la CGT dénonce le plan canicule


article de la rubrique prisons
date de publication : vendredi 4 août 2006
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Une vue de la prison des Baumettes à Marseille (AFP).

La CGT dénonce le plan canicule

[Le Nouvel Observateur, 1er août 2006]

[Le syndicat estime que les conditions de vie en prison dépassent " le tolérable et le supportable" en cette période de canicule.

Dans un communiqué publié vendredi 28 juillet, le syndicat CGT des personnels pénitentiaires (UGSP-CGT) dénonce les conditions de vie des détenus en prison en période de canicule. Le syndicat estime que "la détention est une fournaise et dépasse le tolérable et le supportable".
Selon le communiqué, "les détenus suffoquent dans leur cellule, les promenades sont à proscrire car pas du tout ombragées. Les personnels exercent dans des conditions exécrables, que ce soit dans les bureaux administratifs ou dans les coursives, la climatisation n’existe pas".

Des recommandations "hallucinantes"

Au sujet des déclarations du ministre de la Justice, Pascal Clément, mardi dernier, le syndicat déclare : "le ministre de la Justice, en visite à la maison d’arrêt de Versailles, s’est dit satisfait de la situation dans les prisons, c’est bien le seul".

Certaines recommandations du plan canicule, activé par l’Administration pénitentiaire depuis le mois de juin, sont jugées "assez hallucinantes" par la CGT qui s’interroge : "Comment aérer une prison alors même que certains lieux n’ont pas de fenêtres, que les portes ne peuvent pas rester ouvertes ?"
 [1].

Dans les locaux de la prison de la Farlède, l’air semble tout aussi étouffant. Si les bureaux de l’administration et celui des surveillants sont climatisés, « Il fait près de 40° dans les
coursives, c’est infernal » relève Jacques Adjedj, délégué CGT.

Un prisonnier a récemment relevé une température frôlant les 50 ° dans sa cellule. Les détenus du centre de la Farlède sont toutefois légèrement mieux lotis qu’à Draguignan, puisque la majorité des cellules disposent d’une douche. [2]

Accueil glacial dans prison surchauffée

En visite mardi à la maison d’arrêt de Versailles pour voir comment les prisons font face à la canicule, le ministre de la Justice, Pascal Clément, a dû faire face à des prisonnières plutôt en colère.

par Alexandra Bogaert, Libération, le 25 juillet 2006

Tout avait bien commencé mardi à la prison de femmes de Versailles. 15 heures. Patrick Denizot, le directeur adjoint de l’établissement, droit dans son uniforme officiel, attend sous un soleil de plomb que le ministre de la Justice arrive. Pascal Clément fait son entrée. Poignée de mains, échange d’amabilités. On parle du temps, pas seulement parce que c’est d’usage, mais parce que la canicule est justement le thème de cette visite ministérielle.

Le Garde des Sceaux a envoyé le 19 juin une circulaire ministérielle aux directeurs de prison « afin de mieux aborder la période estivale ». Un bon mois après, il vient voir sur le terrain comment ses préconisations sont appliquées. En la matière, la maison d’arrêt de Versailles, avec ses 56 détenues pour 74 places, est une bonne élève.

Patrick Denizot explique que les prisonnières, pour se rafraîchir, peuvent boire autant d’eau du robinet qu’elles le souhaitent et prendre plusieurs douches par jour contre les trois hebdomadaires -au minimum- habituellement. Elles bénéficient, pour les plus fragiles d’entre elles, d’un suivi médical accru, « jusqu’à deux contrôles par jour », indique Patrick Denizot. Le directeur adjoint explique aussi que des plaquettes d’information sur la nécessité de s’hydrater leur ont été distribuées, que l’activité des ateliers est ralentie et que, petite entorse au règlement, il autorise l’ouverture des portes et fenêtres (qui ont toutes des barreaux) afin de ventiler les couloirs.

Enfin, il mentionne que les détenues ont un accès illimité à l’eau fraîche, dans la mesure toutefois où elles achètent elles-mêmes leurs bouteilles. « Plus de 3000 consommées depuis mai, c’est pas mal », ajoute-t-il. Bref, une présentation exemplaire, cadrée, sans faux pli. Et Pascal Clément se montre satisfait.

Puis c’est l’heure de la visite des locaux. Il fait chaud dans ces couloirs aux murs roses. Mardi matin, on y a relevé une température de 26°C au rez-de-chaussée, 35°C au second étage. Ici et là, des fontaines d’eau en libre service, pour le personnel. Direction la cour, où une poignée de détenues papote à l’ombre. Ça sent le monoï. Elles ont chaud, elles le disent sans ambages. « On n’a pas de ventilateur dans les chambres, on souffre de toute cette chaleur », dit l’une. Sa voisine enchaîne : « Le pire c’est qu’on n’a pas de glaçons, pas d’eau fraîche. Même l’eau en bouteille est chaude. Comme on n’a pas de frigo dans la chambre, on n’a aucun moyen de conserver les produits laitiers. Et la douche, c’est quand on veut mais ça coule en un mince filet d’eau ».

Pascal Clément insiste : « J’ai moi-même ouvert le robinet de la cour, elle est fraîche ! » Une voix vient d’en haut, d’une cellule du second étage, pour -involontairement- le contredire : « Si vous m’entendez, nous tout ce qu’on veut c’est de l’eau froide. Merci. »

En route vers l’atelier collage. Pascal Clément re-insite. « Alors, l’eau, elle est fraîche ? », lance-t-il à la dizaine de détenues en entrant dans la pièce. La réponse est immédiate, et unanime : « Non ! » Le thermomètre affiche 31°C. Une gardienne confirme discrètement que l’eau en bouteille, n’étant pas stockée dans un réfrigérateur, est « le plus souvent tiède ». Une femme fait remarquer qu’ « un petit peu d’air frais, ce serait bien ». Réponse du Garde des Sceaux : « Ça c’est vrai pour tout le monde ! »

Et puis de toute façon, s’il est venu, c’est « surtout pour remercier le personnel pénitentiaire » qui, lui aussi, crève de chaud. Pas pour recevoir un accueil glacé...

Notes

[1On notera que le plan canicule du ministère donne
"autorisation aux détenus de porter un couvre chef" afin de se protéger contre les effets du soleil.

[2Var-Matin, 27 juillet 2006.


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