un poste de « contrôleur général des lieux de privation de liberté » va être créé


article de la rubrique prisons
date de publication : mardi 31 juillet 2007
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Un poste de "contrôleur général des lieux de privation de liberté" sera créé à l’automne. La ministre de la justice, Rachida Dati, présente un projet de loi en ce sens, mardi 31 juillet, au Sénat. La surpopulation record des maisons d’arrêt rend urgente l’installation d’une autorité indépendante de contrôle. De plus, cette dernière s’impose par les conventions internationales.

Le contrôleur général sera "chargé de s’assurer que les droits fondamentaux des personnes privées de liberté sont respectés et de contrôler les conditions de leur prise en charge". Le texte prévoit de lui attribuer un champ d’action très large, couvrant les quelque 5 500 lieux d’enfermement existant en France, des prisons aux hôpitaux.
Mais ses pouvoirs seront limités (le caractère secret des informations pourra lui être opposé et il ne pourra formuler que des recommandations) et son indépendance est loin d’être assurée.


Contrôler les prisons

Editorial du Monde du 31 juillet 2007

Tout ce qui vise à améliorer le fonctionnement d’un système pénitentiaire souvent indigne de la France est bon à prendre. Il faut donc se féliciter de la création d’un poste de "contrôleur général des lieux de privation de liberté", largement inspiré de l’Inspection en chef des prisons britanniques, créée dès 1981, dans le cadre d’un projet de loi examiné par le Sénat, en première lecture, mardi 31 juillet. Au demeurant, les engagements internationaux pris par la France, en particulier auprès de l’ONU, imposaient la mise en place d’une telle structure.

Mais le scepticisme, voire la méfiance, s’impose à l’examen du dispositif gouvernemental. La garde des sceaux, Rachida Dati, et le premier ministre, François Fillon, ont fixé des ambitions très larges à la nouvelle institution, dont les attributions s’étendent, bien au-delà des seules prisons, à tous les lieux de garde à vue et aux hôpitaux psychiatriques, soit, au total, quelque 5 500 sites. L’efficacité d’une mission de contrôle, dans un champ d’action aussi varié, suppose des moyens et de larges pouvoirs. Or le gouvernement, à ce stade, ne semble accorder ni les uns ni les autres : pas d’annonce sur la garantie d’une enveloppe budgétaire et des effectifs nécessaires ; un rôle limité à des recommandations ; un contrôleur dont les modalités de nomination, par simple décret, ne garantissent pas l’indépendance et qui peut se voir opposer le secret professionnel. Le projet de loi, tel qu’il est soumis aux sénateurs, est très en retrait par rapport aux préconisations de Guy Canivet, premier président de la Cour de cassation de 1999 à 2007, qui avait rédigé un rapport sur le sujet il y a déjà sept ans.

Autrement dit, le soupçon, nourri par les associations et les syndicats, d’une simple opération d’affichage politique est d’autant plus légitime que les autorités françaises sont coutumières du fait, comme le montrent deux précédents : deux commissions de contrôle, chargées respectivement de l’informatique et des libertés (CNIL) et de la déontologie de la sécurité (CNDS), à la philosophie voisine et à l’utilité indéniable, se débattent dans de telles difficultés, notamment du fait de budgets insuffisants, qu’elles sont exposées de manière récurrente à l’asphyxie.

Il ne sert à rien d’empiler les structures si l’Etat ne leur donne pas les moyens d’exercer un réel pouvoir de contrôle. Ainsi, la CNDS est déjà supposée surveiller les prisons. Là aussi, la "rupture" devrait s’imposer par rapport aux pratiques du passé. Malheureusement, le projet soumis au Parlement ne semble pas témoigner d’une telle volonté. Il reste tout l’été aux parlementaires de la majorité pour corriger la copie du gouvernement et montrer leur volonté d’humaniser le système carcéral et de le rendre plus transparent.

Communiqué d’un collectif

A propos du projet de loi sur le contrôle extérieur

Les organisations signataires prennent acte avec satisfaction de l’initiative gouvernementale visant à instaurer un contrôleur général des lieux de privation de liberté, conformément à l’engagement pris par la France auprès des Nations Unies de créer un mécanisme national de prévention des traitements inhumains et dégradants.

Cependant, le contrôleur général des lieux de détention doit constituer une autorité indépendante et incontestable. Les organisations signataires considèrent donc que sa nomination doit intervenir à l’issue d’une procédure transparente et être de la seule responsabilité du Parlement, et ceci conformément au principe exposé par le Premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale, sur la nomination des présidents des autorités administratives indépendantes.

De plus, au regard du choix gouvernemental de doter cette autorité indépendante d’un champ de compétence qui s’étend à l’ensemble des lieux de privation de liberté, les organisations signataires considèrent que la multiplicité des lieux concernés, leur diversité et leurs spécificités imposent, pour assurer l’effectivité d’un contrôle permanent, une dotation en moyens humains et financiers considérable et adaptée à l’ampleur et l’importance de sa mission. Elles alertent donc sur la nécessité de lui garantir la faculté d’un recrutement de collaborateurs suffisamment nombreux et spécialisés selon le type de lieu à contrôler. A titre d’exemple, en Angleterre, l’inspecteur en chef, qui assure les visites pour le seul domaine pénitentiaire, bénéficie d’une équipe de 41 personnes. Le contrôleur général, dans le projet français, sera compétent non seulement pour les établissements pénitentiaires, mais aussi pour les centres de rétentions, locaux de garde à vue, hôpitaux psychiatriques, etc.

