ordre qui vont se traduire par plus de mise à l’écart et plus d’enfermement
des adolescents auteurs de délits. Alors que plusieurs adolescents viennent de se suicider en prison,
venant ainsi dramatiquement démontrer les effets destructeurs de l’incarcération, la commission
Varinard, s’appuyant sur un constat de rajeunissement de la délinquance qui reste toujours à
démontrer sérieusement, ose proposer l’incarcération des enfants de 12 ans !

Simultanément, l’abandon de l’activité au civil par la Protection Judiciaire de la Jeunesse va
inévitablement laisser sur le bord de la route nombre d’enfants et de familles en grande difficulté
pour lesquels cette administration était un dernier recours. Les Conseils Généraux, dorénavant en
charge de l’ensemble des situations d’enfants en danger, ne pourront pas budgétairement y faire face
et, en tout état de cause, le désengagement de l’Etat entraînera des inégalités de traitement
inadmissibles.

A la Protection Judiciaire de la Jeunesse, nous assistons d’ores et déjà aux effets désastreux de cette
politique : fermetures de foyers éducatifs, de services d’insertion, injonctions administratives pour
que les personnels ne prennent pas en charge les mesures d’assistance éducative décidées par les
magistrats…

Le SNPES-PJJ/FSU, mettra tout en oeuvre pour s’opposer à la liquidation de l’ordonnance de 45 et à
l’ambition éducative dont elle était porteuse. Il mettra tout en oeuvre pour s’opposer au
désengagement de l’Etat de ses missions de protection. Dès demain, il déposera un préavis de grève
reconductible pour être en mesure de réagir le plus rapidement possible aux positions du
gouvernement concernant les conclusions de la commission Varinard.

Syndicat de la Magistrature

Communiqué

Une vision réactionnaire et répressive de l’enfance

Paris, le 3 décembre 2008

La commission Varinard rend aujourd’hui son rapport à la ministre de la Justice. La logique générale des 70 propositions de cette commission est particulièrement dangereuse car elles remet en cause de manière radicale les spécificités de la justice des mineurs (primauté des réponses éducatives, spécialisation des juridictions, atténuation des peines). Deux des préconisations sont à cet égard emblématiques : la possibilité d’emprisonner un enfant dès l’âge de 12 ans en matière criminelle et l’instauration d’un tribunal correctionnel pour les 16-18 ans.

Les conséquences de telles orientations n’ont manifestement pas été évaluées, pas plus qu’il n’a été tenu compte de l’avis très majoritaire des professionnels entendus. Par exemple, l’éviction des assesseurs non professionnels par la mise en place d’un tribunal à juge unique se heurte à la conviction générale des juges des enfants et des assesseurs, que la participation sous cette forme de citoyens volontaires et formés à l’oeuvre de justice est très satisfaisante. A l’évidence, la commission Varinard n’a pas travaillé dans un esprit de véritable concertation mais a surtout souhaité répondre à la commande politique exprimée sans fard par la Garde des sceaux lors de l’installation de cette commission le 15 avril dernier.

Le contexte dans lequel ces propositions s’inscrivent est également très inquiétant : les récentes déclarations du porte-parole de l’UMP visant à relancer l’idée d’un dépistage précoce des troubles du comportement chez les jeunes enfants, l’opération de gendarmerie dans un collège du Gers avec des chiens et donnant lieu à des palpations appuyées, montrent combien le regard de nombreux responsables sur la jeunesse est rétrograde et stigmatisant. De même, l’actuel désengagement de l’Etat du champ de la protection de l’enfance va laisser, de fait, sur le bord du chemin, de nombreux jeunes en danger qui ne pourront être pris en charge par les dispositifs départementaux de droit commun.

Le Syndicat de la magistrature appelle tous les adultes soucieux de l’avenir et de l’éducation de leurs enfants à se mobiliser afin que la société française renoue avec l’esprit humaniste de l’ordonnance du 2 février 1945 faite de solidarité et de responsabilité à l’égard des jeunes en difficulté. Est-il besoin de rappeler que la prise en charge éducative des enfants n’est en aucun cas une impunité face à des actes de délinquance mais un accompagnement responsable et humain, leur permettant notamment d’intégrer les interdits ?

Le Syndicat de la magistrature affirme sa volonté de s’opposer fermement aux principales orientations de la commission Varinard qui nous feraient revenir à une époque où les jeunes commettant des actes de délinquance n’étaient appréhendés que sous l’angle du maintien de l’ordre public, au mépris de l’éducation.

Notes

[1Le rapport de la commission Varinard est téléchargeable : http://www.presse.justice.gouv.fr/a... (1.5 Mo au format PDF).


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