la prison des Baumettes, cet “endroit répugnant”


article de la rubrique prisons
date de publication : jeudi 6 décembre 2012
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Le Journal officiel du 6 décembre 2012 publie les recommandations du Contrôleur général des lieux de privation de liberté concernant le centre pénitentiaire des Baumettes, à Marseille. Le constat dressé par la vingtaine de contrôleurs qui ont visité l’établissement, du 8 au 19 octobre 2012, fait apparaître une violation grave des droits fondamentaux des personnes détenues.

On pourra comparer l’état actuel de la prison des Baumettes tel qu’il ressort de ce rapport de Jean-Marie Delarue [1] avec ce qu’on pouvait en dire en 2006, et constater que, là aussi, le changement se fait attendre ...

« Le maintien de détenus aux Baumettes me paraît être à la limite de l’acceptable, et à la limite de la dignité humaine », écrivait en février 2006 l’ancien commissaire européen aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles.

[Mis en ligne le 28 décembre 2006, mis à jour le 6 décembre 2012]



Avec des années de retard, la rénovation de la prison marseillaise des Baumettes, « vétuste » et « répugnante » selon le Conseil de l’Europe, devait débuter au mois de novembre 2006 et s’étaler sur près de dix ans.
Destinée à rapprocher cette prison des années 1930 des normes européennes, la réhabilitation coûtera 133 millions d’euros, d’après l’évaluation de l’administration pénitentiaire. La première tranche de rénovation, de 2006 à 2010, concernera notamment les portes d’entrées, les miradors, les parloirs, la construction d’un nouveau mess et d’ateliers. Le tour des bâtiments d’hébergement ne viendra qu’en 2009.

Le centre pénitentiaire de Marseille-Les Baumettes, construit entre 1933 et 1939 à l’extérieur de la ville (entre Mazargues et Morgiou), fut vite rattrapé par l’expansion de la cité. Il est implanté sur un domaine de 30 hectares dont 12 hectares intra-muros.
 [2]

Sa capacité d’accueil est de 1 373 places, qui se répartissent en plusieurs entités :

  • la maison d’arrêt des hommes composée de 1182 places, organisée en 4 bâtiments de détention,
  • le centre pénitentiaire des femmes comprenant 87 places en maison d’arrêt, 38 places en centre de détention, 3 places en semi-liberté et 4 cellules doubles dans le secteur "nursery",
  • le centre pour peines aménagées ouvert en 2002, d’une capacité d’hébergement de 39 détenus dont le reliquat de peine est inférieur ou égal à 1 an et
  • un centre de semi-liberté de 24 cellules doubles.

Selon la direction régionale de l’administration pénitentaire, ces 1 373 places étaient occupées par 1 444 détenus en novembre 2006 (contre 1 680 en décembre 2005) [3].

« Un endroit répugnant ! »

En septembre 2005, Alvaro Gil-Robles, commissaire européen aux droits de l’homme, répondant à Dominique Simonnot qui lui demandait ce qu’il retenait de sa visite à la prison des Baumettes, lui répondait [4] :

« C’est un endroit répugnant ! Des travaux y sont prévus, mais le problème est le nombre de personnes qui y sont incarcérées et je doute qu’on puisse jamais en faire un lieu normal, même en y mettant des milliards. Les gens y sont très excités et c’est normal, entassés comme ils sont ! J’ai été aussi très frappé par la quantité de prisonniers atteints de problèmes psychiatriques. Ce sont des malades et on ne peut ignorer leur droit à être soignés ni les problèmes que cela pose au personnel. Il faut des établissements adéquats où ces malades soient traités dignement.

« Il faut être clair et net : être en prison, c’est être privé de liberté, et non pas vivre dans un lieu indigne d’êtres humains. Dans ces conditions, les gens sortent de là pires qu’ils n’y sont entrés, pleins de haine contre une société qui les a traités de la sorte. L’intérêt collectif commande que la prison rende possible une réinsertion sociale. La sécurité n’est pas seulement la répression, c’est aussi le respect et la solidarité. »

Coursives intérieures.