Enfin, en ce qui concerne les prérogatives du contrôleur général, les organisations signataires estiment qu’aucune restriction ne saurait être apportée aux principes du libre accès aux lieux privatifs de liberté et aux informations ou pièces nécessaires à l’exercice de sa mission, conformément à l’esprit du protocole de l’ONU. Par ailleurs, elles considèrent que les autorités publiques doivent se voir imposer l’obligation de répondre aux avis et recommandations du contrôleur général. Pour rendre le contrôle effectif, le contrôleur général doit en outre disposer d’un pouvoir d’évaluation et d’injonction, ce qui n’est pas le cas en l’état actuel du projet de loi. De plus, garantir un contrôle permanent implique un pouvoir de visites régulières et inopinées. Enfin, le contrôleur doit avoir la faculté de rendre public ses rapports de visite, ses avis, ses recommandations et ses rapports annuels, indépendamment des réponses formulées par les autorités publiques.

Aux yeux des organisations signataires, ces modifications sont indispensables pour permettre un contrôle réel et effectif.

Paris, le 17 juillet 2007


Organisations signataires : ACAT-France, ASPMP (association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire), GENEPI, Interco-CFDT, OIP, SNEPAP-FSU, Syndicat de la Magistrature, UGSP-CGT.

Le médiateur de la République a recensé 5 500 lieux privatifs de liberté

PRISONS : 190, dont 116 maisons d’arrêt, 60 établissements pour peine, 13 centres de semi-liberté.
LOCAUX DE GARDE À VUE : plus de 4 000 (dont 3 600 relèvent de la gendarmerie et 419 de la police nationale).
CENTRES ÉDUCATIFS FERMÉS : 28.
ZONES D’ATTENTE DES PORTS, AÉROPORTS ET GARES : une centaine, dont une dizaine a une activité régulière.
LOCAUX DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE : une centaine.
CENTRES DE RÉTENTION ADMINISTRATIVE : 25 (20 gérés par la police, 5 par la gendarmerie).
LOCAUX D’ARRÊT DES ARMÉES : 138.
SECTEURS PSYCHIATRIQUES DES CENTRES HOSPITALIERS : plus d’un millier.

Le nombre de détenus au plus haut depuis trois ans

Le nombre de détenus en France s’élevait au 1er juillet à 61.810 personnes, à son plus haut niveau depuis le pic historique de juillet 2004 (63.652), selon des statistiques de l’Administration pénitentiaire (AP) disponibles le 18 juillet 2007 sur le site internet du ministère de la Justice.

Ce chiffre marque une hausse annuelle de 3,9% par rapport aux 59.488 détenus comptabilisés au 1er juillet 2006. Mais ce nombre avait été suivi un mois plus tard d’une baisse de 4,5%, sous l’effet des grâces du 14 juillet.

Il faut remonter à juillet 2004 pour trouver un chiffre plus élevé que les 61.810 du 1er juillet 2007. La population carcérale avait alors atteint le pic historique de 63.652 détenus : ce niveau avait diminué ensuite de manière drastique après, là aussi, la grâce collective du 14 juillet, qui avait accordé un nombre record de jours de remise de peine.

Cette traditionnelle soupape de sécurité à l’égard de surpopulation carcérale n’aura pas d’effet le mois prochain puisque le président Nicolas Sarkozy a refusé de faire usage de son droit de grâce.

Selon l’AP, le nombre de "places opérationnelles" dans les prisons françaises est de 50.557.

Un détenu obtient l’ouverture d’une enquête sur ses conditions de détention

par Pascale Robert-Diard, Le Monde, daté du 20 juillet 2007

En obtenant que soit instruite une plainte pour "hébergement contraire à la dignité humaine", un détenu espère relancer le débat sur les conditions de détention en France.

En juillet 2006, le doyen des juges d’instruction de Nancy recevait une lettre signée Enzo Canali, détenu à la maison d’arrêt de Nancy, un établissement pénitentiaire construit en 1857. Il y dénonçait l’occupation à deux d’une cellule de 9 m2, sans aération, vétuste et sale, équipée de toilettes non séparées, dont la chasse d’eau fuyait, etc. Et déposait plainte avec constitution de partie civile. En octobre 2006, une ordonnance de refus d’informer était rendue par une première juge d’instruction.

Il en fallait davantage pour décourager l’avocate du détenu, Me Delphine Mercier, qui faisait appel. Le 1er mars, la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Nancy a infirmé la décision du premier juge en soulignant que "la personne détenue est, du fait de la privation de sa liberté d’aller et venir, incontestablement en situation de vulnérabilité" et que "sa détention s’analyse, au moins en partie, comme un hébergement".

En conséquence, a relevé la cour, il appartient au juge d’instruction de "vérifier la réalité du caractère éventuellement incompatible avec la dignité humaine des conditions d’hébergement de la personne détenue, de l’abus reproché aux personnes physiques en position - notamment en raison de leurs fonctions - de les créer ou d’y mettre un terme".

"CONDITIONS DÉGRADANTES"

Le parcours n’était pas pour autant terminé. La première juge désignée pour instruire la plainte demandait à être déchargée de ce dossier "en raison des liens d’amitié" qu’elle entretenait avec la personne responsable de l’établissement pénitentiaire en cause. Le dossier revenait donc devant la chambre de l’instruction de la cour, qui a désigné un nouveau juge, en juillet. Vacances judiciaires obligent, l’enquête pourrait démarrer cet automne.

"Notre souci est de remonter toute la chaîne de responsabilité. Nous allons exiger du juge d’instruction qu’il fasse un certain nombre d’actes afin de vérifier la réalité des conditions d’hébergement dans les prisons en France", explique Me Mercier, qui n’exclut pas de poursuivre sa procédure devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH). Celle-ci, rappelle-t-elle, a déjà condamné la Pologne et la Grèce pour "conditions dégradantes de détention".


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