Urgence à la prison des Baumettes

Nouvel Obs, décembre 2005

La rénovation de la prison des Baumettes à Marseille, qualifiée « d’endroit répugnant » par le Conseil de l’Europe, « ne peut plus attendre », ont conclu samedi 10 décembre 2005 deux parlementaires de l’opposition lors d’une visite inopinée pour la journée des droits de l’Homme.

« Dans le quartiers des hommes, il y a des parloirs indignes à l’aube du troisième millénaire. Cela devient indécent et même provocateur. On ne peut plus attendre pour la réhabilitation », a déclaré la députée Sylvie Andrieu (PS) à sa sortie des Baumettes, après un entretien avec la direction de la prison et une visite au quartier des femmes.

« Scandaleux »

Le sénateur Robert Bret (PCF) a rappelé que des travaux de rénovation devaient être entamés depuis 1999 dans cette prison construite en 1934 mais « n’ont toujours pas commencé ». « C’est scandaleux », a-t-il ajouté.
Après un appel d’offres infructueux, la direction de la prison a décidé de découper en tranches les travaux et ces derniers pourraient débuter au mieux au second semestre 2006.

Selon l’Observatoire international des prisons (OIP), les parloirs et les salles d’attente de la prison des Baumettes sont « très, très sales » et ne disposent de quasiment aucune facilité pour les familles.
« C’est terriblement sale, les toilettes sont affreuses, il n’y a aucun respect pour nous les membres de la famille », regrette Saoussen, une jeune fille qui vient voir son frère chaque semaine, interrogée devant la prison.

Progrès

Les parlementaires ont noté quelques progrès au niveau de la surpopulation même si celle-ci demeure un problème avec 1.680 détenus pour 1.380 places. Certaines cellules de 9 m² comptent jusqu’à trois détenues.

« Il y a quand même une amélioration dans le quartier des femmes, notamment au niveau des rapports entre les détenues et le personnel et dans la formation », a estimé Sylvie Andrieu.
Le 22 septembre, le commissaire européen aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Alvaro Gil-Robles, a dénoncé l’état déplorable des prisons françaises.

L’OIP plaide pour la mise en place d’une instance de contrôle extérieure et indépendante des prisons.

La volonté affichée par l’administration de respecter les règles européennes s’avère difficile

Respect des droits fondamentaux, hygiène, santé, travail, relations familiales, formation des personnels, sécurité... les 108 règles pénitentiaires adoptés en janvier 2006 par les 46 pays du Conseil de l’Europe concernent toute la vie carcérale. Elles apparaissent ambitieuses par rapport à la réalité. « Leur lecture est simple, leur mise en oeuvre compliquée », a souligné le directeur de l’administration pénitentiaire, Claude d’Harcourt.

La règle 4, par exemple, dit que « le manque de ressources ne saurait justifier des conditions de détention violant les droits de l’homme ». La règle 12 prévoit que « les personnes souffrant de maladies mentales devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet ». Au chapitre du « bon ordre », il est recommandé (règle 51) que « les mesures de sécurité appliquées aux détenus doivent correspondre au minimum requis ». Un traitement particulier (règle 96) est requis pour les prévenus en attente de leur jugement. Quant aux condamnés, « leur régime doit être conçu pour leur permettre de mener une vie responsable et exempte de crime » (règle 102).

Nathalie Guibert, Le Monde du 15 octobre 2006

Les péchés capitaux [5]

En 1938, des bas reliefs, oeuvres du sculpteur marseillais Antoine Sartorio symbolisant les sept péchés capitaux, ont été placés sur le mur d’enceinte des Baumettes. Une bien triste illustration du rôle pûrement répressif dévolu à la prison, au détriment de ce qui devrait être sa première finalité : la réinsertion.

Notes

[1Voir également les photos prises par le Contrôleur : http://www.cglpl.fr/wp-content/uplo....

[2Adresse postale du Centre pénitentiaire :
239, chemin de Morgiou - 13 404 Marseille cedex 20
Téléphone : standard 04.91.40.81.00 - parloirs 04.91.40.44.12

[3L’établissement a compté jusqu’à 2 600 prisonniers pour 900 places, il y a vingt ans, avant la construction du bâtiment D en 1989.

[4Libération, 22 sept 2005.

[5Les photos des péchés capitaux sont dues à Philippe Reboul.


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